Je resserrai les mains sur le mug de café bien chaud que Michael venait de me servir. Savourant la chaleur qui s’en dégageait je m’aperçus que mes mains étaient gelées.
- Alors ? Commença Nathan. On peut parler librement ?
Mon compagnon se concentra un instant, les yeux fermés, et acquiesça d’un signe de la tête.
- Oui, ils sont tous rentrés chez eux. Ajouta-t-il.
Michael avait fait place libre ce soir, intimant à tous les loups présents dans sa demeure de rentrer chez eux. Ne restait plus que ses plus proches partisans, ainsi que moi et Julian. Il souhaitait discuter de ce qui venait de se passer mais uniquement avec ceux en qui il avait une entière confiance, ce qui comprenait Nathan, Thomas, Van, moi-même et Julian qui, à l’instar de son nouveau rôle de dominant, bien que pas encore officialisé, avait pris du grade au moins dans l’estime de Michael.
Ce qui expliquait donc que nous nous retrouvions attablés dans la cuisine, autour d’une tasse de café pour moi et de quelque chose de plus fort pour les loups. Ils semblaient tous en avoir besoin, quant à moi j’ignorais à quoi je ressemblais, mais étant donné le soin tout particulier qu’apportaient les loups à me rendre les choses plus faciles, j’imaginais assez aisément que je ne devais pas être l’image même de la sérénité.
- Bon alors c’était quoi ce bordel ? Dit Van, démarrant les hostilités. Et qu’est-ce qu’on fait ici au lieu de casser du vampire ?
Il était clairement énervé ce que je comprenais. On en avait tous pris pour notre grade, et chacun de nous abordait la révélation de ce soir à sa manière. Visiblement pour Van c’était la colère.
- Calme-toi Vanniel. Lui ordonna Michael. Il faut… Il faut que j’y réfléchisse. C’est pour ça que je veux savoir ce que vous en pensez. J’ai pas passé quinze ans de ma putain de vie à obéir aux petits jeux pervers du Maître pour lancer mes loups dans une guerre ouverte à peine 3 ans après ça.
Je réprimai un frisson à ces mots. Mon dieu, si j’étais vraiment la cause de tout ça… Michael ne me le pardonnerait jamais.
- Il y a aussi la possibilité qu’il nous ait mentis. Déclara calmement Nathan.
Thomas releva brusquement la tête de dessus son verre de scotch.
- Je ne crois pas. Je veux dire… il était fou mais… il a dit la vérité, j’en suis certain. Les… les détails qu’il a donné sur la mort de Bellinda, ils étaient tous exacts.
- Ca ne veut pas dire qu’il n’a pas mentis pour le reste. Ajouta néanmoins Michael.
-Et… Ça te parait plausible à toi ? Demanda Nathan à mon compagnon.
Michael soupira profondément avant de répondre.
- Je ne sais pas, j’ai du mal à le concevoir. Durant ces quinze ans, j’ai eu le temps de comprendre comment fonctionnait le Maitre. C’est une enflure c’est clair mais… bordel, l’honneur est tout pour lui. Je ne le vois pas briser un serment sous prétexte d’une potentielle menace. Et je n’arrive toujours pas à comprendre en quoi le fait que j’ai pris Lucy pour compagne puisse être si dangereux. D’accord, ils ont l’air de savoir des choses qu’on ne sait pas nous-même, mais bordel, c’est une guérisseuse ! Qui plus est même avant ça, elle était déjà de notre côté alors je ne comprends rien.
J’avais moi-même une petite idée différente des raisons du Maître mais je n’osai pas l’exposer comme ça, devant Michael, devant tout le monde. Mais c’était sans compter sur le lien qui me liait à mon loup.
- Lucy ? Tu as quelque chose à dire ?
Tous les loups se tournèrent vers moi dans un même mouvement. Je relevai les yeux, le nez encore plongé dans ma tasse. Je soupirai moi aussi, mon souffle formant de petite vaguelette sur la surface ébène du liquide amer.
- Est-ce que… Tu as envisagé la possibilité que… Enfin Michael, si le Maître envoie une formation pour attaquer ta meute juste après que tu m’aies prise pour compagne, et au vu de votre passé ensemble… ce n’est peut-être pas une coïncidence.
