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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 13:52

Le premier à réagir fut Van. Son regard se fit glacial et ses épaules semblèrent s’élargir alors qu'il prenait conscience, le premier, du sens des mots de Marli.

La seconde d'après, le chaos éclata dans le jardin.

« Qui ? Où ? Comment ? Y a-t-il des blessés ? » Les questions fusèrent de toutes parts et Marli eut bien du mal à renseigner tout le monde.

Michael écouta, en silence, les réponses de la louve mais désigna dans le même temps une dizaine de ses loups les plus dominants et leur dit d'aller l'attendre dans la cours juste devant la maison.

Les loups s’exécutèrent sans poser de question et mon estomac se noua.

- Michael, je...

- Amour, j'ai besoin que tu restes ici.

- Je ne vais pas rester là à me tourner les pouces alors que...

- Si ! Trancha-t-il. J'ai besoin que tu restes ici... S'il te plaît...

Son regard émeraude se fit plus doux et il exprima tout ce qu'il n'avait pas besoin de dire à voix haute.

« Si tu viens, je vais te protéger et je ne pourrai pas protéger mes loups »

C'était l'éternel dilemme de mon compagnon, le choix impossible à faire. Eux ou moi.

Je hochai la tête et caressai sa joue furtivement.

- Va... Je reste. Assure-toi que nos loups ne me donnent pas trop de travail à votre retour.

Il embrassa mon front et se déshabilla.

- Je coupe le lien. J'ai besoin de toute ma concentration pour le trouver. Je le laisserai ouvert une fois qu'on l'aura trouvé. Si tu ne me sens pas, c'est que je le cherche encore, d'accord ?

Je grimaçai en m'imaginant ignorer le sort de mon compagnon pendant l'éternité que durerait cette traque. Mais avais-je le choix de toute façon ?

- Dès que tu le trouves, tu le remets en place, c'est compris ?

Michael sourit et hocha la tête calmement.

- C'est compris.

L'instant d'après, les yeux bleus nuit de son loup me dévisagèrent et j'y lu suffisamment d'amour et de confiance pour une vie entière.

Michael partit sans un regard en arrière. Ce n'était pas nécessaire, il allait revenir très vite...

Les loups restants dans le jardin affichèrent tous une certaine angoisse sur leur visage.

C'était de circonstance.

Dans tous les cas, il n'était jamais bon qu'une meute se prive de ses lycans dominants. Et là, une bonne partie des plus puissants, venaient de suivre leur alpha dans une traque dont le risque était manifeste.

Je tentai de garder mon calme. Van, le bourreau de Salem, était avec eux.

Il n'aimait pas ce surnom bien même s'il s'en servait lorsque c'était nécessaire. Ce qu'il regrettait surtout, c'était que ce surnom était mérité. À lui seul, il avait mis à mort plus de lycans dissidents ou d'Ulfark que n'importe qui dans la meute.

Ça pouvait paraître cruel, mais la justice lycane ne pouvait pas se permettre de transiger. Les règles, la loi, le secret et le contrôle constituaient une question de survie pour chacun d'entre eux. Il suffisait qu'un seul de ces quatre paramètres ne soit pas respecté et c'était toute leur espèce qui était en danger.

Quant à emprisonner une créature que presque rien ne pouvait retenir, c'était simplement de la folie. La seule issue possible était la mort et tout le monde en avait conscience.

Van tenait le rôle le moins évident de la meute, et pourtant il était nécessaire pour le bien de tous.

Il avait de l'expérience. Il savait ce qu'il fallait faire. Il était, certes, un peu trop exalté parfois, oubliant les risques qu'il se faisait courir à lui-même, mais quand il s'agissait de protéger les siens, je lui faisais confiance. Il ramènerait Michael et les autres.

Je me servis un verre de whisky et l'avalai d'une traite. La chaleur du liquide traça lentement son chemin de ma gorge à mon estomac. Bientôt, elle s'insinuerait dans mes veines, apaisant très légèrement le froid laissé par le lien coupé entre mon compagnon et moi.

Une main ferme se posa sur mon épaule et Tad me sourit en resserrant sa prise.

- Ça va aller. Ils savent ce qu'ils font, ils n'en sont pas à leur coup d'essai.

Je posai ma main sur la sienne avec reconnaissance.

- Oui, je sais, ça ira. Michael est fort et les autres ne sont pas des débutants non plus. Van ne va pas...

Je m'arrêtai de parler en plein milieu de ma phrase, perturbée par un sentiment gênant.

Je n'avais pas vu Julian depuis le départ de Michael. Or, il n'avait pas fait appel à lui, à cause de son inexpérience, sans doute.

- Tu sais où est Julian ? Demandai-je à Tad.

Il se tourna vers le reste de la meute et fronça les sourcils.

- Je le croyais au fond du jardin, à côté du banc en pierre. Les gars, vous avez vu Jul ? Demanda-t-il à l'assistance.

Un concert de nons et plusieurs haussements d'épaule lui répondirent.

J'entrai dans le salon par la baie vitrée grande ouverte et me dirigeai vers l'escalier. Julian était peut-être remonté dans sa chambre pour attendre le retour des autres.

Je grimpai deux marches avant que Tad ne m'arrête.

- Attends, Lucy. Son odeur me mène dans l'entrée.

Me précipitant à la suite de Tad, je passai la porte à l'avant de la maison et suivis le regard du lycan.

- Il est parti... Chuchota-t-il. Il les a suivi...

- Merde ! Braillai-je

Tad soupira avant de se déshabiller.

- Sa piste est encore fraîche, si je fais vite, je pourrai le rattraper.

- Non, attends. Tu n'es pas complètement remis, ça pourrait être dangereux.

- Ça ira, je vais juste le rejoindre et le ramener. Je n'ai pas l'intention de me mettre en danger.

Je grinçai des dents en serrant les poings.

- Sérieux ? Pourquoi as-tu dit ça ? Maintenant c'est sûr qu'une merde va te tomber dessus. Tu ne regardes jamais de films d'horreur ?

Un petit sourire nerveux s'afficha sur ses lèvres.

- On n'a pas vraiment le choix de toute façon. La meute a besoin des dominants restants pour ne pas céder à la panique. Et si Julian les rejoint, il risque de les distraire dans leur traque, ou pire, pendant le combat. Annonça-t-il.

- Marli peut gérer la meute pour l'instant. Elle sait se faire obéir. Je viens avec toi. Ajoutai-je.

- Mauvais idée. Si Michael l'apprend, il va me faire la peau.

- Si tu me laisses sur le carreau, c'est moi qui te ferai la peau. Le menaçai-je en croisant les bras. On va juste récupérer le gamin et on rentre. Michael n'a même pas besoin de le savoir. En plus, tu connais l'entêtement de Jul. Il est plus dominant que toi, s'il refuse de te suivre, tu ne pourras rien faire. Alors qu'il sera obligé d'obéir à la femelle alpha.

Tad gronda en baissant les bras.

- Est-ce que tu t'y prends comme ça pour faire plier Michael ? Parce que je commence à comprendre pourquoi il finit toujours par tout te céder.

- Tu n'as pas envie de savoir comment je m'y prends, mais ça a beaucoup plus à voir avec la passion qu'avec la raison.

Mon poing se porta à mes lèvres tandis que ma langue poussa l'intérieur de ma joue.

Tad écarquilla les yeux et rougit de la base du cou à la naissance de ses cheveux, au dessus du front.

Je souris en tapotant son épaule. Tad était quelqu'un de bien, mais rarement à l'aise avec la gente féminine.

J'en rajoutais parfois parce que je trouvais que ça le rendait mignon à bien des égards. Il n'était pas prude, c'était un lycan après tout, mais ma référence imagée à une fellation l'avait clairement choqué.

- OK... Murmura-t-il avant de se racler la gorge. Peut-être qu'on devrait se mettre en chemin, maintenant.

Je hochai la tête et repartis comme une fusée avertir Marli de nos plans.

Loin d'être enchantée par la perspective de prendre le rôle de dominante pendant notre absence, elle essaya bien de m'en dissuader, mais ma décision était prise et Tad m'attendait sous le porche.

J'attrapai les clés de Michael et fonçai jusqu'à son Hummer. Si Julian refusait de nous faciliter les choses, nous aurions bien besoin de toute la place à l'arrière du véhicule pour le ramener sous sa forme lycane.

Les reflets bleutés du pelage gris de Tad s'irisèrent dans le faisceau de mes phares et je le laissai partir devant, la truffe plaquée au sol, trottant à belle allure.

J’espérai que Julian n'avait pas décidé de couper à travers bois parce qu'aucun sentier ne me permettrait de suivre Tad.

Le loup s'engouffra dans le sous-bois qui bordait la route et je jurai en frappant mon volant.

Heureusement, quelques secondes plus tard, il réapparut en bordure de mon champs de vision, son pelage brillant par intermittence entre les arbres.

Au moins, Julian n'avait pas fait preuve d'imprudence. Il avait suivi la route sans rester à découvert.

Je suivis Tad de longues minutes avant d'arriver à un carrefour. Je mis mon clignotant à droite. Lawrence nous avait annoncés avoir vu l'Ulfark à proximité du Bush's Pasture Park et j'anticipai la direction du Lycan pilote.

Pourtant, après un petit coup d’œil pour vérifier l'absence d'autres véhicules que le mien, celui-ci traversa la route et continua tout droit.

Je fronçai les sourcils en essayant de déterminer quel chemin avait pris les loups pour se rendre à destination. « Nouvel itinéraire » marmonna mon GPS intérieur.

Au carrefour suivant, je m'attendais de nouveau à tourner mais Tad bondit sur le toit du magasin juste en face de moi et poursuivit son chemin toujours tout droit.

Heureusement, à cette heure avancée de la nuit, les rues étaient vides. Je pouvais suivre mon loup, le nez toujours en l'air, cherchant sa silhouette sombre chaque fois qu'il passait d'un toit à l'autre.

J'ignorais dans quel quartier il m'avait menée. Ne faisant attention à ce qui m'entourait que pour vérifier que la route était toujours libre. Je freinai finalement quand Tad ne passa pas au toit suivant. L'avais-je manqué ? Avait-il fait demi-tour ? Non, il se serait manifesté d'une manière ou d'une autre.

J'avisai l'endroit où je me trouvais et le quartier m’apparut familier, bien plus que je ne l'aurais voulu.

Le bâtiment sur lequel Tad n'avait pas voulu sauter portait l'enseigne « Miller's Garage » et je ne comprenais pas ce qu'on faisait ici. Le Miller's Garage, c'était celui de Tad.

Je me garai sur la bas-côté de la route et sortis en regardant tout autour.

Tad bondit du toit sur lequel il s'était arrêté et atterri devant moi.

- Qu'est-ce qu'on fait là ? Demandai-je en levant les mains, paume vers le ciel. J'espère que tu n'es pas là pour récupérer quelque chose au garage, on n'a pas de temps à perdre.

Le loup gémit et jeta un coup d’œil au bâtiment avant de plaquer sa truffe au sol et d’éternuer.

Quelque chose clochait. Nous n'étions pas au bon endroit. Et si Julian se trouvait effectivement au garage de Tad, comme celui-ci essayait de me le faire comprendre, c'est que nous avions un problème.

- L'Ulfark est là lui aussi ? Lui demandai-je en serrant les poings.

Le lycan hocha la tête et je jurai en réfléchissant rapidement.

Je n'avais pas emmené mon portable. Non pas qu'il m'ait été d'une quelconque utilité, Michael ne répondrait pas sous sa forme de loup. Quant à notre lien, j'avais beau me concentrer pour le chercher au fond de moi, je ne le sentais toujours pas. En même temps, si mon compagnon recherchait le loup renégat du côté du parc, il n'était pas près de le trouver et n'avait donc pas de raison de réanimer notre connexion.

Je devais décider quoi faire. J'étais seule avec un lycan en phase de guérison, et supposément avec un jeune loup qui avait foncé tête baissée, sans réelle expérience du combat. Je pouvais décider de faire demi-tour et aller chercher de l'aide, ou alors j'essayais de régler la situation moi-même.

Je n'étais pas sans défense et je m'étais entraînée à utiliser mon fouet de l'enfer, depuis mon combat contre Sorcha, plusieurs mois plus tôt.

Et puis étais-je capable de tourner les talons en abandonnant Julian sans rien tenter ?

Tad dut percevoir quelque chose dans ma façon de serrer les dents parce qu'il tenta de me pousser vers le Hummer pour que je remonte à l'intérieur.

- Arrête Tad ! On ne va pas laisser Julian, seul avec cette chose. Dis-je en le contournant. Toi, rentre à la maison, préviens Marli et les autres. Je vais le tenir à distance le temps que les renforts arrivent.

J'avançai déjà en direction du garage mais Tad s'interposa une nouvelle fois entre le bâtiment et moi.

Il me regarda quelques secondes et comprit visiblement qu'il ne me ferait pas changer d'avis.

C'est à ce moment-là qu'un couinement de douleur égratigna mes oreilles.

Il venait de l'intérieur du garage et je n'avais pas besoin de vérifier, ce couinement provenait d'un de mes loups.

Je m'élançai en direction du bâtiment, Tad sur mes talons.

Le rideau de fer à l'avant du garage était plié et arraché par endroit. On pouvait s'estimer heureux que la rue soit commerçante. Le bruit n'aurait pas manqué d'ameuter un quartier d'habitation.

Je me glissai par l'ouverture et aussitôt, mes yeux s'adaptèrent à l'obscurité du lieu. Je pouvais remercier la meute et les pouvoirs que m'avaient conféré mon union avec Michael.

Je cherchai rapidement Julian du regard mais Tad se jeta sur moi et nous atterrîmes dans un coin, juste derrière une Corvette fraîchement repeinte. Une silhouette sombre fendit l'air juste à l'endroit où nous nous tenions quelques secondes plus tôt. OK, il était rapide et acharné celui-là.

Accroupie, le dos au mur, je le vis atterrir sur le toit de la Corvette avant d'entendre son grognement menaçant. Tad lui répondit en claquant des mâchoires.

La carrosserie grinça sous son poids et se mit à crisser quand ses griffes s'enfoncèrent dans le métal alors qu'il nous surplombait de toute sa hauteur. Il avançait lentement, des gouttes de sang mêlées de salive dégoulinant de son museau.

J'attrapai Tad par le cou et le plaquai au sol de toutes mes forces. La dernière chose que je voulais, était de le blesser par inadvertance. Il ne montra aucune résistance et s’aplatit au sol autant qu'il le put.

Puisant profondément en moi, j'allai chercher le filament incandescent qui ne cessait jamais vraiment de brûler, toujours prêt en cas de besoin.

Je tendis ma main libre devant moi et le filament se déploya comme un élastique qu'on avait un peu trop tiré en arrière.

Il claqua très exactement entre les pattes de l'Ulfark qui fit un bond de côté, surprit par le bruit et les étincelles jaillissantes.

Le métal de la carrosserie avait fondu juste au point de contact.

Je pouvais le faire !

Diriger mon pouvoir uniquement contre l'Ulfark, sans blesser les miens. Mais encore fallait-il que je localise Julian pour pouvoir l’éviter.

Je me focalisai sur la menace pour l'instant. Le loup hors de contrôle était encore sonné par mon attaque et je profitai de sa surprise pour lancer mon fouet dans sa direction. Cette fois, je n'essayai pas de le faire s'écarter mais bel et bien de le toucher et quelques poils de son pelage grésillèrent quand je réussis à le frôler.

Une fois encore, il s'était écarté juste à temps.

Je grondai de frustration en me relevant.

Nous ne nous quittions pas des yeux et je savais que ça constituait un défi pour lui, mais je ne pouvais pas me permettre de détourner le regard. Pas alors que j'avais deux de mes loups qui comptaient sur moi pour les protéger. Bon OK, ils ne le voyaient peut-être pas ainsi mais c'était ce qu'une dominante était censée faire. Et à cet instant, encore plus que d'habitude, j’étais leur femelle alpha. Je maintins Tad dans mon dos et reculai lentement vers le rideau de fer par lequel nous étions entrés.

- Tad... Chuchotai-je. Est-ce que tu vois Julian quelque part.

Le silence me répondit et je ne pouvais pas vérifier s'il m'avait entendue. Je présumai donc qu'il était en train de le chercher. Quelques secondes plus tard, un jappement assuré résonna et je pris ça pour un « oui ».

- D'accord. Tu vas voir comment il va et je m'occupe de l'Ulfark. Je vais l'occuper pour qu'il ne s'approche pas de vous.

Tad gémit dans mon dos et sa truffe se posa une seconde contre mes reins.

- Ça va aller. Il évite mon filament, il a peur du feu, on dirait.

Je ne m'attardai pas sur la signification de mes paroles quant à son comportement anormal. Nous aurions bien le temps, plus tard, d'y réfléchir posément.

Mon loup s'écarta de quelques pas et je vis l'Ulfark changer de cible à la seconde où il remarqua son mouvement.

Mon fouet claqua juste devant ses pattes.

- C'est moi ton ennemie, petite enflure ! M'écriai-je. Allez ! Regarde-moi !

En périphérie de mon champs de vision, je pouvais voir Tad s'approcher d'une masse immobile que j'identifiai comme Julian. Un instant, la panique m'étreignit le cœur, mais je me repris bien vite en me concentrant de nouveau sur l'Ulfark.

Compartimente, Lucinda. Compartimente. Chaque chose en son temps.

Je me déplaçai latéralement pour me trouver sur sa trajectoire s'il décidait d'attaquer Tad et balançai ma main en avant pour lui rappeler ce qu'il risquait à charger dans ma direction.

Ses yeux injectés de sang s'illuminaient de rouge chaque fois que mon pouvoir s'approchait de son museau. Pourtant, il trouvait toujours le moyen de l'éviter au dernier moment, un peu comme s'il me narguait.