Bon je n’avais peut-être pas choisi les meilleurs termes, me dis-je en constatant la tension qui saisit le corps de Michael à l’écoute des mots « passé ensemble ». Ok, ça évoquait un consentement d’un côté comme de l’autre, ce qui n’était clairement pas le cas, je le savais bien. J’avais foiré dès ma première intervention ! Bravo Lucy ! Dix sur dix ! Si ça continue comme ça, on va te décerner le prix de la plus grande gaffeuse de tous les temps.
- Lucy, c’était…
- Non attends, je sais, je n’aurais pas dû dire ça, ce n’était pas ce que je voulais dire. Mais tu dois avouer que c’est quand même une drôle de coïncidence. Je sais bien que de ton côté, c’est le devoir envers ta meute qui a dicté tes actes, mais… de son côté à lui… ? As-tu déjà réfléchi à ce qui l’a poussé à poser cette condition ?
- Je ne vois pas où tu veux en venir. Me dit mon compagnon, de plus en plus perplexe.
Je regardai Nathan, Thomas et Van, qui semblaient tout aussi gênés que moi. Aucun doute là-dessus, eux avaient compris où je voulais en venir.
- Vous l’avez remarqué vous aussi n’est-ce pas les gars ? Et pas seulement la dernière fois, ça remonte à plus longtemps que ça puisque même toi Nathan, tu t’en aies rendu compte. Et pourtant, vous n’avez pas envisagé cette hypothèse une seule fois ? Je ne vous comprends pas.
Le sujet m’agaçait sans que je puisse m’en empêcher.
- Bon, j’aimerais comprendre de quoi vous parlez, une bonne fois pour toute. Reprit Michael qui s’impatientait visiblement.
- Lucy pense que ce qui a pu pousser les vampires à nous attaquer, sous couvert d’une potentielle menace, serait en fait, les sentiments du Maître… pour toi. Expliqua alors Nathan, d’une voix sans intonation.
- Les quoi ? S’étouffa presque mon compagnon.
- Il est dingue de toi Michael, ça crève les yeux, même pour moi ! Lui répondis-je. Quand je l’ai rencontré j’ai directement ressenti une certaine antipathie à son égard. A l’époque j’ai mis ça sur le compte de sa nature de vampire, mais ça va bien plus loin que ça. Je ne peux pas m’empêcher de le haïr, et pas seulement pour ce qu’il t’a fait. Je crois que je me suis immédiatement rendue compte qu’il ne laisserait jamais tomber, qu’il ne t’abandonnera pas aux mains de quiconque.
Michael écarquilla les yeux et déglutit plusieurs fois, péniblement.
- Attendez, je crois que vous n’avez pas cerné le personnage. Nous dit-il. Il n’agit pas par amour où je ne sais quoi. Je veux dire… Il n’est pas capable d’un tel sentiment, ça j’en suis certain. Ce qui le pousse c’est le pouvoir et la concupiscence, comme tous les vampires un peu puissants.
- Non Michael, Lucy a raison, je l’ai ressenti de la même manière. Intervint Van. C’est toi qui es aveuglé par ta haine. Son comportement avec toi… ce n’était pas de la concupiscence… enfin pas seulement.
L’alpha se passa lentement la main sur le visage avant de nous observer, les yeux hantés.
- Et vous pensez qu’il a agi par quoi ? Jalousie, c’est ça ?
- Ca a du sens Michael, quoi que tu en dises. Il t’a eu à sa merci pendant quinze ans, il pensait sans doute t’avoir brisé. En me mettant à sa place je me dis qu’il a dû penser que s’il ne pouvait plus t’avoir alors, il serait heureux que personne ne t’ait non plus. Et voilà que tu trouves ta compagne ! Bon sang, moi ça m’aurait rendue folle… tu… tu es le genre de mecs qui déclenche ce genre de réaction chez les autres. Expliquai-je fébrilement.
Michael ne bougeait plus à la fin de mon explication, je me demandai même s’il respirait, les yeux obstinément fixé au fond de son verre, le liquide ambré se reflétant dans son regard émeraude. Il finit par relever la tête au bout de nombreuses secondes de silence.
- Vous avez raison, c’est… plausible. Il en serait capable… oui je pense qu’il en serait capable.
Je sentis soudain le besoin pressant d’aller m’aérer, de sentir de l’air frais sur mon visage, de respirer à plein poumon, d’expulser le poids énorme dont je n’arrivais pas à me débarrasser et qui comprimait ma poitrine, enserrant ma gorge par la même occasion. Et puis je réalisai que ce poids n’était pas le mien, il était trop ancien, teinté de rancœur et de dégout. Je rapprochai ma chaise de celle de Michael et posai ma tête sur son épaule. Et comme ça, sans rien dire de plus, le poids s’en alla comme il était venu, ne laissant que mon propre sentiment de culpabilité, avec toute la place disponible pour s’épanouir.
- Ce n’est qu’une hypothèse. Finis-je néanmoins par briser le silence. Il y a aussi la possibilité que le vampire ait dit la vérité.
Prononcer ces mots à voix haute ne m’apaisa aucunement, contrairement à la croyance populaire. Enoncer quelque chose que l’on garde pour soit n’a pas toujours pour effet le soulagement, et dans ce cas, ça ne faisait que rendre un peu plus réel, le cauchemar dans lequel j’étais.
Les loups me regardèrent tous avec inquiétude et Michael me saisit la main.
- Dans ce cas, on fera ce qu’il faudra pour qu’ils ne puissent pas t’atteindre. On te protègera quoi qu’il nous en coute. Me promit Michael. Les loups acquiescèrent tous en silence mais avec détermination.
Merde ! Voilà qui ne me consolait pas, mais alors pas du tout. Il faisait une grosse erreur en pensant que ce qui m’effrayait était qu’on s’en prenne à moi, non, ça je pouvais faire avec, mais provoquer la mort d’autres loups… ça me serait insoutenable.
- De toute façon, on ne peut rien dire tant que nous n’en savons pas plus, et les propos du vampire peuvent aussi bien être sans fondement, alors je refuse de m’inquiéter de ça pour l’instant. Dit Van en croisant les bras d’un air buté sur la poitrine.
Je savais qu’il tentait de détourner le fil de mes pensées, m’incitant à ne pas trop m’attarder sur le sujet, aussi, je lui adressai un sourire timide, reconnaissante.
- Et puis nous avons un autre problème. Dit alors Nathan, prenant la parole d’un air solennel. J’en ai déjà parlé avec Michael, et c’est aussi pour cette raison que nous sommes en aussi petit comité.
Chacun de nous se concentra sur les mots du lieutenant, inquiet de la tournure que prenait le ton de sa voix. Qu’allait-il encore nous tomber dessus ? Michael avala le contenu restant de son verre d’une seule gorgée et serra les dents, sa mâchoire frémissant de spasmes inconscients.
- Il y a sans doute une taupe dans la meute.
Le coup qui venait d’être asséné était tel qu’un silence de plomb retomba sur la pièce. Pendant de longue secondes, personne n’osa prononcer le moindre mot. Et puis Van craqua.
- Mais bordel ! Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? Une taupe ? Et puis quoi encore ? Merde Michael, dis quelque chose ! Tu ne peux pas croire que l’un d’entre nous pourrait te trahir ! C’est impossible ! Je n’arrive pas à y croire !
- Calme-toi Van. Lui ordonna son alpha. Tu crois que je ne dis rien de gaité de cœur ? J’ai entièrement confiance en chacun de mes loups. Mon instinct ne m’a jamais trahi concernant ma meute mais là, je dois avouer que les faits…
- Les faits ? Mais quels faits bordel ? Qu’est-ce qui justifie que tu doutes de l’un d’entre nous ?
- ça suffit ! S’emporta Michael en tapant sur la table. Rassis-toi et écoute bon sang ! Tu crois que j’ai besoin de tes leçons de morale ? Tu crois que je ne ressens rien quand je t’annonce qu’un de mes loups me trahit sans doute en ce moment même ? Tu me demandes quels faits ? Je vais te le dire ! Nos six frères morts dans l’attaque, voilà les faits en question. Merde ! Quand j’y pense ça me rend malade ! Les évènements se sont enchainés et je comprends que pas un de vous n’y ait pensé mais putain, des vampires dans ma maison, Van ! Dans ma maison ! Tu expliques ça comment toi ?