L'Ulfark gronda de plus belle lorsque Tad rejoignit finalement Julian.

- Il respire ? Tad ! Dis-moi qu'il respire, bon sang !

Je savais qu'il ne pouvait pas me répondre mais l'inquiétude m'empêchait d'être totalement cohérente.

De toute façon, Tad savait très bien se faire comprendre quand c'était nécessaire.

Je fis claquer mon filament une fois de plus entre les pattes de mon adversaire alors qu'il essayait de me contourner pour sauter sur mes loups.

Il bondit en l'air et atterrit sur le toit d'une Camaro bleue que je reconnue comme celle de Tad.

J'avais déjà laissé des traces de brûlure partout sur le sol en béton de son garage, si j’abîmais un peu sa voiture mais que je lui sauvais la vie, il n'allait pas m'en vouloir... Enfin je l’espérais.

Je me décalai une nouvelle fois pour être dans la ligne de mire de l'Ulfark.

Tad ne m'avait toujours pas répondu et des images de moi devant annoncer la nouvelle de la mort de Julian à Van ne cessaient de surgir dans ma tête.

Je risquai un coup d’œil derrière moi. Juste pour vérifier qu'ils étaient encore là, juste pour me rassurer, juste pour...

Grosse erreur, Lucinda !

Lorsque je reportai mon regard sur la Camaro, il avait disparu et un frisson remonta de mes reins à ma nuque.

Il m’observait, dans le noir, quelque part, ses yeux étaient braqués sur moi. Je ne le voyais pas mais j'en avais la certitude. Comme quand, petite, je sortais de la chambre du foyer où je vivais et que je ne savais pas ce qu'il y avait dans le noir. Je savais seulement qu'il y avait quelque chose.

J'entendis la voix de Michael dans ma tête.

« Un Ulfark c'est l'instinct sauvage, la fureur, la traque et le désir de mort, amour. Il ne t'épargnera pas, jamais. S'il t'attrape, tout est fini. »

Je pris une grande inspiration et m'élançai à l'opposé de Tad, toujours au-dessus de Julian, le protégeant de son corps.

Je tentai le tout pour le tout.

Aucun prédateur ne pouvait résister au besoin de poursuivre une proie en mouvement. C'était pour ça que mon compagnon m'avait toujours dit de ne pas fuir devant un loup en colère. C'était aussi pour ça qu'il n'avait pas pu résister à l'envie de me traquer quand j'avais fui ses avances, au début. Et aujourd'hui, je faisais tout le contraire de ce qu'on m'avait inculqué, si profondément que ça relevait, à présent, de l'instinct.

J'avais besoin qu'il sorte de sa cachette pour redevenir la chasseuse et non plus la proie.

J'entendis le bruit d'outils chutant au sol en résonnant dans le silence de la nuit.

Je l'avais fait bouger. J’espérais seulement qu'il m'avait poursuivie et qu'il avait momentanément oublié mes loups.

Je n'avais pas le temps de me retourner pour le vérifier.

Je plongeai sous un établi qui me bloquait le chemin et j'en profitai pour me retourner, dos au sol.

Ça fit mal. Mon dos cogna durement contre le béton mais, alors que je glissai de l'autre côté, j'eus la vue dégagée.

Et je vis parfaitement l'Ulfark bondir sur ses pattes arrières, sauter par dessus l'établi et prendre la trajectoire parfaite pour atterrir directement sur moi.

Je n'allais pas avoir le temps.

L'adrénaline courrait dans mes veines et je tendis les mains juste devant moi en criant de toutes mes forces pour déployer mon filament aussi vite que je le pouvais

Une ombre floue passa juste au-dessus de moi. Si près que l'air qu'il déplaça agita les cheveux qui s'étaient échappés de ma tresse.

Tel un boulet de canon, l'ombre cueillit l'Ulfark dans les airs, alors qu'il n'était plus qu'à quelques centimètres de moi, et l'envoya valdinguer contre le mur opposé.

Une longue inspiration... J'avais arrêté de respirer... Je ne savais pas qui était mon sauveur mais il avait gagné une place dans mon cœur.

Suite>>

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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 14:38

En emménageant chez Michael quelques mois plus tôt, je m'étais rapidement aperçue que la meute avait un don pour transformer ce que je pouvais considérer comme un inconvénient en avantage. C'était valable pour leur capacité à sentir les émotions des autres par exemple. Je n'avais alors perçu que le côté intrusif de la chose. Je m'étais persuadée que je détesterai me sentir exposée de la sorte. Mais contre toute attente, il y avait quelque chose de confortable à vivre avec des loups capables de lire en vous. Leur aptitude à appréhender votre état d'esprit les rendait plus facile à vivre que la majorité des gens.

La vie en communauté m'avait également inquiétée. Bien sûr, officiellement, seuls Michael, Julian et moi-même, vivions dans cette immense bâtisse. Néanmoins, la plupart du temps, une dizaine de loups squattaient allègrement les chambres à l'étage, les canapés du salon, la salle d’entraînement au sous-sol... Parfois même le sol tout simplement – je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais trébuché sur un loup couché de tout son long sur le carrelage de la cuisine, généralement devant le frigo.

Pour moi, qui avais presque toujours vécu seule, cette promiscuité avait été une source d'inquiétude constante les premières semaines.

Mais je devais bien avouer aujourd'hui, surtout à cette minute précise, que les avantages de cette cohabitation forcée rendait les inconvénients plus supportables. J'appréciais tout particulièrement les conversations animées qui se déroulaient chaque jour autour de la table basse du salon, à l'endroit même où je me tenais à présent. Seulement lorsqu'une demi-douzaine de loups argumentaient en même temps sur plusieurs sujets différents, l'acte de « converser » prenait une toute autre dimension que ce que je vivais en ce moment.

Comment dire ? Une armée complète d'anges, Séraphins, Chérubins, Archanges et légions étaient en train de passer. Lucinda Walker ou l'art de recevoir...

Bon, ce n'était pas que je n'avais rien à dire à Lori mais je ne voyais pas vraiment comment aborder le sujet. « Alors comme ça toi aussi tu es la compagne d'un alpha, et depuis bien plus longtemps que moi, tu veux pas me coacher ? » Mouais...

Je me relevais pour servir une deuxième tasse de thé à mon invité quand elle brisa finalement le silence.

- J'ai été très impressionnée par ton raisonnement tout à l'heure. Michael n'a pas manqué de discernement en te prenant pour compagne.

- Merci. Répondis-je en tentant de ne pas paraître trop flattée. Je n'ai pas la vivacité d'esprit d'une louve mais je me débrouille.

- Je pense que tu n'as rien à leur envier. M'assura-t-elle en riant. Et puis de toi à moi, les louves ne sont pas si vives que ça.

Son ton de conspiratrice me fit sourire, comme si notre statut d'humaine nous faisait entrer dans une catégorie particulière.

- Je te fais confiance, il n'y a qu'une louve dans ma meute et c'est ma meilleure amie.

Lori sourit et but une gorgée de son thé comme pour se donner une contenance.

- Je t'envie tu sais. Ta position est confortable, et les loups de Michael t'ont acceptée comme leur femelle alpha visiblement. Sans parler de ton pouvoir qui te rend indispensable à la meute.

Je tiquai un peu. Bon, je ne pouvais pas non plus me plaindre mais de là à qualifier ma position de confortable...

- Eh bien j'imagine que tu es passée par là toi aussi, tu sais que tout n'est pas tout rose. Il y a encore des moments où je me demande ce que je suis venue faire dans ce pétrin.

- Je suis sure que tu ne le penses pas. Affirma-t-elle en riant.

- À vrai dire, je me demandais si tu ne pourrais pas me faire part de ton expérience dans ce domaine justement. Me lançai-je. En tant qu'humaine toi aussi, et compagne d'un alph...

- Tu te trompes à ce sujet. Me coupa-t-elle avec un sourire bienveillant.

J'écarquillai les yeux en la regardant des pieds à la tête. Mon nouvel odorat sur-développé était censé être un allié de choix dans ce genre de situation. Pourtant rien en Lori ne laissait supposer qu'elle n'était pas humaine.

Assurément, elle n'était pas louve, et si elle avait été vampire, au delà des contradictions physiques évidentes, je l'aurais également senti sur elle. Bien sûr, il n'était pas exclu qu'elle appartienne à une race dont je n'avais pas encore rencontré de représentant mais j'en doutais. Tous les signaux olfactifs qu'elle envoyait étaient humains.

- Je ne suis pas la compagne de Raphaël. Précisa-t-elle.

Oh... C'était donc ça.

- N'aie pas l'air si surprise. Me dit-elle avec un air amusé. Il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Raphaël et moi sommes fous l'un de l'autre, mais son loup ne partage pas ses sentiments voilà tout.

Je cherchai une pointe d’aigreur ou de tristesse dans sa voix mais n'en décelai aucune.

- Je suis désolée. M'excusai-je avec la sensation d'avoir fait un faux-pas social dans le monde des lycans.

- Ne le sois pas. Dit-elle en me prenant la main pour la tapoter. Je vis avec l'homme que j'aime depuis près de vingt ans, je suis vraiment chanceuse. Il est vrai que j'envie ta position dans la meute parce que ton avis est pris en compte mais j'ai aussi conscience des responsabilités qui accompagnent ta position et je ne sais pas si j'aurais ton courage dans cette situation. On peut dire que j'ai les avantages sans les inconvénients.

- Alors si je comprends bien, tu ne vas pas pouvoir me dire ce qu'implique d’être une compagne humaine au milieu d'une meute de lycans ? Demandai-je pour la forme, en soupirant.

- Je suis désolée, Lucinda, mais pour le coup tu vas devoir te débrouiller. Je n'ai, pour ainsi dire, aucune relation avec la meute. Bien sûr je côtoie certains loups de l'entourage proche de Raphaël, et je m'entends bien avec certaines louves mais je n'ai aucune implication dans la meute et je ne me mêle pas de leurs histoires. Il ne l'accepterait pas de toute façon.

- Attends... Sans vouloir me mêler de votre histoire, quand je vois la façon dont Raphaël te regarde, je doute qu'il te refuserait quoi que ce soit.

Les joues de Lori se tintèrent de pourpre, la rajeunissant d'une bonne dizaine d'année, tandis qu'elle me sourit.

- Je te remercie Lucinda, mais j'aime ma vie telle qu'elle est et je ne parlais pas de Rapha, enfin pas vraiment.

Je fronçai les sourcils et m’apprêtai à lui demander une explication quand le cliquetis caractéristique de griffes sur le béton du porche se fit entendre.

Nos loups revenaient de leur inspection. Je gardai donc mes questions pour moi et me levai pour aller leur ouvrir la porte d'entrée.

Michael fut le premier à entrer suivi par Raphaël puis Lawrence, son accablement visible dans sa démarche plus lourde qu'à l'allée.

- Vous avez trouvé quelque chose ? M'empressai-je de demander aux alphas qui finissaient déjà de se rhabiller.

L'espoir transparaissait dans mes paroles, mais l'espoir de quoi ? Je l'ignorais.

Valait-il mieux que le lycan ait été un Ulfark et que les doutes de Van soient le symptôme des prémices de la folie ou bien qu'il n'ait pas été sauvage et que mon ami doive vivre avec le sentiment de culpabilité d'avoir tué un innocent pour le reste de sa vie ?

- Rien du tout. Répondit Michael. Selon toute vraisemblance il était bel et bien sauvage. Il empestait l’ammoniaque et certaines de ses blessures n'ont pas été causées par Van. Il avait commencé à se ronger une patte arrière.

Je grimaçai en pensant à l'horreur d'un tel acte. Il fallait vraiment avoir perdu la tête pour s'infliger ce genre de torture.

Petite, j'avais essayé de mordre mon avant-bras jusqu'au sang dans le but d'accuser Jimmy Henderson, une petite frappe qui me volait tout le temps mon dessert au réfectoire de l'orphelinat. Ma tentative avait lamentablement échoué, bien entendu. Il y a une sorte de sécurité dans notre cerveau, nous empêchant d'utiliser sciemment nos dents contre nous-même... Sans parler de la douleur.

- Eh ben, ça ne veut pas dire que ton lieutenant avait tort pour autant. Remarqua Raphaël. Comme tu l'as souligné, Lucinda, il est possible que quelqu'un tire les ficelles dans l'ombre et transforme nos loups en Ulfark.

- Il faut le trouver. Gronda Lawrence en serrant les poings, la rage déformant les traits de son visage.

- C'est ce que nous ferons mon ami. L'assura mon compagnon.

- En attendant, il faudrait peut-être mettre un terme au tournoi. Proposai-je. Qui sait ce qu'une telle concentration de loups au même endroit pourrait provoquer.

- Au contraire. Rétorqua Raphaël. Si la menace est réelle, nous avons toutes les chances d'en apprendre plus en restant tous ensemble. Et si la même chose qu'aujourd'hui devait se reproduire, cette fois nous seront préparés et à même d'agir immédiatement.

- Tu proposes de sacrifier des loups pour découvrir la vérité ? M'exclamai-je, outrée.

- Nous n'avons aucune piste pour le moment alors je propose d'attendre et de voir comment ça se passe... Il faut parfois sacrifier quelques individus au profit du plus grand nombre.

Je regardai mon compagnon avec stupéfaction. Il ne pouvait tout de même pas cautionner cette idée. Même si je comprenais le principe, j'aimais chacun de mes loups indépendamment les uns des autres, et mon aventure avec Sorcha m'avait prouvé que je n'en sacrifierai aucun pour sauver tous les autres... Il y avait toujours une autre alternative.

- Amour, s'il y avait une autre solution... Commença Michael. Et puis comme l'a souligné Raphaël, nous nous y attendrons et cette force, quelle qu'elle soit, semble reculer face à notre pouvoir d'alpha. Elle ne semble pas nous atteindre non plus. Avec quelques précautions je pense que le jeu en vaut la chandelle.

Je soupirai et reportai mon regard sur Lawrence. Contrairement à ce que j'avais cru, il semblait d'accord avec cette décision. Dans ce cas, je n'avais plus qu'à m'incliner.

- Je vais voir comment va Van, et s'il se sent capable d'entrer sur la patinoire demain. Annonçai-je avec une moue dépitée.

Michael m'embrassa sur la tête après une rapide étreinte et je pris congé de nos hôtes. Je n'étais pas certaine que la décision des alphas fut la bonne mais si le phénomène qui s'attaquait aux loups n'était pas naturel, alors je comprenais que son créateur devait être arrêté et le plus vite serait le mieux.

 

Selon les hypothèses les plus sérieuses, la sensation de « déjà-vu » pourrait provenir de la confusion entre une situation déjà vécue et une autre similaire expérimentée au moment présent, ou encore à un arrêt partiel et très court du cerveau, mais aussi à une mauvaise redirection synaptique de l’information dans le cerveau...

Quoi qu'il en soit, dans ma situation, si j'avais l'impression d'être déjà passée par là, c'est que c'était effectivement le cas... Avec quelques différences notables néanmoins.

En l’occurrence, le jeune loup qui faisait les cents pas devant la porte de la chambre de convalescence s'était étoffé et ne ressemblait plus au jeune garçon chétif de la dernière fois.

Quant à sa démarche, elle n'était plus hésitante mais bel et bien assurée et gracieuse.

Julian ressemblait à un surfeur avec ses cheveux dorés, trop longs et sa peau bronzée. Il sentait même le soleil et le sable chaud.

Un sourire illumina son visage aux traits nouvellement virils lorsqu'il posa ses yeux sur moi.

- Salut ma belle. Tu viens vérifier que tu as fait du bon boulot sur Tad ?

Sa voix était enjouée mais son ton semblait forcé.

- Je fais toujours du bon boulot, Jul. C'est Van que je viens voir, comme toi j'imagine.

- Il m'a foutu à la porte. Soupira-t-il. Alors que je voulais simplement vérifier qu'il était en pleine forme.

Je secouai la tête en imaginant très bien de quelle façon il s'y était pris. Je commençais à le connaître.

La porte de la chambre s'ouvrit en grand tandis que Van se postait dans l'embrasure.

- T’inquiéter pour ma santé c'est une chose, chercher à savoir si je suis devenu impuissant en me tripotant, c'en est une autre. Gronda le lieutenant avec mécontentement.

Je ne pus retenir un sourire.

- Je m’inquiétais pour ta santé. Commença le jeune lycan. Je voulais juste vérifier que Lucy t'avait remonté dans le bon sens c'est tout.

- Hé ! M'insurgeai-je. Je le remonte toujours dans le bon sens, et je peux t'assurer que tout fonctionne parfaitement bien, sa mécanique est comme neuve !

- Pas de couac dans le moteur ?

- Il ronronne comme au premier jour.

- Tu ne m'aides pas là, Lucy. Si j'en crois les rumeurs, il est loin d'être une première main et je ne voudrais pas me retrouver avec une épave dans les mains parce qu'on m'a couillonné au contrôle technique.

- Et moi je t'assure que j'ai tout vérifié, des niveaux à la courroie de distribution. Il est en parfait état de marche.

- Bon, quand vous aurez fini d'échanger sur mes parties à coup de métaphores automobiles, on pourra peut-être s'occuper de ce qui est vraiment important. Nous coupa Van.

Heureusement parce que je commençais à venir à bout de mes connaissances en mécanique... Et puis je ne voyais même pas ce que la courroie de distribution aurait pu représenter.

- Boude pas mon cœur, on le sait que tes parties sont parfaitement fonctionnelles. Ajouta Julian en lorgnant les parties en question.

Ne regarde pas Lucinda... Ne regarde pas... Et merde !

Je soupirai en secouant la tête.

- Bon, je ne suis pas là pour ça, Raphaël et Lawrence viennent de partir. Van... ils n'ont rien trouvé d'étrange concernant l'Ulfark.

L'humeur du lieutenant s'assombrit.

- Ce n'était pas un Ulfark, Lucy, plus j'y pense et plus j'en suis convaincu.

- Je ne sais pas quoi te dire... Dis-je avec gêne. Trois alphas l'ont inspecté et...

- Merde Lucy ! Arrête avec ta putain de complaisance. S'emporta le lieutenant, je ne suis pas fou et je ne suis pas en train de le devenir, fais moi un peu confiance bordel. Le loup que j'ai tué était sauvage et avait perdu la tête, ça je ne le nie pas, mais sur mon honneur, ce n'était pas un foutu Ulfark.

- Il a raison... Gémis plaintivement une voix à l'intérieur de la chambre.

Je fusillai Van de mon regard le plus accusateur possible niveau cent pour cent « bien joué mon pote ».

- Tu devrais être en train de dormir pour récupérer, toi. Signifiai-je à Tad en passant sous le bras de Van pour entrer dans la chambre.

- Ouais c'est ce qu'il paraît, mais on dirait que c'est pas l'avis du grand imbécile derrière toi.

L'imbécile en question se renfrogna.

- Comment tu te sens ? Demandai-je en m'approchant du lit pour vérifier l'état du lycan blessé.

- Je sais pas, tu vois l'état d'un moteur diesel trop plein d'huile après explosion ?

- Absolument pas. Répondis-je en soupirant.

Ça commençait à bien faire ces métaphores automobiles, même si dans le cas de Tad, il s'agissait sûrement d'une déformation professionnelle.

- Pas grave, de toute façon je me sens bien pire.

- Hé... Bienvenue parmi les vivants. Lança Van à ma droite d'un ton pas très assuré.

- Pas grâce à toi, connard !

Le lieutenant accusa le coup.

- Rappel-moi un peu ce que tu m'as dit ? « C'est bon, on va se débrouiller tous les deux ». Imita grossièrement le loup. Ouais... Pas la meilleure idée du siècle.

- En fait si, c'est un peu grâce à lui. M'interposai-je immédiatement, profitant du silence de mon ami. Van t'a porté sur son dos pendant près de cinq kilomètres alors qu'il était éventré. Alors même si je ne cautionne pas sa décision d'attaquer un Ulf... Un loup sauvage, à deux, il a sauvé ton cul. Ta moelle épinière était sectionnée et tes organes internes étaient en bouillie. Si j'avais dû parcourir ces cinq kilomètres de plus, je doute d'être arrivée à temps.

Tad poussa un soupir à fendre le cœur.

- Tu fais chier à jouer les héros à tout bout de champs, pour une fois que je tenais une bonne raison de te faire payer les réparations de ta Viper plein pot.

Un sourire s'étira sur les lèvres du lieutenant.

- Mec, si tu veux tu pourras gonfler la facture pour les dix années à venir. Je t'en dois vraiment une cette fois.

- Tu m'en dois bien plus d'une, mais pour le coup on va dire qu'on est quittes.

- Belle démonstration d'amitié virile les gars, mais Tad, est-ce que tu peux me dire ce dont tu te souviens à propos de ce loup ? Et pourquoi tu soutiens aussi qu'il ne s'agissait pas d'un Ulfark ?

Si le lycan pouvait corroborer les faits, alors les propos de Van auraient un tout nouvel impact sur l'opinion des alphas.

- C'est vrai qu'au premier abord, ce loup présentait tous les symptômes de la perte de contrôle. Et si je n'avais sous les yeux que les caractéristiques physiques, je n'y verrais sûrement que du feu, mais... Il y avait quelque chose dans son comportement. Ça peut paraître dingue mais je l'ai vu aussi, il essayait de se protéger, comme si quelque part, très loin, et enfouit sous des couches de rage, il lui restait un semblant de conscience. Expliqua Tad, un frisson d'horreur parcourant son corps meurtri.

- J'ai tué un loup qu'on aurait pu sauver... Murmura douloureusement Van.

Je m’apprêtai à le détromper quand une grande main agrippa fermement l'épaule du lieutenant.

- Non. Soutint Julian. Tu as protégé ta meute et tous les habitants de ta ville. Peu importe ce qu'il était vraiment. Il s'était transformé en tueur et si j'avais été à sa place, j'aurais appelé la mort de tous mes vœux. Tu n'as pas été son bourreau, tu as été sa délivrance.

Je ne l'aurais pas mieux dit.

 

Et quand les yeux de mon ami rencontrèrent ceux du jeune lycan, le silence s’installa et les mots ne furent plus nécessaires. Tout était dit.

 

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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 20:37

Je parcourais la petite cellule du sous-sol avec agitation. J'aurais aimé faire les cents pas mais cette fichue pièce était si exiguë que je n'avais pas la place de faire cinq pas que je devais déjà tourner sur moi-même pour ne pas me cogner au mur. J'avais l'impression de creuser une tranchée dans le sol poussiéreux. Jusqu'à quand allait-il me torturer de la sorte ? Est-ce qu'il lui arrivait de penser aux autres ? À leurs sentiments ?

Michael était déjà venu me chercher trois fois, la prochaine fois il allait refuser de partir sans moi, dût-il me porter sur son dos pour arriver à ses fins.

Pour la dixième fois en cinq minutes je me tournais vers le corps inerte, profondément endormi sur le petit lit de camps. Encore une journée de merde dans la vie de Vanniel Helsungen. Si je ne venais pas de le raccommoder, je pourrais bien le taillader moi-même. À quoi pensait-il bon sang ? S'attaquer à un Ulfark avec Tad pour seul renfort. En pensant à ce dernier et à ce que j'avais du faire pour replacer sa colonne vertébrale dans le bon axe, j'avais des envies de meurtre.

Prenant une grande inspiration pour me calmer, je revins sur mes pas et m'assis sur la petite chaise à côté du lit.

- Allez connard, réveille-toi ! J'ai tout remis en place, j'ai failli en crever de douleur sous une douche glacée alors maintenant debout.

Un grondement agacé se fit finalement entendre. Je soupirai de soulagement.

- Qui tu traites de connard, sal...

Ma main s'était écrasée sur sa joue avant qu'il puisse achever sa phrase.

Je pourrais dire que la gifle était partie toute seule sans que je ne m'en rende compte mais pour être honnête je l'avais préparée depuis un bon moment.

- Prononce une syllabe de plus et je te laisse pourrir dans cette cellule pendant des jours. Le menaçai-je. Franchement je me fichais bien de l'insulte, à une certaine époque pas si lointaine, c'était un mot qui revenait souvent dans sa bouche pour me désigner. En revanche, je n'étais pas sure de pouvoir supporter son ton supérieur alors qu'il avait failli y passer tout seul dans ce sous-bois lugubre, loin de nous, loin de sa famille, loin de moi.

Je le vis entrouvrir une paupière et évaluer rapidement sa situation.

- Tu n'es pas prisonnier ici, du moins pas encore. On a dû te déplacer ici pour t'attacher parce que tu ne me laissais pas t'approcher pour te soigner. Le prévins-je en secouant les menottes désormais vides, suspendues au mur au-dessus de lui.

- Tad... ? Murmura-t-il avec difficulté.

- Ça va, il s'en est sorti... Pas grâce à toi. Rajoutai-je pour enfoncer un peu le clou.

La tête de Van bascula sur le côté avec un soupir.

- Tu veux bien me dire ce qu'il t'a pris bon sang... Van... Si Michael n'avait pas senti où vous étiez...

- Je ne sais pas... Murmura-t-il en soupirant. Ça ne devait pas se passer comme ça.

Son bras droit retomba sur ses yeux, ne me laissant qu'apercevoir son regard hanté.

- Bordel ! Je te promets, je n'y comprends rien, je ne sais pas ce qui a merdé. D'abord j'ai cru que c'était un Ulfark, il en avait tous les symptômes mais maintenant... Quand j'y pense... Je n'en suis plus si sûr.

Il avait rabaissé son bras et me regardait comme si le poids du monde reposait sur ses épaules.

Il n'en fallu pas plus pour me faire oublier ma rancœur. C'était toujours comme ça avec lui. Les colères qu'il provoquait chez moi étaient extraordinaires mais elles ne duraient jamais. J’abhorrai son égoïsme, sa brutalité, son manque de tact. Je m'insurgeai contre son manque de discernement, son imprudence. Et puis il me regardait dans les yeux, sans détour, sans se cacher, en dévoilant tout, du fond de ses prunelles sombres et j'oubliais jusqu'à la raison de ma colère. Il y avait quelque chose de désarmant dans les yeux de Van, comme un petit garçon terrifié, caché sous toutes les couches de vanité et de violence contenue. Comme s'il avait vécu trop de malheur, trop de tristesse pour en supporter davantage mais qu'il savait qu'il n'avait pas le choix et devait avancer.

Je poussai un profond soupir qui évacua les dernières bribes de rage de mes pensées. Ma main se posa d'elle même sur la sienne.

- C'était un Ulfark, Van. Le rassurai-je. Tu n'as pas à en douter. Michael et les autres ont trouvé les traces de son passage. Il a tout décimé sur sa route et laissé des cadavres partout. Heureusement il n'y a pas eu de victimes humaines.

J'essayais de paraître la plus convaincue possible. Après tout nous n'avions pas de raison d'en douter.

- Il a essayer de se protéger quand je l'ai tué...

Les mots avaient été prononcés dans un souffle, à peine audibles pour une oreille inattentive.

- Je ne sais pas quoi te dire, Van. Peut-être que tu devrais arrêter... Tu sais ce rôle de bourreau de la meute ne te convient peut-être plus, tu as vécu des épreuves difficiles ces derniers mois et...

- Tu crois que je craque ? Tu crois que je ne suis plus capable de discerner le vrai du faux ? Gronda-t-il avec amertume.

- Je n'ai pas dit ça mais...

- Mais tu as peur que ça arrive. Finit-il à ma place.

Je ne pouvais pas lui dire qu'il se trompait. Mon ami avait plus de deux siècles d'existence lupine à son compteur et ses aptitudes au combat le désignait tout naturellement comme l’exécuteur des loups « déviants ». Un tel rôle n'était pas officiel bien sûr, mais la tâche lui incombait dès lors qu'il trouvait ce loup le premier. Et Van était un excellent traqueur, et qui plus est le lycan le plus rapide de la meute. Dans cette situation, c'était presque un miracle que la soif sanguinaire du loup ne l'ait pas conduit à la folie.

- Tu es enfin réveillé. Me fit sursauter la voix de Michael une seconde avant que sa main se pose sur mon épaule. Comment te sens-tu Vanniel ?

- Ça va. Répondit-il en se redressant sur son lit de camp.

- Bien. Dans ce cas je compte sur toi pour nous accompagner, Raphaël et Lawrence sont arrivés. Ils nous attendent.

Je me levai sans quitter le lieutenant des yeux. Il était parfaitement remis de ses blessures. La petite ligne rosée qui barrait son bas-ventre d'un bord à l'autre aurait disparut d'ici quelques heures mais son tatouage avait souffert. À présent, les entrelacements d'encre noire s'étalaient de part et d'autre de la cicatrice. Il lui faudrait repasser par la case tatoueur pour faire arranger ça. Pour la première fois je me demandais comment un loup pouvait porter un tatouage plus de quelques heures sans que son métabolisme ne l'absorbe et l'efface.

Michael me prit la main, m'extirpant de mes interrogations silencieuses.

- Enfile quelque chose et rejoins-nous s'il te plaît. Dit mon compagnon à son lieutenant. On va avoir besoin de savoir ce qu'il s'est exactement passé.

Van frémit et la tension de ses muscles s'accentua.

- Bien, j'arrive.

 

- Comment va ton loup ? Demanda Raphaël à Michael dès notre arrivée dans le salon.

La posture de l'alpha était décontractée. On ne pouvait pas en dire autant de celle de Lawrence, mais étant donnée la situation on ne pouvait pas le lui reprocher.

Lori couvait son époux d'un regard bienveillant tandis qu'elle semblait profiter de son étreinte rassurante. Je me demandais si, d'une manière ou d'une autre, Michael et moi dégagions aussi cette aura de plénitude lorsque nous étions ensemble. C'était peu probable.

- Il va bien, il nous rejoint dans une minute.

- Tant mieux. Dit Raphaël en hochant la tête.

- Je suis navré pour tes loups, Michael. Intervint Lawrence. J'aurais dû être plus vigilant.

- Eh bien le pire a été évité et tu es celui qui a perdu un membre de ta meute, alors je n'ai aucun grief à ton encontre.

Malgré la solennité de ce moment, un sourire étira un coin de ma bouche. Michael était l'une des seules personnes de ma connaissance à pouvoir utiliser le mot « grief » sans que cela paraisse anachronique.

- Je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Poursuivit Lawrence. Je n'ai jamais constaté de signes avant-coureurs chez Cal avant ce soir. Je ne m'explique pas sa soudaine transformation en Ulfark.

- Parce que ce n'en était pas un. Intervint Van en pénétrant dans la pièce.

Le silence s'installa, presque étouffant.

- Qu'as-tu découvert, lieutenant ? Demanda calmement Raphaël.

Le loup interrogé me lança un rapide coup d’œil avant d'entamer son récit.

- Je l'ai senti dans l'air environ une heure après être parti à sa recherche. Tad et moi l'avons rapidement retrouvé. C'était assez facile, il empestait vraiment l'Ulfark, le sang et l’ammoniaque, et comme on peut s'y attendre d'un loup sauvage, il n'avait pas cherché à camoufler son odeur.

L'ensemble des loups de la pièce acquiescèrent d'un même mouvement entendu.

- Lorsqu'on l'a retrouvé, il avait déjà perdu la totalité de son contrôle et il avait commencé à s'attaquer à son propre corps.

- C'est un symptôme qui correspond à un stade avancé de la sauvagerie. Expliqua Raphaël en fronçant les sourcils comme s'il énonçait à haute voix l'une de ses propres interrogations. Un Ulfark ne s'attaque à son propre corps que plusieurs jours après son changement.

- Je sais. Acquiesça notre lieutenant. Et ce n'est pas la seule anomalie. Quand j'ai eu une opportunité d'en finir, j'ai immédiatement visé son cou mais il effectué une manœuvre d'évitement et je n'ai pas réalisé tout de suite que c'était sans doute intentionnel.

La surprise s'afficha sur tous les visages à l'exception de celui de Lori et du mien qui n’étions visiblement pas au point en ce qui concernait les techniques de combat des Ulfarks.

- Quand j'ai finalement réussi à le mettre en échec et que j'allais l'achever, il a... Il a tenté de protéger sa gorge. Murmura Van, la honte transparaissant dans chacun des mots prononcés.

- Impossible ! Gronda Lawrence. Les Ulfarks sont féroces et combattent avec l'énergie du désespoir mais ils ont perdu l'instinct de conservation, il ne leur reste que la rage.

- Est-ce que tu en es certain, Vanniel ? Demanda Michael en pinçant l'arête de son nez. Parfois les apparences sont trompeuses... Peut-être que ton désir d'éviter la mort d'un loup a pu fausser ton jugement.

Les yeux sombres du lieutenant se plissèrent face à ce manque de confiance.

- Je ne fuis pas mes responsabilités, Boss, quoi que vous en pensiez Lucy et toi. Se défendit-il. Mais personne ici ne trouve étrange qu'un Ulfark qui n'en était pas vraiment un apparaisse peu après la vague de folie qui s'est emparé de tout le monde à la patinoire.

Les alphas échangèrent un bref regard entendu avant de reporter leur attention sur Van.

- C'est en effet troublant et ce serait un mensonge de te dire que nous n'y avons pas pensé mais pour l'instant rien ne prouve que ces deux événements soient liés et la prudence est de mise. Argumenta Raphaël.

- Pour l'instant nous avons pu constater une recrudescence du nombre d'Ulfarks dans certaines des meutes de l'état. Expliqua Lawrence.

- Combien exactement ? Ne pus-je m’empêcher de demander. Michael avait tenté de minimiser le problème lorsque nous en avions parlé mais si la situation était assez grave pour que d'autres alphas la prennent en considération je préférai connaître tous les détails.

- Dix-sept... Ces trois derniers mois. Répondit Raphaël. Principalement dans les meutes de Lawrence, de Carson et de Graham.

- Nous en avons éliminé deux le mois dernier. M'expliqua Michael, mais comme tu le sais, il s'agissait de loups solitaires que j'autorisais parfois à chasser sur mon territoire. Étant donné leur situation je n'ai pas trouver ça suspect avant que nous fassions le compte ce soir.

- Pour la plupart, les Ulfarks étaient des loups qui n'avaient pas souhaité entrer dans une meute ou étaient en transit entre deux. Pris séparément, c'est un événement presque banal, le lycan est une créature grégaire et la solitude ne lui réussit pas.

- Néanmoins, Graham a perdu deux membres de sa meute, Carson un, quant à moi... Avec Cal, ça en fait deux également. Expliqua Lawrence.

- Ce qui fait douze loups solitaires devenus sauvages rien qu'en Oregon. Finis-je après un rapide calcul.

- C'est bien ça. Acquiesça Raphaël. Je me suis moi-même occupé de six loups solitaires qui se trouvaient sur mes terres. Les six autres étaient répartis sur les autres territoires.

- Douze loups sauvages qui n'appartenaient à aucune meute... C'est comme si la personne qui provoquait ce phénomène cherchait à ne pas éveiller les soupçons.

Tous les regards se tournèrent vers moi.

- Qu'est-ce qui te fait penser qu'une personne est derrière tout ça ? Demanda Michael en fronçant les sourcils.

- Eh bien ça paraît évident. Je doute qu'un facteur naturel puisse expliquer un nombre si important d'Ulfarks en si peu de temps. Et si je m'attaquais aux loups, je commencerais par ceux qui sont sans protection, ceux qui ne manqueront à personne et dont le changement n'éveillera pas immédiatement les soupçons. C'est un raisonnement intelligent, quelque chose qui a été élaboré par une entité réfléchie. En d'autres termes, il y a quelqu'un qui tire les ficelles.