Le choc s’inscrivit sur les traits de Van qui retomba sur sa chaise telle une masse sans force.
- Quelqu’un les a laissé entrer. Murmura Thomas à bout de souffle.
- Mais qui ? Qui ferait ça, et pourquoi ? Demanda Julian qui osait enfin prendre la parole.
Tous les loups se tournèrent vers Michael en quête de réponses.
- C’est là qu’il y a un autre problème. Je n’en sais rien et je ne comprends pas comment c’est possible. Si l’un de mes loups décide de me trahir, le sentiment engendré est si puissant que je devrais le ressentir, à travers mon lien avec la meute. Expliqua-t-il à mon adresse. Or, je ne sens rien, rien du tout. Même en me concentrant sur chacun de vous, tout ce que je sens c’est de la loyauté et je n’arrive pas à m’imaginer que l’un de vous puisse…
Michael ne finit pas sa phrase, les mots devenant trop douloureux à prononcer.
- Bien sûr que non ! Si tu ne sens pas la trahison chez l’un de nous, c’est parce qu’il n’y a pas de traitre, un point c’est tout. Trancha Van.
Michael regarda son lieutenant, si certain de la loyauté de ses compagnons et une lueur d’espoir s’alluma dans ses yeux. Or, il fallait se rendre à l’évidence, l’espoir n’était pas permis, au regard des évènements la conclusion logique était qu’il y avait effectivement une taupe dans la meute.
- Et comment tu expliques que les vampires aient pu entrer dans la maison ? Tu penses vraiment que l’un des loups les a laissé entrer par mégarde ? Dis-je d’un ton sec. Bon sang, on n’avait plus la possibilité de tergiverser. Si l’un des loups était un traître, nous étions tous en danger.
- Je n’en sais rien, mais je sais que tous autant qu’ils sont, aucun des loups de cette meute ne trahirait Michael ! Jamais ! Même pas pour tout l’or du monde.
- Je suis assez d’accord avec Van sur ce point Lucy. Ajouta Thomas. Ils ont de nombreux défauts mais la duplicité n’en fait pas partie. Je sais que c’est un peu difficile à appréhender pour toi qui n’est pas louve mais tu dois comprendre que le lien qui unit chaque membre de la meute à l’alpha pousserait la majeure partie d’entre eux à se couper un bras plutôt qu’à trahir leur chef.
- Et en ce qui concerne l’infime partie que tu n’inclus pas dans cette catégorie ? Demandai-je en pensant tenir un argument.
- Les autres loups, ce sont nous, ceux autour de cette table, ceux qui ne donneraient pas leur bras mais leur vie pour Michael. Dit Van, l’air solennel. Thomas acquiesça.
- Dans ce cas, comment expliquer la réaction de Farkas ? Michael tiqua au nom du loup qui s’était retourné contre lui en voulant m’attaquer, et qu’il avait dû tuer.
- Farkas a toujours évolué un peu en marge de la meute, il n’aurait jamais dû devenir loup pour commencer. Son caractère profond était trop fluctuant pour avoir le contrôle nécessaire. Qui plus est, il n’a jamais cherché à se mêler à nous, je pense que son intégration dans la meute n’était essentielle pour lui que pour assurer sa protection. Ça arrive parfois, certains loups sont trop… indépendants. M’expliqua Michael.
- Très bien, mais dans ce cas, comment expliquer le sang, chez les vampires, celui qui a mis le feu aux poudres ? Parce que la théorie de la taupe expliquerait la présence de ce sang chez les vampires, il aurait pu leur en donner un peu pour provoquer le désastre qui a suivi. Arguai-je, bien décidée à leur faire ouvrir les yeux.
Je n’avais pas songé qu’un traitre puisse se cacher dans la meute mais à partir du moment où l’idée avait été lancée, plus j’y avais réfléchi et plus ça m’avait semblé plausible.
- Le sang ne provient pas forcément d’un des loups de cette meute, ils auraient pu se le procurer n’importe où ! Répondit Thomas.