- Ta compagne soulève un point intéressant, Michael. Commenta l'alpha de Portland après un moment de réflexion. Je ne connais pas de moyens de transformer un lycan en Ulfark mais il pourrait être intéressant de recouper quelques informations pour voir si ces loups avaient des points communs. Où est le corps de Cal ? Peut-être trouverons-nous quelque chose qui nous a échappé jusqu'à maintenant.

- Il est dans le garage pour l'instant. Répondit mon compagnon. Nous l'avons ramené afin que tu puisses en disposer le moment venu, Lawrence.

Ce dernier le remercia d'un mouvement du menton.

- Bien, allons l'inspecter dans ce cas. Nous aurons plus de chance de trouver des indices avec nos sens lupins.

Joignant le geste à la parole, Raphaël retira son T-shirt, laissant apparaître un torse aussi impeccable que ceux de tous les lycans que j'avais pu rencontrer jusqu'à maintenant. Je détournais les yeux par habitude en sachant que le reste de ses vêtements allait suivre rapidement. Depuis cinq mois que je vivais chez Michael, j'avais développé une fascination pour les coins et plafonds de la maison. Je ramenai néanmoins rapidement mon regard sur le côté gauche de l'alpha. Je n'avais pas rêvé lorsque j'avais cru discerner une zone sombre à cet endroit. Et alors qu'il se débarrassait déjà de son jean, j'en était encore à déchiffrer, les dizaines, peut-être même les centaines, de noms tatoués à l'encre noire sur son corps, depuis l'aisselle jusqu'au genou.

Je cillai. Soit il avait décidé de se balader avec l'intégralité de la bible des prénoms qu'on offrait habituellement aux futurs parents, soit il était aussi vieux que l'avait un jour mentionné Van et beaucoup de monde avait compté pour lui.

- Lori, ma chérie, je vais me transformer. Avertit l'alpha à l'adresse de son épouse qui s'éloigna significativement après un rapide baiser.

Michael ne me prévenait jamais, il me mettait devant le fait accompli.

Je me tournai d'ailleurs vers mon compagnon qui avait aussi entamé un déshabillage en règle. Ma manœuvre avait pour avantage de bloquer ma vision périphérique, cette traîtresse qui m'envoyait l'information suivante : Deux mâles gaulés comme des dieux et qui ne sont pas ton compagnon sont en train de se mettre à poils dans ton salon. Bon... Je me concentrai sur le corps de mon homme et en profitai pour boucher la vue à Lori. Je l'aimais bien, mais pas assez pour la laisser reluquer mon mec.

Lorsque les trois alphas se transformèrent tous en même temps, l’afflux soudain de puissance dans la pièce me coupa le souffle.

Je me tournai de nouveau face à nos invités et enfouis une main possessive dans la fourrure de Michael. Sa langue douce et chaude lécha ma joue.

De son côté, le magnifique loup blanc qui avait été Raphaël et l'immense loup chocolat qui avait été Lawrence baissèrent presque imperceptiblement la tête à l'adresse de Michael, reconnaissant la supériorité territoriale de mon compagnon. J’appréciai le tact dont ils faisaient preuve.

Je me tournai vers Van qui ne s'était pas transformé. Je comprenais qu'il ne tienne pas à les accompagner pour inspecter sous toutes ses coutures, le corps du loup qu'il avait dû exécuter quelques heures plus tôt.

- Je vais leur ouvrir. Dit-il en se dirigeant vers la porte d'entrée d'un pas raide.

Lawrence sortit le premier de la maison, suivit de près par Raphaël puis Michael. Ce dernier m'observa une minute et la chaleur dans ses yeux saphirs me réchauffa plus sûrement qu'un soleil d'été. Je profitai encore de ce sentiment quand une petite voix fluette me ramena à la réalité et à mes devoirs d'hôtesse.

- Quelle histoire, n'est-ce pas ? Murmura Lori avec la componction qui semblait la caractériser depuis son arrivée.

Van fit claquer la porte, nous faisant sursauter toutes les deux.

- Désolé. S'excusa-t-il. Je monte voir comment se porte Tad.

J’acquiesçai rapidement et lui souris avec l'espoir qu'il ne me tienne pas rigueur du manque de confiance dont j'avais fait preuve un peu plus tôt.

Le lieutenant passa à côté de moi en caressant mon bras de sa paume brûlante et prit l'escalier.

À présent rassurée, je tournai toute mon attention vers l'épouse de Raphaël.

 

- Je peux t'offrir quelque chose à boire ?

 

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27 novembre 2013 3 27 /11 /novembre /2013 13:26

Les Chroniques de Vanniel

 

Ce que j'aimais le plus au monde, c'était le bruit du vent à mes oreilles. Ce bourdonnement continue qui se modulait au rythme de ma course. Le son emplissait tout l’intérieur de mon crâne et étouffait tout le reste. Ne subsistait alors que le principal : L'odeur de terre et des aiguilles de pins qui jonchaient le sol de la forêt, ma forêt. Le reste n'était que superflu.

Je pouvais alors me concentrer sur mon odorat. Une odeur c'est un peu comme une pensée. Elle traîne dans l'air, elle attire ou repousse, elle persiste ou s'efface, elle garde un souvenir... L'âpreté de la peur de mes ennemis, les épices réconfortantes de ma meute, le musc du cuir dans ma Viper, l'humus enivrant et terreux des bois et au contraire le parfum du soleil au dessus de la canopée, la douceur mielleuse, tiède et suave de l'excitation d'une femme.

Plus je courais et plus mes souvenirs affluaient, et en plus de deux-cent-cinquante ans, ils menaçaient presque de déborder, comme un vase trop plein. J'avançais et je reculais dans ma mémoire, comme un film que l'on rembobinait ou que l'on accélérait, triant les informations nécessaires et celles qui ne l'étaient pas. Je dissociais les odeurs que je connaissais pour mieux traquer celle que je cherchais.

La majorité de la meute arpentait les rues désertes de la ville à cette heure de la nuit. Un Ulfark parcourait notre territoire et tout le monde étaient sur le pied de guerre. Avant de partir, Michael avait contacté Lawrence qui n'avait pu que constater la disparition de son loup lorsque mon alpha lui avait annoncé mes craintes. À présent, ma meute et cinq alphas recherchaient le fugitif, et pourtant je savais dans mes tripes qu'ils ne le trouveraient pas. Et pour cause, j'étais à sa recherche, et je trouvais toujours ce que je cherchais.

Jetant un coup d’œil sur ma droite, je m'aperçus que mon binôme ne m'accompagnait plus. Je ralentis légèrement l'allure pour lui permettre de me rattraper. Je détestais travailler en équipe. Après tout, j'étais plus fort, plus rapide et plus dominant que la plupart des loups de ma connaissance. Mais Tad était un bon combattant. Il savait me couvrir sans me gêner et c'était une des raisons qui expliquait sa présence à mes côtés.

Le lycan au pelage gris-bleu tourna ses yeux verts interrogateur dans ma direction. Tant qu'il était sous sa forme lupine, il ne risquait pas de discuter mon intention, ce qui ne l’empêchait pas de se demander pourquoi nous traquions un loup en forêt lorsque tout le monde le cherchait en ville.

Seulement moi, je le savais. Ils ne trouveraient rien en ville, pas avant le lendemain. Je traquais les Ulfarks depuis assez longtemps pour connaître leur mode de fonctionnement. Et je n'avais pas hérité du surnom « le bourreau de Salem » sans raison. Lorsque je traquais, je trouvais, et je tuais.

Le lycan n'était, désormais, régenté que par son instinct le plus trivial, et celui-ci lui ordonnerait de se retirer loin du bruit, des odeurs et de l'agitation. Il allait réunir ses forces avant de fondre sur sa proie et tout ravager. Et dans ce cas, sa proie serait Salem, le seul endroit que je considérais comme mon « chez moi » depuis mon enfance en Suède. Et je n'allais pas le laisser faire.

J'avais pas mal de terrain à vérifier aussi aurais-je apprécié que Tad accélère un peu la cadence pourtant plus les arbres défilaient et plus il ralentissait pour finalement s'arrêter. Je grondais pour l'encourager à avancer, ce qu'il interpréta sans doute comme un signal pour se transformer.

Et merde !

- Bon dieu Van, ralentis ! Tu vas me semer si tu continues à cette vitesse.

Je levai les yeux au ciel et revins sur mes pas.

- Tu fais chier ! Tu le sais ça ?

Ouais je le savais mais lui aussi me faisait chier à ce moment là et ce n'était pas pour autant que je lui disais.

- Bon tu te décides à te transformer et à me dire ce qu'on fout ici à se crever le cul dans cette putain de forêt au lieu de parcourir les rues de la ville ?

Je poussais un profond soupir et décidais de me transformer finalement.

- Il n'est déjà plus en ville. Coassai-je tant bien que mal. Ma voix rendue rauque par ma transformation.

- Et ça tu le sais parce que... ?

- Parce que j'ai deux-cent-trente putain d'années au compteur en tant que loup garou, bordel ! Grondai-je entre mes dents.

Je détestais devoir me justifier. Pourquoi n'y avait-il pas une de ces lois débiles que les loups affectionnaient tant pour m’éviter cette corvée ? Un truc dans le genre : Van a toujours raison, et même quand vous pensez qu'il a tort, il a raison. Ouais... J'allais peut-être soumettre l'idée à la prochaine réunion de meute.

- Ça c'est de l'argumentaire, mec !

- Fais pas chier ! Tu le sens pas jusque dans tes tripes ? M'énervai-je. Je te dis qu'il est dans cette forêt, fais moi confiance.

Tad s'efforça d'ouvrir ses sens à la nature environnante. Au moins, il me laissait le bénéfice du doute.

- Je ne sens rien du tout moi. Finit-il par dire. Le seul truc que je perçois c'est qu'on est comme deux cons au milieu de nulle part alors qu'on devrait rejoindre les autres.

- Et moi je te dis qu'il est là, quelque part. N'en démordis-je pas. Mon loup est tellement agité qu'il creuse une tranchée de la taille du grand canyon à force de tourner en rond dans mon crâne.

Un tic nerveux agita la joue de Tad. Bien sûr, dès qu'il s'agissait de l'instinct de mon loup, là il ne l'ouvrait plus.

- Pourquoi tu ne l'as pas dit plus tôt ? On aurait dû appeler les autres en renfort. Gonda-t-il, visiblement mécontent.

- C'est bon, on va se débrouiller tous les deux.

- Oui c'est ça, tu crois que je vais prendre le risque de m'occuper d'un Ulfark sans un peu d'aide ?

- Et moi je te dis qu'on va s'occuper du problème tous les deux. Tu veux que les loups des autres meutes se pointent ici et explorent tranquillement notre bois ?

Bon ok, c'était peut-être un problème idiot de territorialité mais bon sang, c’était mon bois.

- Franchement je m'en tape, ils peuvent même construire des petites cabanes dans les arbres si ça leur dit, je ne vais pas me frotter à un...

- Tu sais qu'à force de rapetisser, tes couilles vont finir par disparaître. Le coupai-je brusquement.

Tad baissa les yeux dans un réflexe stupide pour vérifier que tout était bien en place et reporta son regard furieux sur moi.

C'est alors qu'une brise fraîche fit se hérisser les petits cheveux dans ma nuque. Elle était là, l'odeur que j'avais cherchée et qui m'avait échappée jusqu'à maintenant.

Tad se figea au moment même où la fragrance caractéristique d'un Ulfark atteignit ses narines. On ne pouvait pas se tromper. Le mélange complexe de musc, de terre, d'ammoniac et d'adrénaline, véhiculé par le vent, nous indiquait le chemin à suivre. Il fallait se dépêcher, le loup pouvait se trouver à plusieurs kilomètres au moment où la brise avait emporté son odeur, et le temps qu'elle parvienne à nos narines, dieu seul savait quelle distance il avait parcouru.

Je ne réfléchis pas et me dirigeai immédiatement dans la bonne direction, j'allais me transformer en pleine course quand Tad s'interposa.

- Arrête ! Je ne sais pas ce que tu veux prouver mais c'est de la folie de s'attaquer à un loup sauvage sans assurer nos arrières.

Bon, je n'avais plus de temps à perdre en vaines parole.

- D'accord, toi tu rejoins la lisière du bois, tu récupères nos affaires et tu appelles Michael. Je vais le suivre pour ne pas perdre sa piste et tu me rejoins avec des renforts.

Mon ami hésita l'espace d'une seconde.

- Tu ne vas pas te contenter de le suivre n'est-ce pas ? Demanda-t-il finalement.

Il me connaissait parfaitement.

- Écoute Tad, ce ne sera pas le premier Ulfark que je combattrai, j'ai l'habitude, je vais m'en sortir.

- Tu as juste eu de la chance ! S'époumona-t-il alors que j'avais déjà repris ma route et entamé ma transformation.

Quelques instant plus tard, le loup de Tad me fusillait de son regard vert. Apparemment, il n'avait pas l'intention de me laisser aller seul au combat. C'est beau l'amitié.

J'aurais sans doute dû l'arrêter, d'ailleurs l'instinct protecteur de mon loup s'était réveillé lorsque l'odeur de l'Ulfark s'était fait sentir. Mais Tad n'était pas si loin derrière moi dans la hiérarchie de la meute et je connaissais ses aptitudes au combat. Il pourrait m'être d'une aide précieuse.

Je suivais donc la piste olfactive avec mon ami à mes côtés.

Bientôt le parfum se fit plus fort, et le terrain était loin de m'être inconnu. Il s'agissait de mon territoire et je l'avais parcouru des centaines, peut-être des milliers de fois. Je savais où se terrait notre proie. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que je mette un terme à sa folie. Tad ralentit et me jeta un coup d’œil alors qu'il reconnaissait lui aussi le lieu où nous nous trouvions. À quelques centaines de mètres, une saillie rocheuse formait une grotte naturelle. Elle était peu profonde mais suffisamment pour former un piège parfait. La brise était légère et le souffle du vent face à nous ne préviendrait pas notre opposant de notre arrivée. Les conditions ne pouvaient être plus parfaites... Alors pourquoi avais-je ce goût amer dans la bouche et cette boule dans l'estomac ? Secouant brièvement la tête, je chassais de mes pensées ce mauvais pressentiment. Mon loup s'agitait dans ma tête, furieux de mon approche lente. Il voulait en découdre, évacuer la rage que provoquait la présence de cet intrus sur son territoire. On bossait en équipe depuis deux-cent-trente ans tous les deux, j'étais d'accord avec lui.

Je tentai de l’apaiser en lui disant que ce n'était plus qu'une question de temps, qu'il connaîtrait bientôt le goût du sang du loup sauvage mais mon instinct n'avait jamais été très patient. Cette fois-là ne faisait pas exception.

À l'abri derrière un amas de rochers recouverts de mousse, Tad et moi observâmes le grand lycan au pelage noir face à nous. Comme je le pensais, il avait choisi de s’abriter sous la saillie rocheuse pour reprendre des forces.

Un Ulfark était facilement reconnaissable pour des yeux aguerris. Le regard fou et légèrement trouble, comme s'il ne voyait plus très clair, les babines humectées de bave et du sang de tout ce qui avait eu le malheur de croiser sa route, son corps lui-même portait les traces des morsures qu'il s'était infligées. Son comportement le trahissait au même titre que ces signes physiques.Il ne tenait pas en place, tournait en rond dans le périmètre réduit de la petit grotte, grognant sans raison après quelque chose d'imaginaire. Il n'était plus capable de distinguer le vrai du faux, le bien du mal.

Tad ferma les yeux tandis que sa mâchoire se crispait. Je savais ce qu'il se disait. C'était notre lot à tous pour peu qu'on atteigne un âge suffisamment avancé pour ne plus trouver d’intérêt à la vie. La façon perverse que la nature avait de remettre les choses à leur place. Ce qui vivait devait mourir un jour. Soit, aujourd'hui j'étais celui qui m'en occuperais.

Profitant d'un énième grognement de l'Ulfark, sans doute sur une hallucination, je sortais de ma cachette et approchait silencieusement dans son dos, suivit de près par Tad. L'idéal aurait été de lui tomber dessus sans qu'il ne s'en aperçoive, un coup de dent bien placé à la jugulaire et on n'en parlait plus. Mais tandis que je savourais déjà cette victoire facile, un petit animal, sans doute effrayé par notre approche, se faufila entre les feuilles mortes. Il n'en fallut pas plus pour attirer l'attention du loup sauvage déjà sur ses gardes. Putain de bestiole !

Les yeux noirs du lycan fou se braquèrent sur nous en même temps que ses babines se retroussaient sur ses crocs déjà rougis par le sang.

Mon loup se dressa contre les barrières de ma conscience, prêt à bondir à la moindre occasion.

Alors, sans plus d'avertissement, le lycan noir se jeta sur nous avec un grognement rageur. Je m'éjectai sur le côté pour l'éviter en priant pour que Tad ait eu la même présence d'esprit. Bordel, je détestait vraiment devoir me battre en équipe. Je savais que peu de loups étaient capables d'égaler ma vitesse mais du coup, je savais aussi que mon ami était moins rapide que moi. Heureusement, un simple coup d’œil m'apprit que l'Ulfark m'avait prit pour cible et tant qu'il s'occupait de moi, j'étais le seul potentiellement en danger. Après s'être durement ramassé sur le sol, mon adversaire se releva en une fraction de seconde et revint à la charge. Cette fois je n'allais pas l'éviter, je devais le tuer. D'un coup de patte puissant, je l'envoyai rejoindre le sol et l’assommai légèrement par la même occasion. Les choses seraient faciles. Le plus grand danger que représentait un Ulfark était aussi sa plus grande faiblesse. Il se fichait de vivre ou de mourir. S'il attaquait sans retenue et avec toute sa puissance, il en oubliait également de se protéger. Sa gorge, son abdomen... Tout était à découvert, j'avais l'embarras du choix.

Je me jetai sans attendre sur la partie charnue, à la base de son cou, si je visais bien, mes crocs s'enfonceraient dans ses muscles, jusqu'à l'artère, comme un couteau de boucher dans du beurre.

L'Ulfark se ratatina sur lui même et roula sur le coté sans même prendre appui sur ses pattes.

L'imprévisibilité de son mouvement me sonna presque autant que ma réception peu gracieuse sur le sol boueux de la forêt.

C'était quoi ce bordel ?

Mon hésitation ne dura que le temps d'un battement de cil mais elle fut suffisante au lycan pour me sauter dessus. Et ce bâtard ne faisait pas la moitié de son poids.

Sa mâchoire claqua à quelques centimètres de mon oreille tandis que je me débattais pour me remettre sur mes pattes. Bon sang, c'était pas passé loin.

Plantant mes griffes dans le sol terreux jonché d'aiguilles, je poussais sur mes pattes pour soulever le loup noir sur mon dos et retourner la situation à mon avantage, quand tout devint confus.

Tout à coup, le monde tangua devant mes yeux et le ciel et la terre se confondirent en une seule étendue diffuse. Il me fallut quelques secondes pour comprendre que ce n'était pas le monde qui s'entortillait sur lui même, mais moi qui roulait par terre sans plus rien contrôler.

Je finis par m'ancrer au sol à l'aide de mes griffes, juste à temps pour apercevoir qu'à plusieurs mètres de moi, le combat faisait rage entre l'Ulfark et Tad.

Merde ! Merde ! Merde !

Mon ami avait dû se jeter sur notre opposant alors qu'il était sur mon dos et le choc m'avait projeté au loin.

Secouant la tête pour combattre la sensation de tournis qui m'invalidait, je me relevais et évaluait la situation.

Si je me jetais dans la bataille, je risquais de distraire Tad et les conséquences pouvaient être sanglantes. D'un autre côté si je me contentais de regarder, rien ne m'affirmait que l'issue serait moins tragique.

Mais comme en réponse à mon questionnement muet, l'Ulfark profita d'une ouverture et saisit mon ami par la nuque.

La pression de la mâchoire d'un lycan n'est pas quantifiable pour la simple et bonne raison qu'aucun matériaux connu à ce jour n'a résisté à celle-ci.

Secoué comme un vulgaire morceau de viande entre les dents d'un chien enragé, Tad s'écrasa durement contre la paroi de la saillie rocheuse quand la peau de sa nuque céda sous la pression et se déchira. Il retomba mollement sur le sol, le corps brisé, la cambrure de son dos formant un angle improbable.

Ma vision se teinta de rouge, le rouge du sang qui s'écoulait des plaies de celui que je considérais comme mon meilleur ami.

Mon esprit s'effaça et se retrancha dans un coin de moi-même que j'étais le seul à connaître.

Devant mes yeux se déroulait un combat auquel je ne prenais plus part. Mon loup avait pris le dessus. En appui sur leurs pattes arrières, les deux lycans combattaient avec autant de rage l'un que l'autre, rendant coup pour coup, morsure pour morsure. Les forces paraissaient être équilibrées et rien ne pouvait présager de la victoire de l'un sur l'autre. Tad avait eu raison... J'avais souvent eu de la chance.

Eh bien qu'il en soit ainsi, cette fois ne ferait pas exception.

Lorsque je me transformais, mon esprit prenait possession du corps de mon loup, un corps que je connaissais bien et avec lequel j'étais à l'aise. Mais je devais bien avouer que ce n'était rien en comparaison de l'agilité avec laquelle l'esprit de mon loup se mouvait.

La fluidité, la rapidité, aucun geste superflu, son aisance au combat était magnifique, même d'un point de vue intérieur. Aucun loup n'était capable d'égaler ma vitesse... Sa vitesse.

Il lui suffit d'un moment, d'un tout petit moment d’inattention, à peine un contre-temps entre chaque coup de l'Ulfark et mon loup plaqua son adversaire au sol, prenant soin de bloquer ses pattes des siennes. Le moment était venu.

Mes pupilles se braquèrent sur le cou du loup sauvage, pile au niveau de sa jugulaire.

Dans un ultime sursaut de rage, l'Ulfark tenta de se dégager à l'aide de ses pattes arrières, mais mon loup tint bon, malgré la douleur lancinante qui s'épanouissait à présent dans notre abdomen.

Il fondit sur le pelage noir avec l'acharnement que confère la souffrance. L'Ulfark tenta jusqu'à la dernière seconde de protéger sa gorge et un nœud se noua dans la mienne. Un loup hors de contrôle ne se protège pas, jamais ! Il attaque et se moque de ce qui lui arrivera.

Les crocs de mon loup transpercèrent avec facilité le pelage et la chair, le goût cuivré du sang explosa sur ma langue et la lueur de folie s'éteignit finalement dans les pupilles du grand lycan noir. Et voilà, c'était fini.

Mon loup s'accorda un moment pour hurler son soulagement à la face de la lune. Sa tâche était accomplie, son territoire sauvé, sa meute hors de danger, il s'effaça alors et je repris possession du corps meurtri d'un loup épuisé.

Sans attendre, je me transformai. J'avais besoin de mes mains pour vérifier l'état dans lequel se trouvait Tad.

Faisant fi de mes multiples entailles, j'accourais auprès de mon ami et m'agenouillais dans la mare de sang qui s'étendait sous son corps mutilé. Sa poitrine se soulevait faiblement et ses yeux restaient obstinément fermés. C'était sans doute mieux ainsi.

Je baissai les yeux et constatai que le sang se répandait encore plus rapidement depuis que j'étais au coté de Tad. Je fronçai les sourcils, cherchant la plaie qui s'était aggravée à mon approche, remontant finalement le filet écarlate le long de mes genoux, de mes cuisses...

Je posai alors le regard sur la plaie béante qui s'étirait tout le long de mon ventre. Et comme si mes nerfs n'avait attendu que le signal que mes yeux envoyèrent à mon cerveau, la douleur me coupa le souffle aussi sûrement qu'un coup de bélier dans le plexus.

Je me rattrapai de justesse à la paroi de la grotte avant de m'effondrer sur Tad.

Bordel, je n'allais quand même pas me laisser aller pour une putain d'égratignure !

Je prenais quelques profondes inspirations et essayais de combattre l'envie de m'allonger à côté de mon ami pour lui tenir compagnie dans l'inconscience.

Je perdais beaucoup de sang et la blessure était trop profonde pour que mon pouvoir régénérateur s'en occupe seul.

Je n'avais pas non plus trente six solutions. Soit je restais là à attendre une aide qui n'arriverait peut-être jamais, soit je me bougeais le cul et nous sortaient, Tad et moi, de cette merde sans nom qu'était notre situation.

Puisant dans ce qui me restait de courage, je passais un bras sous l'abdomen distordu de Tad et le chargeait sur mes épaules. Putain, dans mes meilleurs jours, je pouvais soulever un 4x4 d'une main et siroter une tasse de café de l'autre, sans en renverser. Mais pour ce que j'en savais, Tad aurait tout aussi bien pu se transformer en tank blindé entre le moment où je l'avais soulevé du sol et celui où il avait atterri sur mes épaules.

Je poussai un grognement venu du tréfonds de mes tripes alors que je me relevais avec la lenteur d'un escargot sous Prozac.

Le problème justement avec mes tripes, c'était qu'elles se trouvaient en plein courant d'air et que je craignais qu'elles fassent une rencontre inappropriée avec le sol si je cessais d'obstruer la plaie de mon ventre avec mon bras libre.

Je me répétais comme un mantra que ce n'était pas grave, comme si le simple fait de le penser encore et encore allait rendre notre situation moins merdique.

J'essayais de ne pas prêter attention aux visages qui s'imposaient dans mon esprit, ceux de mes amis que j'avais perdus tout au long de ma vie, ceux qui avait comptés pour moi et qui était tous morts par ma faute... toujours par ma faute. On aurait pu croire que ça m'aurait servi de leçon. Pourtant, une fois de plus, mon ami risquait d'y passer à cause de moi, de mon orgueil.

Seulement, il y avait un facteur auquel je m'accrochais et qui me poussait à avancer, un pas après l'autre... Lucy !

Si je parvenais à nous mener à elle, peu importaient les lésions, la gravité des blessures, l'inéluctabilité présumée de notre état, Lucinda Walker, nous sortirait de ce pétrin.

Cette certitude me fit tenir tant qu'il me restait la plus petite once de force, mais pour finir je m'effondrai durement contre un arbre déjà partiellement déraciné.

Tad glissa de mes épaules sans que je ne puisse esquisser le moindre geste pour le retenir. Il ne broncha même pas. J'ignorais même s'il était encore vivant.

Le cul posé dans la terre humide, le dos contre le tronc d'un arbre de cette forêt que j'aimais tant, je levai les yeux pour observer le ciel à travers les branches des pins gigantesques. Finalement ce n'était pas le pire des endroits pour mourir, au moins j'étais chez moi. Des mois plus tôt j'avais cru que mon compte était bon alors ce petit sursis avait été un bonus assez sympa, et ma vie avait été très longue, je n'avais pas à me plaindre. Mais dans ce cas, pourquoi tant de regrets accablaient-ils mes pensées ?

Pourquoi n'avais-je pas insisté pour que Tad retourne auprès des autres ? Avais-je passé suffisamment de temps avec ceux qui comptaient pour moi ? Michael qui avait tant fait pour moi ? Lucy qui avait apaisé mon âme de bien des façons ? Félicia qui me traitait comme un fils plus que comme un patron ? La meute qui m'avait tendu les bras quand tout le monde me tournait le dos ? Julian...

 

Ses grands yeux bleus dansaient devant moi, eux que j'avais si souvent surpris sur moi.... Un sourire étira mes lèvres tandis que mes paupières se fermaient. L'obscurité apaisante m'engloutit et au loin... un loup hurla sa rage et sa frayeur.

 

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 19:10

Un petit attroupement se formait à présent autour des trois lycans passablement sur les nerfs. En général, les loups dominants, et spécialement ceux qui sont énervés, sont plutôt à éviter. Alors se trouver en présence de trois d’entre eux… La logique aurait dû me faire prendre mes jambes à mon cou. Je sais que je me répète mais quoi qu’en disent mes détracteurs, je suis bel et bien aussi fragile que n’importe quelle humaine. Pourtant au fur et à mesure que la population lycane augmentait autour du trio, j’étais obligée de me rapprocher pour assister au conflit qui semblait inévitable.

Une part de la femelle alpha que j’étais me criait d’embarquer mes deux loups sous le bras et de me tirer en quatrième vitesse loin de tout affrontement. Mais une autre part de moi s’insurgeait contre la tentative de Zane de s’approcher de trop près de Julian. Quant à mon instinct de survie… Il se foutait totalement du reste tant que je ne cherchais pas réellement à soulever deux lycans deux fois plus lourd et beaucoup plus grand, à bout de bras. Mon instinct de survie est pragmatique, lui.

Bon, ça faisait deux voix pour l’inaction. Je décidais donc que puisque j’allais gentiment me tenir à l’écart de tout ça, autant assouvir la curiosité malsaine qui nous caractérise tous. Certains se gaveront de TV réalité, d’autre épieront la vie de leur voisin à coup de télescope acheté dans le but originel louable d’observer la splendeur de la voie lactée. Moi j’assiste à des prises de bec de loups garous jaloux.

Chacun son vice.

Je me rapprochais donc furtivement de la patinoire où se déroulait l’action. Ma petite taille aidant, je me faufilais sous les bras, entre les corps massifs, à la faveur d’un léger mouvement de foule. Bientôt propulsée par un énorme lycan au crâne rasé, contre la barrière de la surface glacée, je me retrouvais aux premières loges du spectacle.

Je ne les avais pourtant perdus de vue que quelques instants mais déjà, la tension semblait être montée d’un cran. Tant et si bien que Julian se trouvait à présent entre les deux lieutenants, une main posée sur le torse de chacun d’entre eux, essayant de les maintenir à une distance raisonnable l’un de l’autre. Les mains accrochées à la rambarde, je trouvais quelque chose de jubilatoire à voir l’un de mes loups revendiquer ce qui était sien, même s’il s’en défendait ouvertement d’habitude.

Van fixait à présent, d’un œil enragé, la main de Julian posée sur le torse de Zane. Le grognement qui montait de ses tripes et s’épanouissait dans sa gorge aurait dû dissuader Julian de la laisser à cet endroit. Pourtant, un air de défit sur les traits, le lycan conservait la même posture et semblait même s’en amuser.

- Recule ! Gronda mon ami en reportant son attention sur l’autre lieutenant.

- Sinon quoi ? Répondit l’intéressé sur le même ton. Tu vas me montrer de quoi tu es capable ? Ça tombe bien, ça fait un moment que j’ai envie de me frotter au bourreau de Salem.

Un rictus cruel étira les lèvres de Van.

- Tu vas bientôt découvrir par toi-même pourquoi on m’a affublé de ce surnom. Et si la vie te pèse à ce point, c’est avec plaisir que j’y mettrai fin.

- Allez ça suffit les gars. Se décida finalement à intervenir Julian. Chacun retourne dans son coin et on n’en parle plus.

- Parfait ! S’exclama Zane en empoignant fermement le bras du jeune lycan.

- Je ne crois pas non. Rétorqua Van en passant son bras autour des épaules de son protégé. Julian est sous ma protection. Tu ne poses pas tes sales pattes sur lui.

J’écarquillai les yeux en constatant la couleur atypique que venait de prendre les pupilles du loup de Portland ; un violet profond presque noir comme celui de la myrtille. Et le contraste entre cette obscurité et la clarté habituelle de son regard était saisissant. L’hétérochromie avait disparu en même temps que le loup faisait surface, il n’était pas prêt à céder du terrain.

La réaction de Van ne se fit pas attendre. Se dressant de toute sa hauteur, mon ami ancra ses yeux parsemés de pépites dorées dans celles de son adversaire.

- Ton emprise sur lui ne s’étend pas au-delà des limites de ta meute on dirait. C’est à peine si je sens ton odeur sur lui. Grogna Zane d’une voix menaçante. Lorsque j’en aurai fini avec lui, non seulement ce ne sont pas que mes pattes que j’aurais posées sur lui mais je l’aurai tellement imprégné de moi que tu ne reconnaîtras même plus son parfum naturel.

La tête de Julian, jusque-là dirigée vers Van, pivota au ralenti pour faire face au lieutenant de Raphaël. Ses yeux étaient si écarquillés que je m’étonnais qu’ils ne sautent pas tout simplement de leur orbite à la manière d’un autre loup bien connu de dessin animé.

Van eu tout juste le temps d’esquisser un petit sourire et de marmonner un « Grosse erreur » à l’adresse de son opposant. La main gauche de Julian se détacha du torse de mon lieutenant et resta en suspension dans l’air un court moment, à peine le temps pour lui de rassembler ses doigts en un poing meurtrier qui atterri la seconde d’après sur le nez de Zane.

Le loup fut projeté au bord opposé de la patinoire comme un vulgaire pantin désarticulé et s’affala contre la rambarde. Alors, comme si le crochet de Julian avait été un signal mystérieux, un concert de hurlements et de sifflements s’éleva partout autour de moi. La totalité des loups de l’immense salle s’agitèrent et se bousculèrent. Les coups de poings se mirent à fuser, certains corps se couvrirent de fourrure tandis que des lambeaux de vêtements volaient de toute part, accompagnés du bruit infernal des coutures qui se déchiraient.

Pliée en deux contre la barrière de la patinoire, je regardais avec fascination la débâcle qui se jouait à quelques centimètres de moi. Une petite voix dans ma tête résonnait et m’exhortait à m’enfuir aussi vite que possible. Et pourtant je n’avais qu’une envie, celle de prendre part à la bagarre générale. C’était de la folie, je le savais, mais à cet instant je m’en fichais totalement. Et mon regard se posa sur Angélique qui, accoudée à la rambarde à plusieurs mètres de moi, observait les affrontements avec intérêt. Un mince ruisseau se mit alors à serpenter sur la patinoire. Mon filament incandescent changeait la glace en eau chaque fois qu’il entrait en contact avec celle-ci et sa destination ne faisait aucun doute. J’allais atteindre l’odieuse louve d’un instant à l’autre. Mon filament s’enroulerait autour de ses chevilles, sectionnant instantanément la peau, les muscles, les os… J’en jubilais d’avance. Encore une seconde, une toute petite seconde et…

Soudain, je manquai d’air et j’étais soulevée du sol avec autant de facilité qu’une plume. Mon filament ricocha contre la glace avant d’avoir pu atteindre sa cible et des litres d’eau glacée s’abattirent sur la louve… Un moindre mal en comparaison de ce qui lui était destiné à l’origine. Ma meute se plaisait à appeler mon pouvoir offensif « le fouet de l’enfer », mais en fait de fouet, il s’agissait plutôt d’un élastique que je pouvais tendre à ma guise. Privée de l’inflexion de ma volonté, le filament se rua à l’intérieur de moi, à sa place habituelle, accentuant un peu plus mon manque d’oxygène.

Entre deux hoquets de stupeur, le brouillard de mes pensées s'estompa suffisamment pour reconnaître la noirceur de ces cheveux hirsutes que je connaissais si bien.

- Putain mais tu nous fais quoi là ? Et c'est quoi ce bordel ? S'égosilla Van à quelques centimètres de mon tympan.

Slalomant entre les combats disséminés un peu partout autour de la patinoire, il m'emportait vers la sortie, un bras fermement resserré autour de ma taille, et tirant Julian par le col de son maillot de l'autre.