J’observais Van à la dérobée. Celui-ci fixait son verre avec silence, les sourcils froncés.
- Je ne crois pas, non ! Au moment où tu t’es fait transpercer… Dis-je à Van. Tu voulais me dire quelque chose sur ce sang, et je suis quasi-certaine que tu l’avais reconnu.
- Raison de plus Lucy. Annonça le lieutenant. J’ai déjà vécu longtemps, et dans de nombreuses meutes, alors que je ne suis ici que depuis une dizaine d’années. Il se peut tout à fait que j’ai rencontré le propriétaire de ce sang ailleurs qu’ici.
Ok, ça je pouvais le concevoir.
- Et… Tu ne te souviens toujours pas ?
Van soupira avant de lever les yeux vers moi.
- j’ai essayé Lucy, j’ai vraiment essayé mais… c’est comme si un barrage bloquait mes souvenirs de ces moments-là, et les rêves que je faisais se sont arrêtés il y a plusieurs jours.
- Je vois. Dis-je, un peu déçue. Mais vous ne m’enlèverez pas l’idée qu’un traitre se cache dans la meute. Je veux dire… c’est la conclusion la plus logique. Sans compter que… Vous ne trouvez pas ça étrange que les vampires aient choisi ce soir-là en particulier pour attaquer ? Justement le soir où l’alpha s’est absenté, laissant la meute sans protection ?
- Et tu supposes que le traitre les aurait informés de votre soirée ? Demanda Nathan.
- Eh bien ça se tient. Conclus-je
- Mais bordel, pourquoi tiens-tu tant que ça à ce que l’un de nous soit une taupe ? S’insurgea soudain Van en bondissant de sa chaise.
Michael gronda une fois, et le loup se rassit immédiatement.
- Je n’y tiens pas, loin de là mais… si j’ai raison, nous sommes peut-être en danger et il y a déjà eu assez de morts. Et si l’un de vous était blessé ou pire… La suite de la phrase resta coincée dans ma gorge.
Van se renfrogna dans sa chaise en maugréant quelques obscénités.
- Ecoute Je sais que je donne l’impression de vouloir me disculper mais crois-moi, ce n’est vraiment pas le cas. Je sais bien que ce qui s’est produit est sans doute de ma faute mais je voudrais vraiment essayer de comprendre le pourquoi du comment.
Les loups se mirent tous à me fixer avec un air perplexe.
- Qu’est-ce que tu veux dire par « ta faute » amour ? S’inquiéta Michael.
- C’est bon, je veux dire, vous l’avez tous entendu comme moi. Il y a quelque chose chez moi qui a provoqué toutes ces catastrophes. Mais ça va. Je veux dire… vous y avez surement pensé aussi mais c’est normal… J’arrive et les tragédies s’enchainent… ça ne peut pas être une coïncidence.
- Oh merde ! Lucy ! Tu nous fais quoi là ? S’exclama Van en se levant précipitamment, pour venir s’accroupir à côté de moi, posant sa grande main sur mon genou. Dans le même temps, les trois mains de Nathan, Thomas et Julian, se tendirent dans ma direction, saisissant mes propres mains et mon bras. Michael passa son bras autour de mes épaules, m’attirant à lui dans une étreinte d’ours.
- Lucy ! Jamais nous n’avons pensé ça enfin. S’exclama Thomas.
- Il a raison amour. Quoi que cette sangsue ait dit, il ne l’a fait que pour te blesser, ne lui donne pas tant de crédits et ne te laisse pas avoir par un tel subterfuge. Me chuchota doucement Michael. Peu importe ce que tu es, moi je sais qui tu es pour moi, et pour mes loups, et c’est tout ce que nous avons besoin de savoir.
Bon sang ! C’était dans ces moments-là que la définition du mot « mignon » prenait pour moi, l’image de centaines de kilos de muscles gonflés à la testostérone.
- Tu fais partie de la famille, et on protège notre famille. Déclara Nathan, m’arrachant un sourire, lorsque je constatais que cette réplique aurait eu une place de choix dans la trilogie du « Parrain ».