Trimbalée sans ménagement d'un côté puis de l'autre, je ne m'aperçus qu'au dernier instant qu'un poing au moins aussi gros que ma tête s’abattait sur nous. Un crac significatif se fit entendre alors que j’étais projetée en arrière, toujours maintenue contre le torse de Van qui devait à présent avoir la mâchoire brisée.

- Van... ? Van, tu vas bien ? Haletais-je en essayant de me redresser pour constater les dégâts.

Des frémissements parcoururent ma colonne vertébrale au moment où le grognement rageur de mon lieutenant s'élevait de sa poitrine pour surgir dans sa gorge.

Je reportai immédiatement mon regard sur le grand lycan au crane rasé qui m'avait poussée un peu plus tôt et qui venait de nous attaquer sans raison apparente.

Van marmonna quelque chose d'inintelligible et je me retrouvais projetée dans les bras de Julian qui s'agita, visiblement mécontent de devoir rester en arrière.

Mon ami se releva prestement en frottant sa mâchoire douloureuse, une lueur dangereuse dans ses yeux fixés sur l'attaquant.

J'écarquillais les yeux en détaillant le corps de notre opposant. Les muscles tendus à l’extrême, sa peau se parcheminait d'un pelage brun avant de disparaître presque immédiatement, pour revenir finalement la seconde d'après. Ses yeux passaient du noir au bleu sans un clignement de paupière et la morphologie de son corps oscillait de la forme humaine à une courbure des épaules caractéristique d'un début de transformation. Ce lycan était la personnification même de l'instabilité.

Van gronda entre ses dents serrées mais le sens du mot m'échappa complètement.

Julian resserra ses bras autour de ma poitrine au point de presque m’étouffer alors que Van se ramassait sur lui même et s’apprêtait à attaquer.

C'est alors que les poils de mes bras se dressèrent, et que le silence le plus complet s’abattit sur la patinoire.

La moitié des loups encore vigoureux une seconde plus tôt s’effondrèrent par terre au même moment, tandis que la plupart de ceux restant s'agenouillèrent les uns après les autres, avec plus de maîtrise que les premiers mais néanmoins sans douceur. Van fut l'un des derniers à poser genoux à terre alors que le lycan au crâne rasé semblait toujours lutter pour rester debout.

La silhouette gigantesque de Lawrence apparut d'un coup derrière lui et notre adversaire s'effondra tête la première au sol.

Entraînée par Julian, je n'avais eu d'autre choix que de m'agenouiller moi aussi et c'est avec bonheur que j’accueillis les bras que mon compagnon me tendait la minute d'après.

- Comment ? Rugit la voix de Raphaël, brisant finalement le silence nouvellement présent dans la salle. Que quelqu'un m'explique la raison de ce bordel !

- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Me demanda Michael, braquant sur moi ses pupilles bleutées striées de petits éclairs blancs, signe indiscutable qu'il faisait usage de son pouvoir d'alpha en ce moment même... Au cas où les dizaines de loups à genoux m'auraient échappée.

- Je l'ignore. Gémis-je en fronçant les sourcils. Une minute tout semblait sous contrôle et la seconde d'après... Je ne sais pas, c'est comme si tout le monde avait attrapé la rage.

Raphaël gronda à quelques mètres de nous, bientôt accompagné par les autres alphas qui s'informaient auprès de leurs lieutenant respectifs.

- Je pense qu'il serait judicieux d’interrompre le tournois pour aujourd'hui. Intervint Carson dont le regard brillant de colère se posait par intermittence sur chacun des loups de sa meute qui avait le malheur de se trouver à sa portée.

- Je suis d'accord. Approuvèrent Lawrence suivit de Graham.

Michael et Raphaël échangèrent un coup d’œil approbateur.

- Qu'il en soit ainsi. Trancha mon compagnon. Chacun des loups devra rejoindre son quartier de la ville sans accrochage d'aucune sorte. J'instaure le couvre-feu pour ce soir. Et nous discuterons du maintien ou non du tournois un peu plus tard.

Aucun des alphas présents ne discuta l'autorité de Michael, il était sur son territoire, ses décisions faisaient lois.

L'une après l'autre, les meutes quittèrent la patinoire dans un calme monastique à l'opposé des événements qui avaient eus lieu quelques instants plus tôt. Aucun loup ne broncha mais Van observa attentivement le lycan au crâne rasé désormais inconscient, quand Lawrence le chargea sur son épaule comme s'il ne pesait rien.

 

- Et pourquoi aucun de vous deux n'avez cherché à l'en empêcher. Aboya mon compagnon à l'adresse de ses deux premiers lieutenants.

Je sursautais pour la quatrième fois en cinq minutes et ça commençait à me taper sur les nerfs. Encore une fois je tentai de chasser la voix de Michael de mon esprit et me concentrai sur la mâchoire de Van que je tentais de guérir.

Après avoir constaté que les blessures de ses loups étaient sans gravité, Michael avait insisté pour rentrer immédiatement. Le trajet s'était fait dans le silence le plus total. Mais comme je m'en doutais, il ne s'agissait là que du calme avant la tempête. Les lieutenants avaient reçu l'ordre de nous accompagner et la fureur de leur alpha se déchaînait à présent sur eux.

- Je dois pouvoir compter sur vous quand je m'absente, vous avez le rôle de protéger la meute quand je ne suis pas là et d’étouffer dans l’œuf les conflits évitables. Bon sang, vous le savez bien pourtant.

La mâchoire de Van se crispa et je n'y étais pour rien.

Mon ami se leva de la chaise en face de la mienne, sa patience visiblement à bout et gronda.

- Oui eh bien, ce n'est pas en m’interrompant toutes les cinq secondes que ça va aller plus vite. M'agaçai-je. Alors pose ton cul sur cette chaise et laisse-moi te soigner, ensuite tu donneras ta propre version des faits à ton alpha.

Le lieutenant se rassit à contrecœur en marmonnant entre ses dents serrées.

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, il se frottait le menton en mimant exagérément toutes les voyelles de l'alphabet.

- Putain c'est pas trop tôt ! S'exclama-t-il finalement. J'ai cru que tu n'allais pas y arriver cette fois-ci. Tu te ramollis ma vieille !

- Oh la ferme ! Tu crois peut-être que c'est facile ! Me défendis-je. J'aurais dû te laisser guérir tout seul, au moins tu l'aurais bouclée jusqu'à demain.

- Tu sais bien que tu te mens à toi même, tu aimes beaucoup trop le son de ma voix.

- Ah non, là tu confond avec toi. C'est toi qui aime t'écouter parler.

- Van ! Aboya mon compagnon. Ramène-toi ici, tu as des explications à me fournir, et elles ont intérêt à être bonnes.

Le visage de mon ami se para immédiatement de l'expression sérieuse des deux autres lieutenants.

Pour une raison que j'ignorai, comme à peu près tout ce qui concernait mon propre pouvoir, je n'avais plus besoin de filer sous l'eau lorsque je guérissais Van. Je n'allais pas m'en plaindre. Je ne pouvais qu'émettre l'hypothèse selon laquelle la partie de mon aura que je lui avais transmise accentuait mon pouvoir de guérison. En tout cas, cet état de fait m’arrangeait bien à ce moment précis. Je n'aurais pas apprécié de rater la discussion à venir pour une chose aussi triviale qu'une douche.

Je suivais donc le lieutenant jusqu'à la portion du salon qu'occupaient Michael, Nathan et Thomas.

M'affalant dans le canapé, je prenais conscience des événements mouvementés de la journée et de la fatigue que chacun d'eux avait engendré.

Bon sang, le tournois devait durer une dizaine de jours, à ce rythme j'allais finir sur les rotules.

- Bon, maintenant que tu peux parler, j'attends que tu m'expliques ce qu'il s'est passé. Reprit Michael avec colère.

Mon regard passa de l'un à l'autre et j’espérai de tout cœur que le lieutenant aurait la présence d'esprit de faire profil bas.

- Je me suis contenté de remettre le lieutenant de Raphaël à sa place, et je te rappelle que Julian est toujours sous ma protection, que j'étais dans mon droit.

Bon ça partait mal...

- Ne pousse pas trop ton avantage mon ami. Gonda mon compagnon, dont les pupilles se parsemaient dangereusement de pépites bleutées. Tu as provoqué une bagarre générale entre cinq meutes de lycans. Tu peux t'estimer heureux que les dégâts soient si minimes.

- Je n'ai rien provoqué du tout. Asséna Van. J'ignore ce qu'il s'est passé mais mon altercation avec Zane n'était qu'une broutille, ça n'aurait pas dû dégénérer comme ça.

- Van a raison. Intervint Nathan. Je n'ai pas d'explication à ce phénomène mais... Pendant leur querelle la foule était exaltée certes, mais sûrement pas violente.

- Attendez ! Dis-je en me levant. Je ne suis pas complètement d'accord. Quand vous vous disputiez Zane et toi, personne n'a ressentit l'envie de les voir en venir aux mains ?

- Eh bien... Si mais... Nous sommes des loups, les conflits ont tendance à nous exciter, ça n'a rien d’exceptionnel. C'est le fait qu'on soit capable de contrôler ce sentiment qui fait de nous des loups « civilisés ». Expliqua Nathan.

- D'accord, mais moi qui suis humaine, ce genre de conflit me fait fuir généralement, sauf que là, j'étais dans le même état que vous.

Michael fronça les sourcils en m'attirant contre lui.

- Un tel changement fondamental au niveau de ton instinct ne peut pas s'expliquer par le lien qui nous lie, amour.

- Je suis d'accord. Murmurai-je. C'était différent, comme une voix qui chuchotait dans ma tête.

- Et la bagarre générale n'avait pas un schéma habituel non plus. Intervint Thomas pour la première fois.

Je fronçai les sourcils en cherchant à comprendre comment quelque chose d'aussi désordonner et imprévisible qu'une bagarre générale pouvait avoir un schéma habituel.

- Lorsqu'une bagarre se propage, le mot clé c'est justement « propage ». M'expliqua le deuxième lieutenant. D'abord un premier foyer localisé éclate, puis il déborde et englobe petit à petit de plus en plus de monde jusqu'à atteindre la totalité des personnes présentes. Mais dans ce cas...

- Dans ce cas les combats ont éclaté partout exactement au même moment. Finis-je à sa place.

Les trois lieutenants acquiescèrent en cœur.

Michael se frotta le menton d'un air soucieux en resserrant sa prise autour de mes épaules.

- D'accord, vous pensez à quelque chose en particulier ? Une attaque extérieure ?

- C'est une possibilité, après tout, presque tous les loups de l'état étaient réunis dans cette patinoire, c'est une sacrée tentation pour un ennemi. Allégua Nathan.

- Un ennemi... Les vampires ? Gémis-je sans pouvoir retenir un frémissement.

- Non. Gronda Van. Les vampires attaquent de front, ils n'utilisent pas ce genre de ruses parce qu'ils ne pourraient pas s'en vanter par la suite. J'opterai plutôt pour... De la magie.

- Tu es sérieux ? Demandai-je à mon ami alors qu'un silence pesant se prolongeait.

- Et pourquoi pas ? Répondit Van en haussant les épaules. Tu guéris par la pensée et tu es capable de contrôler un fouet invisible et incandescent. Et repense à Sorcha, elle pouvait manipuler les éléments à sa guise.

Une moue dégoûtée passa sur le visage des loups comme chaque fois qu'il était fait mention de la fille du précédent Maître des vampires du coin.

- Et souviens toi du sort que le Maître m'avait lancé, amour. Celui qui lui permettait de savoir où j'étais chaque fois qu'il le désirait.

Je grimaçai à l’évocation de ce mauvais souvenir.

- Bon ok, de la magie donc. Mais si ce ne sont pas les vampires alors qui aurait intérêt à s'attaquer à la majorité de la population lupine de l'Oregon ?

- Je ne sais pas mais qui que ce soit sa magie est assez puissante pour transformer des loups en pleine possession de leur contrôle en Ulfarks. Asséna Van.

L'alpha et ses lieutenants se figèrent complètement.

- Qui a parlé d'Ulfarks ? Gronda mon compagnon. Les loups se sont tous contrôlés à notre arrivée.

Van braqua son regard sur moi comme dans l'attente de quelque chose.

- Pas tous. Lâcha-t-il. Toi aussi tu l'as vu Lucy, n'est-ce pas ?

- Attends, je ne sais pas ce qu'est un Ulfarks, et je ne suis pas sûre de comprendre ce que tu veux dire.

- Un Ulfarks et un loup qui a perdu le contrôle total de son instinct. Il n'est plus capable de raisonner. C'est le terme qu'on utilise entre nous pour désigner les loups qui deviennent sauvage. M'expliqua Thomas.

Je fronçai les sourcils en comprenant finalement où Van cherchait à en venir.

- Le loup qui nous a attaqué. M'exclamai-je. Celui au crâne rasé. Il n'a pas répondu aux pouvoir des alphas quand vous êtes entrés dans la salle, et je ne sais pas ce que Lawrence lui a fait mais il a dû l’assommer ou quelque chose comme ça pour le calmer.

- Il ne contrôlait plus sa transformation, Michael. Continua Van. Il oscillait d'un état à l'autre en permanence. J'ai combattu assez d'entre eux pour le reconnaître, ce loup était en train de devenir sauvage.

Mon compagnon crispa ses doigts autour de mes bras.

- Bordel, pourquoi tu ne l'as pas dit tout de suite ? Gronda-t-il en attrapant son portable. Tu as bien dit que c'était un loup de Lawrence ? J’espère qu'il a fait le nécessaire.

Je l’espérai aussi à vrai dire. J'avais entendu parler des dégâts que ces « Ulfarks » pouvaient provoquer et ça ne me rassurait pas d'en savoir un dans la nature au milieu de ma ville. Il la ravagerait si personne ne l'arrêtait. Malheureusement, le poing rageur que Michael envoya dans le mur après quelques secondes de conversation téléphonique ne m'inspira rien de bon.

 

Et déjà les lieutenants se déshabillaient derrière moi tandis que Michael essayait de contacter les autres alphas... La chasse était ouverte.

 

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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 13:08

Bon et maintenant par quoi devais-je commencer ?

J’avais l’embarras du choix et un paquet de gens à aller voir, en commençant par mon patient qui avait presque faillit perdre sa tête.

Je balayai la grande salle à la recherche du lycan de Crater Lake, sans doute assis ou même, de préférence, allongé et en train de récupérer.

Apparemment, le match était terminé depuis quelque temps. Les joueurs arborant toujours leur maillot, étaient sortis de la glace et recevaient des reproches pour certains et des félicitations pour d’autres.

Visiblement, le coup dur qui était arrivé à leur partenaire avait suffisamment motivé l’équipe rouge pour les mener à la victoire.

J’espérais donc trouver Ethan aux abords de l’attroupement qui s’était créé autour d’eux quand mon regard capta celui de Raphaël qui discutait non loin avec Carson. Je le vis prendre congé rapidement et venir à ma rencontre. L’instant d’après, les mains chaudes de mon compagnon se posaient sur mes épaules, me rappelant agréablement sa présence à côté de moi.

- Lucinda ! M’apostropha l’ancien alpha de Michael. C’est un sacré spectacle auquel nous avons eu droit.

Je caressai un instant le secret espoir qu’il parle du match et non de ma petite démonstration magique.

- Eh bien, il faut avouer que le hockey lycan n’a pas grand-chose à voir avec son homologue humain.

Raphaël me gratifia d’un sourire indulgent.

- Vous êtes une jeune femme des plus intéressantes. Commença-t-il. Je paierai cher pour savoir ce qui se passe dans votre tête.

- Vous parliez à Carson à l’instant. Embrayai-je immédiatement, ne tenant pas à m’étendre sur le sujet de mes pensées. Vous a-t-il donné des nouvelles d’Ethan par hasard ?

- Oui en effet, je m’informais justement à ce sujet avant votre arrivée. Votre absence a duré assez longtemps. Dit-il en regardant Michael avec une lueur d’amusement dans les yeux. Toujours est-il que vous avez fait des miracles, Ethan se porte comme un charme et se repose dans l’une des pièces mises à disposition pour les blessés.

- Je suis heureuse de l’apprendre. Dis-je en me tournant vers mon compagnon qui m’avait sciemment caché l’existence de ces pièces. Celui-ci se contenta d’hausser les épaules et reporta son regard sur Raphaël.

- Ethan est le deuxième lieutenant de Carson, son absence ne va pas poser problème durant notre réunion ? S’enquit Michael de façon détachée.

- Il m’a assuré que tout irait bien et je suis certain qu’on peut lui faire confiance.

Après les matchs, les alphas devaient se retrouver lors de réunion au sommet, l’occasion de régler les problèmes territoriaux mais aussi de comparer leurs expériences et la façon que chacun avait de traiter certains problèmes au sein de leur meute… Une sorte de G8 à la mode lycan.

Et bien sûr durant l’absence de leurs chefs de meute, l’autorité revenait aux lieutenants en charge de s’assurer que les esprits ne s’échauffent pas.

Bon, il était temps pour moi de laisser les alphas entre eux. J’avais d’autres préoccupations en tête et je n’avais pas envie de participer à ces conversations ennuyeuses purement politiques.

- Pourrez-vous m’excuser auprès de Lori pour mon départ précipité tout à l’heure ? M’adressai-je à Raphaël en profitant d’une pause entre les deux alphas.

Les yeux de celui-ci s’illuminèrent immédiatement.

- Bien sûr. Elle était d’ailleurs ravie de vous avoir rencontrée.

- C’était réciproque. Rencontrer la compagne d’un autre alpha est sans aucun doute une expérience qui me sera profitable. Lançai-je avec une pointe d’humour dans la voix.

Mais, visiblement, mon humour ne fit pas mouche à cet instant. Le regard du lycan s’assombrit et ses traits se crispèrent légèrement. Il était temps pour moi de sonner la retraite.

- Je vous laisse à vos pourparlers messieurs. Enchainai-je donc immédiatement.