- Merci. Leur dis-je en serrant les mains qu’ils avaient tendues vers moi et en embrassant Michael sur la joue. Mais ça ne fait pas avancer nos hypothèses. Van je sais que c’est difficile à concevoir pour toi mais en tant que « non-louve » justement, je pense que mon jugement n’est pas faussé par ce lien qui vous unit à Michael, puisque celui que je partage avec lui est d’un tout autre ordre.
- C’est aussi exacte Van, tu ne peux pas le nier. Insista Michael.
- Je suis d’accord sur ce point mais si je trouve cette hypothèse si inconcevable justement, c’est parce que je ne vois pas quelles raisons un loup aurait de s’allier aux vampires.
- Et si… Ce n’est qu’une idée mais… si c’était pour le pouvoir ? Après tout, dans l’état actuel des choses, y’a-t-il un loup susceptible d’être assez puissant pour défier Michael en duel ? Demandai-je. Les loups me fixèrent avec intérêt, comme si j’avais mis le doigt sur quelque chose. Peut-être qu’un loup de la meute s’est associé aux vampires qui cherchaient un moyen de m’atteindre. Si on y réfléchit, avec l’absence de Michael, ils devaient penser pouvoir nettoyer le terrain facilement et nous attirer par la même occasion. Ensuite ils n’auraient eu qu’à nous tomber dessus à eux cinq et le tour était joué, plus de couple alpha, plus de problème !
- Sauf qu’ils ne s’attendaient pas à trouver les trois lieutenants sur place. Intervint Michael. Quand on y pense, toi Van, tu n’aurais pas dû revenir si vite après avoir déposé Lucy, quand à toi Thomas, c’est un jour de la semaine où tu n’es jamais présent normalement. Reste Nathan, mais ils ont dû penser qu’avec ta femelle à protéger, tu ne les traquerais pas, ils n’avaient pas imaginé que Marli parviendrait à s’échapper. Bon sang, ça commence à prendre forme !
- D’accord, donc si on part de ce principe… quel loup est le plus susceptible de vouloir le statut d’alpha ? Demandai-je.
- Aucun je dirais. Répondit Thomas. Je ne vois pas un seul loup souhaiter cette responsabilité où être assez dominant pour le vouloir.
- eh bien… pas tout à fait… Murmura Julian.
Il avait été tellement silencieux que nous semblions tous avoir oublié sa présence.
- Si tu sais quelque chose, parle loup. Ordonna Michael, voyant que le jeune lycan hésitait.
- En fait… J’ai entendu Vadim, une fois, qui parlait de créer sa propre meute. C’était avant ma transformation et personne ne faisait attention à moi alors.
- Vadim ? Mais c’est l’un de ceux qui a été tué ce soir-là ! M’exclamai-je.
- Oui je sais, c’est pour ça que je ne voulais pas en parler, c’est idiot ! Dit Julian.
- Non attends. Le reprit Van. C’est pas si idiot que ça. Après tout, Vadim arrivait juste en dessous de moi dans la hiérarchie, et s’il voulait créer sa meute, il a peut-être voulu emmener certains loups de celle-ci avec lui, mais il savait que tu ne le laisserais pas faire aussi, il avait besoin que tu sortes du champ. Ça se tient ! Et ça expliquerait aussi pourquoi tu ne sens aucun loups sur le point de te trahir… parce qu’il n’y en a plus ! Il a très bien pu faire entrer les vampires, être retourné s’assoir au salon pour que personne ne se doute de rien et attendre bien gentiment que le carnage se produise.
- C’est bien beau comme hypothèse, mais je vous rappelle qu’il a été tué lui aussi, tu crois que ça faisait aussi partie de son plan ? Lui rétorqua Nathan.
- Attends, si c’est bien le cas, ses alliés étaient des vampires. Ils ont peut-être fait une erreur, où alors ils n’avaient pas l’intention de le laisser vivant une fois dans la place. Après tout, ils se moquent éperdument de ces histoires de pouvoir, leurs cibles étant Lucy et Michael.
- Ca tient la route en effet. Décida Michael. Merde! Vadim! Jamais je ne l’aurais cru capable de ça! Et je n’étais même pas au courant pour cette histoire de vouloir créer sa meute !
Il secouait la tête d’un air de dépit et je voyais bien que cette histoire l’affectait plus qu’il ne le laissait paraitre devant ses plus proches loups. Nathan lui posa une main sur l’épaule et la serra un peu, en un geste de soutien purement masculin. Ça ne m’étonnait pas que le premier lieutenant ait lui aussi discerné l’agitation cachée de mon compagnon. Il était capable d’une telle empathie envers lui que je me demandai, comme je l’avais déjà fait plus d’une fois, comment ces deux-là s’étaient rencontrés. En tout cas je ne m’étonnais plus depuis longtemps de l’amitié qu’ils partageaient et qui leur permettait aussi de dépasser parfois les bornes, sans que l’autre n’en tienne jamais rigueur au premier.
Je souris brièvement au premier lieutenant pour lui communiquer l’estime que je lui portais.
- Et maintenant ? Demanda Julian. Que va-t-il se passer ? Parce que même si nos hypothèses sont justes… hum… qu’est-ce qu’on est censé en faire ?
Michael soupira bruyamment. Et voilà nous en étions à la question cruciale, celle qu’il savait devoir aborder, celle qu’induisait son statut d’alpha. Et je comprenais rapidement que les deux choix s’ouvrant à lui n’étaient plaisants dans aucun des deux cas.
- Ils ont pénétré dans ma maison, ils ont assassiné mes loups, ils s’en sont pris à ma compagne… Je ne peux pas laisser passer ça. Il en va de l’honneur de la meute. Néanmoins je ne peux prendre une telle décision sans l’avis de mes lieutenants et de ma femelle, et c’est aussi pour ça que vous êtes ici ce soir. Aussi je vous le demande,
Que choisissons-nous ? Le retrait… ou la guerre ?
Les trois lieutenants se levèrent d’un même mouvement, posant les mains sur la table devant eux, se penchant en avant.
- La guerre ! Clamèrent-ils d’une même voix.
Je me reculai sur ma chaise pour accuser le choc ! Ainsi donc la décision était prise, et la guerre contre les vampires était déclarée. Et dans mon esprit, ça n’impliquait pas seulement la vengeance et l’honneur de la meute, mais surtout des morts… beaucoup de morts.
- Lucy ? Tu es la femelle alpha, j’ai besoin de ton assentiment. Déclara solennellement Michael.
Je pris le temps d’inspirer et d’expirer deux fois avant de répondre.
- Je n’ai sans doute pas encore intégré toutes les implications de mon rôle dans la meute mais s’il y a une chose que j’ai comprise, parce que je la ressens, c’est que j’occupe la place de… comment le dire… la mère. Je ne sais pas si l’honneur est plus important que la vie des membres de cette meute, et si je devais un jour faire ce choix, j’ignore si vous seriez d’accord avec ma réponse. Ce que je sais en revanche, c’est l’importance de cet honneur pour vous, et je comprends aussi que si un tel acte ne connait pas de répercutions, toutes les créatures un tant soit peu puissantes, vont penser qu’attaquer notre meute est un acte anodin. Alors en tant que votre amie, votre sœur, et ta compagne… Dis-je en observant chacun leur tour, Nathan, Thomas, Van puis Michael. Je suis contre les morts que va forcément engendrer cette guerre, mais en tant que femelle alpha… Je ferai tout ce qui est nécessaire pour protéger mes loups, aussi j’ajoute mon vote à celui des lieutenants. Je dis, la guerre !
- Très bien ! La guerre est déclarée ! Prévenez tous les loups qu’une session est prévue demain soir dans le gymnase pour déterminer d’un plan.
- Demain soir ? Demandai-je. Si tôt ?
- Nous n’avons plus de temps à perdre amour, notre réponse à l’attaque n’a déjà que trop tardée et je ne souffrirai pas plus longtemps que nos loups soient morts en vain. Mais pour l’heure, rentrez chez vous, la journée a été longue et j’ai besoin de mes lieutenants en pleine forme demain. Les congédia Michael.
Les quatre loups se levèrent, et finirent leurs verres d’une seule traite avant de nous saluer d’un mouvement de la tête et de se diriger vers la sortie sans dire un mot.