Les mains de Michael quittèrent mes épaules pour glisser le long de mes bras en une dernière caresse. Je me tournai pour déposer un rapide baiser sur ses lèvres et adressai  un signe de tête à Raphaël avant de m’éclipser rapidement. Plus loin la silhouette familière de Van sembla m’attirer comme un papillon de nuit vers une flamme. Mes pensées se tournèrent instantanément vers mon ami à qui je devais encore des excuses. J’espérai que je n’allais pas m’y brûler les ailes.

Adossé à l’un des murs, les bras croisés et le regard sombre fixé sur un point au loin, Van n’avait pas l’air dans son état normal.

Sa solitude m’inquiétait.

Le lieutenant n’était habituellement jamais seul. J’avais pu remarquer au cours de ces derniers mois comme il détestait l’isolement et son attitude chaleureuse poussaient bon nombres de loups à chercher sa compagnie. Alors cette morosité ne lui ressemblait pas.

Arrivée à sa hauteur, je m’adossai au mur à côté de lui, mimant inconsciemment sa position.

Cherchant mes mots, je pris quelques secondes avant de m’adresser à lui. Il en profita pour intervenir avant que j’ouvre la bouche.

- On va pas en faire toute une histoire Lucy, ok ?

- Tu ne m’en veux pas ? Demandai-je en me tournant vers lui.

Son regard se fit plus chaleureux alors qu’il le posait sur moi.

- On va dire que je m’attendais à un truc comme ça un de ces jours. Il y a des choses que toi seule sait par la force des choses. Mais puisqu’on ne peut rien y changer, ça ne sert à rien de revenir là-dessus.

J’écarquillai les yeux sous le choc de ses propos.

- Tu es drogué Van ? D’où te vient une telle sagesse ?

- Espèce de peste ! S’exclama-t-il en passant son bras autour de mon cou pour attirer ma tête dans son giron, avant d’ébouriffer mes cheveux. Je poussais de toutes mes forces, les mains à plat sur son ventre, dans l’espoir de me libérer… sans résultat bien sûr.

La grande main de mon ami finit par s’immobiliser sur ma tête et son étreinte se relâcha un peu, assez pour me permettre de me redresser. Il me tenait toujours contre lui par contre.

- Tu ne t’en fiches pas vraiment de ce que Julian pense de toi, n’est-ce pas ?

Ma bouche avait une fois de plus laissé sortir les mots tout seul.

- Bien sûr que si. Répliqua Van en relevant le menton.

- D’accord, alors arrête de le fixer comme ça.

- Je ne le fixe pas. Et d’abord tu ne peux pas voir ce que je fixe ou non dans ta position.

- C’est ça oui ! Lui lançai-je avec incrédulité. Donc dans une minute, quand Zane, que je vois s’approcher de Julian en ce moment même, va le rejoindre, je ne vais pas sentir tes muscles se crisper, ni ta respiration s’accélérer.

Le lieutenant me relâcha complètement et croisa les bras sur son torse.

- Je m’en branle si tu veux tout savoir.

Je secouai la tête sans pouvoir retenir un petit sourire. La mâchoire de mon ami se contractait un peu plus à chacun des pas qui menaient Zane à Julian.

- Tu es allé le voir au moins ?

- Pour quoi faire ? Il a menacé une louve d’une autre meute, je l’ai empêché de faire une connerie. C’est mon rôle de lieutenant, je n’ai pas à m’excuser.

Ça, c’était un choix de mot intéressant.

- Qui a dit que tu devais t’excuser ? Demandai-je d’un air innocent. Ou peut-être que tu te sens coupable de l’avoir frappé.

- Et peut-être que tu devrais aller fourrer ton nez dans les affaires de quelqu’un d’autre. Gronda Van en serrant les poings.

Zane avait à présent rejoint le jeune lycan et retenait toute son attention.

- Peut-être que tu devrais lui expliquer, Van. Repris-je d’un ton plus doux. C’est un peu confus dans ma tête mais ta transformation n’est pas un accident n’est-ce pas ?

Le lieutenant soupira en détournant les yeux de la scène qui avait capté notre attention un peu plus tôt.

- D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été au courant de l’existence des vampires. Et le peu de fois où j’ai aspiré à la quiétude ou à l’oubli, ils se sont rappelés à moi de la façon la plus brutale qui soit. Lâcha-t-il soudain. Quand on naît dans ma famille, on passe sa vie à se cacher ou à s’enfuir.

Je me tournais légèrement vers lui, il avait toute mon attention.

- J’ai toujours su qu’en tant qu’humain du clan des Helsing, s’ils me rattrapaient, je n’aurais aucun moyen de me défendre. J’étais un gamin plutôt dégourdi, je ne restais jamais très longtemps au même endroit mais je savais que ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils me trouvent.

- Mais tes parents… ? Demandai-je timidement.

Les paupières de Van s’abaissèrent et ma gorge se noua.

- Ils ont été… Je les ai perdus quand j’avais treize ans. J’ai dû me débrouiller pour survivre après ça.

Je fronçai les sourcils, un enfant, seul, livré à lui-même, deux-cent-cinquante ans plus tôt… Je n’arrivais pas à imaginer la terreur qu’il avait dû ressentir. Ses parents lui avaient-ils fourni les moyens nécessaires à sa subsistance ? Je serrai les dents tandis que ma vision se teintait de rouge. La peur nouait mes entrailles et je devais faire un effort pour me maintenir debout alors que je ne rêvais que de me recroqueviller dans un coin. Je reconnus la sensation sans pouvoir m’en défaire. Le souvenir appartenait à Van. C’était emmêlé et confus mais les émotions étaient puissantes et m’envahissaient complétement. Il y avait du sang, du sang partout, le feu qui ravageait tout, le cri d’une femme à côté de moi. Mes oreilles bourdonnaient mais les mots s’imprimèrent finalement dans mon cerveau alors qu’elle les chuchotait à mon oreille. « Cours Vanniel, cours et sauve ta vie… »

 Les secousses qu’imprima le lieutenant sur mes épaules me ramenèrent brutalement à la réalité.

- Hé Lucy ! Tu m’entends ? Demanda-t-il en paniquant.

- Ça va, je… Désolée tu disais quoi ?

- Bordel mais c’était quoi ça ? Tu t’es figée et ton regard était complétement vide.

Je posais mes mains sur celles de Van, toujours sur mes épaules, dans l’espoir de l’apaiser.

- Rien ! Ce n’était rien. Le rassurai-je en tapotant ses doigts. Continue, je t’écoute.

Le lycan s’adossa à nouveau contre le mur en soupirant profondément.

- Quand j’ai décidé que je devais pouvoir me défendre, j’ai cherché une meute pour me transformer et c’est sur celle d’Angélique que je suis tombé. Enchaina-t-il en reposant son regard sur Julian. J’ai fait ce qu’il fallait pour m’assurer qu’elle me transforme et dès que j’en ai eu l’occasion j’ai quitté l’Europe sans me retourner. Et tu connais la suite. Les meutes, les trahisons, la fuite… Finalement les choses n’avaient pas tellement changé, mais au moins je pouvais me défendre.

- Alors toi aussi tu as voulu ta transformation, comme Thomas. Constatai-je en réfléchissant aux implications de cette révélation. J’avais toujours mis la douceur du loup de Thomas sur le compte de son choix, de l’acceptation du lycan en lui, avant même que la magie ne soit implantée dans son cœur. Pourtant le loup de Van, n’était en rien comparable. C’était un combattant dans toutes les fibres de son être, un prédateur létal fait pour tuer.

- Je l’ai choisi c’est vrai, mais pas pour les même raisons. C’est l’amour qui a motivé le choix de Thomas. Moi c’est la peur, la haine et la souffrance qui ont engendré mon loup.

Un petit sourire étira mes lèvres alors que je me remémorais les souvenirs que j’avais de l’énorme lycan roux, mes propres souvenirs cette fois-ci.

Michael m’avait expliqué que sa réputation était celle du croquemitaine version lycan, un tueur sans foi ni loi, un exécuteur dénué de pitié. Pourtant, il s’était révélé pour moi un allié précieux dans les moments de crises, allant jusqu’à me prendre sur son dos. Il était joueur, parfois taquin, mais savait aussi montrer de la tendresse envers ses compagnons de meute. Et je me souvenais aussi de cet instant terrible, lorsque j’avais ramené Van à la vie. Cette nuit-là, j’avais senti le loup réintégrer le corps sans vie de mon ami. J’avais perçu son essence, sa magie et sa puissance mais pas une trace de malveillance.

- Il est né pour te protéger Van, la raison de son existence n’est pas moins noble que celle du loup de Thomas.

Le lieutenant se tourna vers moi pour me dévisager, quittant des yeux pour la première fois les deux hommes qui avaient accaparés toute son attention quelques secondes plus tôt.

Les minutes s’égrenèrent sans que ni lui ni moi ne prononçâmes un mot.

- Cesseras-tu un jour de me surprendre princesse ? Soupira-t-il enfin.

- J’espère bien que non. Lui répondis-je avec un grand sourire. Sans quoi, mon immense sagesse ne trouverait plus assez d’échos en toi pour que tu m’écoutes.

Van se fendit d’un rire retentissant en posant sa main sur ma tête.

- Méfie-toi petite, bientôt ton égo n’aura de commune mesure que le mien.

- Ne t’en fais pas, j’ai encore de la marge. Rétorquai-je. Mais pour en revenir à ma sagesse, puisqu’elle est maintenant établie. Que dirais-tu de m’écouter sans poser de question quand je te dis d’expliquer certains points de ton passé à Julian ?

Le loup retrouva immédiatement son sérieux et ses yeux dérivèrent dans la direction du dit-loup.

- J’en dis que mon avis n’a pas changé quant à ce nez que tu laisses trainer un peu partout et en particulier dans mes affaires.

- Van… Soupirai-je douloureusement. Que tu le veuilles ou non, ce que pense Julian de toi t’affecte. Et ce n’est pas le moment de te laisser aller à des émotions qui mettent à mal ton contrôle.

Le lieutenant leva un sourcil dubitatif dans ma direction.

- Il me semblait pourtant que pour un lycan, perdre le contrôle n’était jamais une bonne idée.

- C’est vrai mais selon Raphaël, ces derniers temps, le nombre de loups devenus sauvages a pris des proportions inquiétantes et…

- … Et tu te dis que ce bon vieux Van représente un risque. Acheva-t-il à ma place.

- Je n’ai pas dit ça. Mais tu es le loup le plus âgé de la meute, je ne voudrais pas qu’à cause d’une situation que tu laisses trainer, tu te perdes en chemin.

Les sourcils froncés de mon ami se lissèrent immédiatement.

- Tu te fais trop de soucis pour moi, Lucy. Voilà plus de deux cents ans que je passe au travers de situations potentiellement dangereuses sans que je me sois laissé aller à la perte de contrôle. Je n’ai pas l’intention de le faire aujourd’hui.

Je croisai les bras sur ma poitrine en soupirant. L’inquiétude laissait place à l’agacement. Il avait une fâcheuse tendance à contourner chacun des arguments que je lui exposais. Et pourtant j’étais certaine du bien fondé de mes peurs.

Les lèvres douces de Van se posèrent sur mon front en un baiser affectueux.

- Tu n’as rien à craindre en ce qui me concerne. Le contrôle que j’exerce sur mon loup est total. Et puis j’ai assisté à suffisamment de perte de contrôle dans ma longue vie pour savoir les dégâts que ça peut engendrer. Si je me sentais perdre pied, je ne le cacherais pas et Michael et toi seriez les… premiers au courant.

Je relevai la tête, alertée par le ton haché qu’il avait employé à la fin de sa phrase.

Les beaux yeux bruns du lieutenant s’ornaient à présent de paillettes dorés et les muscles de ses bras saillaient sous l’action de ses poings qu’il serrait et desserrait.

Je tournai la tête dans la direction de son regard, juste à temps pour voir Zane repousser une mèche blonde derrière l’oreille de Julian.

- « Le contrôle que j’exerce sur mon loup est total ». Imitai-je Van en tentant de prendre l’accent de sagesse dont il avait teinté sa phrase une minute plus tôt. Ouais… Jolie démonstration… Tu m’as convaincue.

Les pupilles à présent entièrement dorées du lieutenant se braquèrent sur moi. D’un mouvement du menton, je lui indiquais d’y aller.

En tant que femelle alpha de la meute, j’aurais sans doute dû l’éloigner de cette situation potentiellement explosive mais en tant qu’amie… Bon sang, j’avais envie qu’il montre au lieutenant de Raphaël que Julian lui appartenait.

 

Ce fut en tout cas cet espoir qui me fit croiser les doigts tandis que j’observais Van, la démarche tendue, se frayer un chemin jusqu’aux deux lycans aux abords de la patinoire.

 

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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 16:55

J’avais déjà eu l’occasion de voir des matchs de hockey sur glace à la TV, en particulier depuis que je vivais avec Michael. Mais ce qui se déroulait devant mes yeux n’avait rien à voir avec ce à quoi j’avais assisté. C’était à la fois effrayant et fascinant. Je n’arrêtais pas de me demander quel était le rôle de Lawrence dans cette partie. Un arbitre n’était-il pas censé comptabiliser les fautes de chaque joueur.

- Il peut faire ça ? M’écriai-je pour la quatrième fois en cinq minutes, en tentant de me faire entendre par-dessus les hurlements des lycans éparpillés autour de la patinoire.

Lori me lança un regard indulgent.

- Oui il peut, comme à peu près tout ce qui est interdit en temps normal.

- Mais enfin, sa crosse… Dans le nez de ce pauvre type…

À ce moment, l’un des joueurs rouge  fonça à pleine vitesse sur un joueur blanc, l’envoyant valser contre les parois vitrées autour de la patinoire. Le pauvre loup de Graham se ratatina sur lui-même avant de repartir à la charge comme si de rien n’était.

La main posée sur le front, j’imaginais déjà la quantité de blessures que j’allais devoir soigner le lendemain après le match de mes loups.

- Ce n’est pas si terrible que ça Lucinda, ne t’en fais pas. Tenta de me rassurer Lori.

Je déglutis avec difficulté et cherchai à penser à autre chose.

- Je ne vois ni Carson, ni Graham sur la glace. Ils ne jouent pas avec leur équipe ?

J’avais assisté plus d’une fois à des entrainements tactiques ces dernières semaines, et chaque fois mon compagnon y prenait part, j’étais donc persuadée que lui jouerait.

- Ils se réservent pour le dernier match. M’expliqua ma nouvelle amie. Il est souvent décisif et plus spectaculaire que les premiers.

J’agrippai la rambarde plus fermement. Si Lori considérait que le match qui se déroulait sous nos yeux n’était pas assez spectaculaire, je n’osais pas imaginer ce qui pourrait arriver.

Sur la glace, l’un des joueurs de la meute d’Eugène s’immobilisa face à la cage de Crater Lake et balaya le palet de sa crosse. Un morceau de glace de la taille d’un poing s’éleva en même temps que la rondelle noire, et fonça directement vers le gardien qui tendit la jambe gauche dans une position invraisemblable. Le palet fut stoppé net et immédiatement récupérer par un autre joueur.

De toute façon, étant donnée la taille des gardiens et celle, minuscule, des cages, j’avais du mal à imaginer que quoi que ce soit puisse entrer là-dedans, en particulier quand on devait ajouter les réflexes surhumains des lycans à l’équation.

Lori se pencha soudain plus en avant sur la rambarde tandis que l’un des joueurs rouge esquivait avec brio tous les membres de l’équipe adverse et fonçait droit sur la cage des blancs.

- Mon dieu… Gémit Lori alors qu’elle m’ôtait les mots de la bouche.

De notre position, nous pouvions anticiper la configuration dans laquelle se trouvait le joueur alors qu’il s’apprêtait à tirer.

Ses cinq adversaires, qu’il avait évité avec succès, rebroussaient à présent chemin et chargeaient tous en même temps sur lui. J’eus tout juste le temps de serrer la main de Lori dans la mienne.

L’impact simultané de ces six corps résonna si fort que le bruit surpassa celui des cris poussés par la foule. Les joueurs ne restèrent au sol qu’un court instant avant de se remettre sur leurs patins avec souplesse. Malgré le choc, je ne pus m’empêcher de penser que je donnerais cher pour posséder un peu de leur aisance sur la glace. La masse de maillots blancs se dispersa tandis que le joueur au maillot rouge gisait sur la surface immaculée à quelques mètres du gardien.

- Il n’y a jamais eu de morts, n’est-ce pas ? Demandai-je à Lori, l’air soucieux.

- Très rarement. Me répondit-elle avec une grimace.

Ce n’était pas la réponse à laquelle je m’étais attendue et je réprimai de justesse un gémissement inquiet.

Le silence était revenu dans la salle et je me penchais plus en avant en m’efforçant d’imaginer le loup à terre se relever dans les secondes suivantes. Sauf que rien ne se produisait. Un temps infime s’était écoulé depuis l’action violente mais le lycan aurait déjà dû se relever, j’en étais persuadée.

C’est alors que je distinguai le filet rougeâtre qui semblait prendre naissance sous le casque du joueur et s’écoulait le long de son cou. De la même couleur que son maillot, son sang était en train de se rependre sur la glace.

Lorsque j’entendis le coup de sifflet de Lawrence, je dévalais déjà les marches quatre à quatre.

Je savais déjà ce que je cherchais lorsque j’arrivais au rez-de-chaussée.

- Julian ! Appelai-je assez fort pour être entendue par-dessus les murmures de la foule qui avaient commencés à se propager.

Le loup bondit sur ses patins, alerté par mon ton impérieux. J’avais vu juste ! Sans doute trop occupé à ruminer ce qui s’était passé avant le début du match, il n’avait pas pris la peine de se débarrasser de ses patins. Je me précipitai sur lui, en remerciant silencieusement le ciel que mon compagnon ne se trouve plus dans les parages.