Je me tassai sur moi-même en regrettant déjà le choix que j’avais fait. Lorsqu’ils eurent tous passé le coin du couloir menant au salon puis à la porte d’entrée, un sentiment de panique m’assaillit. Et s’il s’agissait d’une des dernières fois où je les voyais, et si l’un d’entre eux, ou même plusieurs, était mortellement blessé… comment arriverais-je à le supporter ? La vengeance était-elle si importante qu’ils devaient risquer leur vie ? Et puis soudain certains mots du vampire me revinrent en mémoire. Je me levai à mon tour et fonçai en direction de la porte. Bon sang, tellement engluée dans mon auto-apitoiement, j’avais oublié Thomas.
Heureusement, celui-ci se tenait encore dans l’entrée lorsque j’arrivais en trombe pour lui saisir le bras et le retenir.
- Thomas ! Attends ! M’écriai-je en agrippant sa manche. Je me rendis alors compte qu’il tremblait de tout son corps. Merde ! Pourquoi avais-je tant tardé à m’inquiéter pour lui ?
- Qu’est-ce qu’il y a Lucy ? Me demanda-t-il. Son ton était dur et cassant et je comprenais qu’il parlait avec les dents serrées.
- Si… Si tu veux parler je suis là. Lui dis-je gentiment. S’il y a quoi que ce soit que je puisse faire… Tu dois être un peu confus alors…
- Confus ? Me coupa-t-il. Il n’y a pas une décision qui a été plus facile à prendre de toute ma vie. Les choses sont simples. Le chasseur qui a tué Bellinda devrait être mort et il ne l’est pas. Je ne vois pas ce qui devrait me rendre confus. Je vais le traquer et je vais le tuer.
Seigneur je n’en revenais pas, ses beaux yeux bleus clair venaient de se colorer du noir le plus profond, des yeux de son loup. Et puis un son humide parvint à mes oreilles, un bruit de gouttes s’écrasant sur le sol. Je baissai les yeux et constatai que du sang dégouttait des mains du lycan. Je me saisis rapidement de celle-ci avec inquiétude. Pourquoi était-il blessé ? Ma gorge se serra en constatant que les ongles de thomas s’étaient allongés en de griffes redoutables pendant qu’il m’avait parlée, et que celles-ci lui transperçait la peau alors qu’il avait serré ses poings le plus fort possible.
- Oh Thomas… Gémis-je.
Il me regarda puis fixa ses mains comme s’il les voyait pour la première fois. Il ne s’était visiblement pas rendu compte de son geste. Cette réalisation eut pour effet de le calmer instantanément, ses yeux reprenant la couleur azure d’un lagon du pacifique.
Ses traits se détendirent et il arracha ses mains blessées à ma prise avant d’entourer ses bras autour de moi.
Et puis il me chuchota des mots qui s’implantèrent au fond de moi aussi surement que s’il les avait cloués sur mon cœur.
- Je ferai tout pour que jamais, tu n’aies à souffrir de la même douleur que moi Lucy. Mais ce soir je ne dois pas être ta priorité. Tu as la chance de pouvoir être auprès de ton compagnon cette nuit. Alors va ! Et profite de lui et de tout ce que cette nuit a à t’offrir… Parce que s’il arrive un malheur, tout c’à quoi tu seras en mesure de penser sera le temps perdu que tu n’auras pas passé avec lui.
Je lui rendais à mon tour son étreinte. Ces moments qu’il avait perdus, il y pensait donc encore.
- Lucy. Me dit-il en plongeant ses yeux dans les miens. Les regrets… C’est ce qu’il y a de pire dans la vie… Alors va le rejoindre et sois heureuse ! Sois heureuse cette nuit, pour toute une vie ! Sois heureuse pour moi qui ne le serai jamais plus ! Et aime-le ! Parce qu’il n’y a pas un homme au monde qui mérite plus ce don que Michael.
Et sans attendre de réponses de ma part, il se tourna et sortit de la maison, s’enfonçant dans les profondeurs de la nuit.
Il n’eut pas même le temps d’entendre ce que je m’étais apprêtée à dire.
- Si ! Il y a toi !