- Emmène-moi sur la glace. L’enjoignis-je immédiatement. Tout de suite !

Le jeune loup fronça les sourcils en me considérant bizarrement.

- Ça va pas ? Je ne t’emmène pas au milieu de…

- Il saigne. M’écriai-je. Je ne te demande pas ton avis, emmène-moi. Sans toi je n’arriverai jamais jusqu’à lui.

Il était clair que l’idée ne plaisait pas à Julian mais je n’avais pas le temps de le rassurer tandis que j’apercevais mon compagnon s’approcher au pas de course dans notre direction, une lueur d’avertissement dans le regard.

Bien, je pouvais toujours faire semblant de ne pas l’avoir vu. J’entrainai mon ami jusqu’à l’entrée de la patinoire et le laissai me précéder sur la glace. Accrochée à son bras, quelques poussées suffirent à Julian pour me mener au blessé. Carson était déjà là, penché au-dessus de son loup, dans son costume à trois mille dollars. L’un des membres de l’équipe appliquait un chiffon déjà imbibé de sang sur la nuque du loup à terre. Il était réveillé mais ne semblait pas capable de bouger. À mon approche, toutes les têtes se tournèrent vers moi et un concert de grognement m’accueillit. Chouette alors ! Un équivalent lupin de notre bon vieux « bienvenue » !

Je compris une seconde plus tard que les grognements ne m’étaient pas adressés, quand une main que je connaissais bien se posa dans mon dos.

- Tu recules et tu sors de cette patinoire. Gronda mon compagnon à mon oreille.

Apparemment, la présence de Michael rendait les coéquipiers du blessé nerveux.

- Toi recule ! Le prévins-je. Bordel Michael il est en train de se vider de son sang !

- Son loup va le soigner. Affirma-t-il. Tu n’as rien à faire ici.

Son ton était sans appel. Je sentis les poils sur mes avant-bras se hérisser et ça n’avait rien à voir avec le froid qui nous entourait. Du coin de l’œil, je perçus le repli stratégique qu’effectua Julian et notai qu’il n’avait pas bougé à l’approche de Michael alors qu’il prenait la fuite avant d’entendre ma réponse. Intéressant !

- J’ai peur qu’une artère ne soit sectionnée. Intervint alors Carson en se relevant doucement. Son loup n’aura pas le temps de le guérir avant qu’il se vide de son sang.

- Michael ! Grondai-je avec aplomb. Je suis la guérisseuse…

- … De la meute de Salem. M’interrompit-il sans se démonter.

J’écarquillai les yeux de surprise. Alors tout ça n’était qu’un problème de territorialité au final.

- Non. Répondis-je calmement. Je suis guérisseuse un point c’est tout. Et je vais m’occuper de ce loup, tout comme je m’occuperai de nos loups le cas échéant.

- Lucy…  Je ne veux pas que ton pouvoir soit…

Je l’arrêtai d’un doigt sur la bouche avant qu’il ait le temps de finir.

- C’est bon, je sais ce que je fais. Lui indiquai-je avec un clin d’œil. Prépare-toi à m’expédier en quatrième vitesse sous la douche quand j’aurai fini.

J’espérai que cette dernière information l’apaiserait assez pour qu’il cesse de s’opposer. Je n’avais pas l’intention d’utiliser plus que mon pouvoir habituel qui, lui, n’était un secret pour personne.

Je tournai alors le dos à Michael avant qu’il change d’avis et m’approchai du lycan à terre en essayant de ne pas atterrir sur les fesses, ce qui aurait gâché mon effet, convenons-en.

- Vous m’entendez ? Lui demandai-je en m’agenouillant auprès de lui.

Je constatai avec soulagement que les autres loups ne semblaient pas me considérer comme une menace puisqu’ils se reculèrent pour me laisser plus de place.

Le blessé leva les yeux vers moi sans bouger la tête.

- Vous pouvez l’aider ? Me demanda calmement Carson qui conservait ses distances et j’ignorais si c’était à cause de Michael en train de le surveiller ou par peur que du sang n’éclabousse sa paire de pompes assorties à son costume.

- Je vais faire mon possible. Lui promis-je néanmoins avant de reporter mon attention sur mon désormais patient. Je vais enlever votre casque, je dois voir l’importance de la plaie avant de procéder.

Je n’aurais peut-être pas dû perdre tout ce temps en explications mais je ne connaissais pas ce loup et j’ignorais quelle allait être sa réaction face à la douleur. Je préférais mettre toutes les chances de mon côté en le prévenant avant qu’il décide de m’expédier à l’autre bout de la patinoire dans un réflexe défensif.

- Lucinda Walker c’est ça ? Geignit-il faiblement. Moi c’est Ethan. Ethan Wade et je suis vraiment ravi de faire ta connaissance là maintenant.

J’ouvris grand mes yeux. Il s’agissait du loup que Thomas souhaitait questionner au sujet du chasseur qui lui avait enlevé sa compagne. Au prix d’un effort ahurissant, je réussis à ne pas tourner la tête vers Michael pour lui signifier que j’avais eu raison d’imposer ma volonté de le guérir. La certitude qu’il n’y couperait pas un peu plus tard me rasséréna.

- Enchantée Ethan Wade. Répondis-je alors que je détachais prudemment son casque. Si tu voulais attirer mon attention, un simple bonjour aurait fait l’affaire, tu sais.

- Ah, j’y ai pensé mais je me suis dit que pour la spectaculaire Lucinda Walker, il fallait quelque chose de plus grandiose. Déclara-t-il sans un tremblement dans la voix.

Je retirai à présent le casque précautionneusement, ignorant la nature exacte de sa blessure. Sa nuque se tendit comme il posait sa joue sur la surface glacée et le sang jaillit comme un geyser de la base de ses cheveux, augmentant la circonférence de la tache rouge au sol.

- Bordel ! Gronda l’un des loups à proximité.

- Putain mec, si tu bouges, ta tête va se séparer de ton corps. Ajouta l’un des coéquipiers d’Ethan.

Génial ! J’avais bien besoin de ça !

Mais à mon grand soulagement, le loup se contenta d’écarquiller les yeux et j’appréciai le calme qu’il affichait à cet instant, son corps ne frémissant même pas.

- C’est bon, je vais t’arranger ça. Lui expliquai-je d’un ton posé alors que j’observais l’entaille nette est profonde qui lui barrait la nuque. Je me concentrai sans perdre de temps sur le souffle plus ou moins régulier du lycan à terre en essayant de faire abstraction des sons alentours.

- … En se relevant…

- … La lame du patin…

- … Trop affutée…

Les bribes de phrases parvenaient à mes oreilles malgré mes efforts pour les bloquer et je compris finalement ce qui s’était passé. En se relevant, l’un des loups avait sans doute pris appui sur Ethan, meurtrissant profondément la nuque de celui-ci de la lame de son patin.

J’inspirai profondément et décidai de reléguer cette information quelque part dans ma tête pour plus tard. Pour l’heure, je devais rapidement canaliser mon attention sur la blessure en question. Heureusement, l’entaille n’avait pas été causée par de l’argent, aussi, je sentais la magie lycane accompagner mon propre pouvoir et le consolider. En revanche, je constatai que Carson avait vu juste, une artère était bel et bien sectionnée et sans mon intervention, il se serait vidé de son sang avant que son loup ne puisse réparer tous les dommages.

Très rapidement, Ethan poussa un soupir de soulagement, signalant qu’il ne souffrait plus, et le flot de sang se tarit comme si une petite main venait de tourner le robinet en position fermée.

Les vaisseaux se ressoudèrent, les fibres musculaires s’assemblèrent et la peau se referma sous les yeux ébahis de tous les loups à côté de moi. Je terminai en agissant directement sur la moelle osseuse, stimulant ainsi directement la production de sang afin de remplacer rapidement celui qu’il avait perdu.

Mes épaules s’affaissèrent et j’expirai tout l’air que contenaient mes poumons.

- Tu vas devoir te reposer quelques heures, Ethan. L’avertis-je en posant mes mains sur la surface gelée. Mais tu seras bientôt comme neuf.

M’aplatissant de plus en plus au sol, je cherchais inconsciemment le froid qu’il dégageait. À la seconde ou mon pouvoir avait cessé de fonctionner, la brûlure, mordante et aigüe, s’était propagée dans tous mon corps.

- Merci ! S’exclama le lycan en se redressant prudemment, une main sur la nuque. C’est… c’est dingue, je n’ai plus rien !

J’ouvris la bouche pour lui assurer que ce n’était rien mais seul un gémissement plaintif parvint à franchir mes lèvres.

Michael me souleva du sol avec douceur alors que ma vision commençait déjà à se troubler. La dernière chose que je vis avant que la vitesse de mon compagnon ne rende le monde entier flou, fut le visage concentré de Raphaël sur moi. Il n’était ni surpris, ni inquiet, et encore moins impressionné, et malgré la chaleur qui embrasait tout mon corps, un frisson glacé me parcourut entièrement.

 

- Michael ! Protestai-je en claquant des dents à présent. L’eau chaude… Allume l’eau chaude…

Mon compagnon s’exécuta en prenant tout son temps. Il me maintenait sous l’eau glaciale d’une main tandis qu’il tournait lentement le robinet de l’autre.

- C’est bon ? Tu n’as plus mal ? Demanda-t-il avec calme, son regard aussi froid que l’eau sous laquelle je me tenais. C’est du rapide ce coup-ci.

- Ça c’est mesquin. Protestai-je faiblement tandis que l’eau se réchauffait et apaisait mes muscles contractés par la douleur.

Michael se renfrogna, ignorant délibérément ma remarque alors qu’il m’attirait hors de la douche avec des gestes un peu trop brusque.

- Enlève-ça. Marmonna-t-il. Tu vas prendre froid.

En arrivant dans les vestiaires de la patinoire, mon compagnon n’avait pas pris la peine de me déshabiller avant de me placer sous l’eau apaisante, ce dont je lui avais été reconnaissante sur le moment.

Je tentai de m’extirper du pull dégoulinant tandis que Michael tirait d’un coup sec sur le jean qui me moulait à présent comme une seconde peau.

Il me repoussa jusqu’à un banc ou je m’assis, la tête toujours coincée dans l’encolure de mon pull, les bras en l’air, tout en essayant de ne pas imaginer à quel point je devais avoir l’air ridicule dans cette position.

Je sentis les mains habiles de mon compagnon retirer mes chaussures puis mes chaussettes avant de faire glisser le jean trempé le long de mes jambes. Le dos de sa main frôla l’intérieur de ma cuisse par mégarde et il ne m’en fallut pas plus pour me faire oublier qu’une fraction de seconde plus tôt, j’avais eu froid.

Michael gronda son ressentiment.

- Je ne suis pas d’humeur Lucy.

Comme si je le faisais exprès !

- Michael… Gémis-je.

- Non Lucy, Tu aurais dû tenir compte de mon avis cette fois-ci.

- Michael…

- Tu n’en as fait qu’à ta tête, comme d’habitude, et tu n’as pas imaginé une minute que je ne voulais que te protéger.

- Mais Michael…

- Non, je n’ai pas envie d’écouter tes explications. Je sais ce que tu vas me dire.

- Mi…

- D’accord, je sais, tu n’avais pas le choix, tu devais le soigner. Seulement, tu ne peux pas m’empêcher de penser à toi avant tout. Si les autres découvraient l’ampleur de ton pouvoir…

- Je t’en prie…

- Tu n’as pas l’air de comprendre à quel point tu serais précieuse pour chacun des alphas présents ici. Une guérisseuse avec de tels pouvoirs… Ce serait comme faire miroiter un bonbon à un gosse en lui disant qu’il n’a pas le droit d’y toucher.

Je soupirai bruyamment en m’avachissant un peu sur moi-même. Les secondes suivantes s’écoulèrent dans le silence.

-  Tu peux dire ce que tu as à dire maintenant. Se résolut finalement l’alpha. Dieu merci !

- Michael… Commençai-je piteusement. Je suis coincée…

- Tu es… ?

J’imaginais parfaitement la tête qu’il devait faire, les yeux écarquillés, le sourire fleurissant sur ses lèvres alors qu’il cherchait à garder son sérieux et finalement l’éclat de rire qu’il ne put retenir.

Ses mains chaudes s’activèrent immédiatement, faisant passer le pull par-dessus ma tête en un rien de temps. J’inspirais profondément.

- J’ai cru que j’allais mourir étouffée sous ce truc. Geignis-je.

Les lèvres avides de Michael s’écrasèrent sur les miennes et je poussai un petit gémissement surpris mais néanmoins ravi.

- Je t’aime. Murmura-t-il contre ma bouche. Tu le sais au moins ?

-  Bien sûr que je le sais. Répondis-je en souriant contre sa peau. Moi aussi je t’aime.

- Alors fais-moi plaisir et sois plus prudente que ça. Tu dois aussi penser un peu à toi avant de penser aux autres.

Je caressai tendrement sa joue en le regardant dans les yeux à quelques centimètres de son visage.

- Mais c’est pour ça que tu m’aimes tellement. Si je ne pensais qu’à moi, je perdrais tout intérêt à tes yeux et tu me laisserais tomber dans la minute.

- De quoi tu parles ? Me demanda-t-il avec son habituel sourire en coin. Si ça arrivait, il nous resterait toujours le sexe, et je ne suis pas près de m’en désintéresser.

À genoux entre mes jambes, mon compagnon m’attira alors contre lui, collant son bassin entre mes cuisses, ne me laissant pas douter de l’intérêt qu’il portait en effet au sujet.

- Je te rappelle que c’est toi qui plaçais les sentiments avant le sexe il n’y a pas si longtemps. Me moquai-je gentiment en repensant à son refus de faire l’amour avec moi tant qu’il n’avait pas eu la certitude de mes sentiments pour lui.

- Et je ne le regrette pas. Gémit-il en se penchant pour mordiller la rondeur de mon sein au-dessus du soutien-gorge. Je le laissai faire en ne boudant pas mon plaisir.

- Je croyais que tu n’étais pas d’humeur ? Gémis-je à son oreille.

- Il semblerait que mon corps ne soit pas tout à fait d’accord avec ça. Répondit-il en agrippant mes cuisses pour me plaquer plus encore contre lui.

- Et si quelqu’un entre ? M’inquiétai-je à peine alors que je nouais mes jambes autour de la taille de mon amant.

- Alors je devrai m’interrompre et le tuer, j’espère juste que tu m’attendras pour finir. Gronda-t-il contre ma peau.

- Ça dépendra de toi et de ta capacité à te rendre irremplaçable. Murmurai-je à son oreille en nouant mes bras autour de son cou.

Mon loup grogna, le tremblement de ses muscles se répercutant contre ma poitrine alors qu’il me soulevait de terre en arrachant le peu de tissu mouillé qui recouvrait encore ma peau. Je ne me rendis même pas compte de la froideur du métal dans mon dos quand il me plaqua contre une rangée de casiers. Je ne me rendis pas non plus compte qu’une de ses mains avait quitté mes fesses pour s’activer sur la fermeture éclair de son jean.

Et lorsqu’il se fondit en moi, brutalement, entièrement, possessif, le brasier au creux de mon ventre irradia et se propagea à chacune de mes extrémités.

- Tu crois que ta main pourrait remplacer ça ? Gronda-t-il contre mes lèvres, ses vas-et-viens effrénés suppliciant délicieusement l’intérieur de mes cuisses.

Ma main se referma sur une poignée de ses cheveux ébène alors que je me jetais sur ses lèvres et mon « non » fut englouti par l’invasion de sa langue impérieuse. Je rejetai la tête en arrière et les images explosèrent derrière mes paupières, chacune d’elle m’assurant de l’amour que me portait mon compagnon. Le temps se délita et la réalité, tel un songe oublié au réveil, s’évapora. Plus rien ne compta alors que ce moment parfait, l’exigence de nos corps, la fusion d’un loup et de sa compagne.

 

Suite>>

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28 avril 2013 7 28 /04 /avril /2013 14:06

- Est-ce que tu as perdu la tête ? Gronda Michael à quelques centimètres de mon oreille. Mais enfin Walker, qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?

Je tournai brusquement la tête dans sa direction pour le fusiller du regard. Je détestais cette manie qu’il avait de se servir de mon nom chaque fois qu’il avait une dent contre moi.

- Je ne pensais pas à mal d’accord ! Répliquai-je sur le même ton. C’est sorti tout seul, comment voulais-tu que j’imagine ce qui allait se passer.

- Mais comment pensais-tu qu’ils allaient tous réagir enfin ? Tu n’es plus une novice, tu n’as plus le droit de commettre ce genre d’erreur désormais. Me réprimanda-t-il durement.

Je ne comprenais pas comment des êtres capables de fouler la terre pendant des centaines d’années pouvaient déterminer qu’au bout de seulement quelques mois, je devais tout connaitre d’une race à laquelle je n’appartenais même pas.

- J’ai fait une erreur, d’accord. Mais je n’ai vraiment pas pu retenir mes mots. Me défendis-je. J’ai vu ce souvenir dans ma tête, et je ne sais pas comment, cette certitude s’est imposée à moi, et les mots ont franchi mes lèvres sans même que je m’en aperçoive.

Michael secoua la tête d’un air dépité.

- Tu as eu de la chance que Van réagisse à temps. Continua mon compagnon sur un ton de reproche. On ne peut pas se permettre de fragiliser les liens qui unissent la meute de Raphaël à la nôtre. Et si Julian avait blessé Angélique, je n’ose imaginer…

L’alpha secoua la tête une nouvelle fois et son geste m’exaspéra. Je soupirai en m’appuyant sur la rambarde devant moi. Il avait raison et je le savais parfaitement et même si mon côté revanchard me criait de répliquer, ma toute nouvelle diplomatie, durement acquise ces derniers mois, me permit de conserver mon calme.

Je me penchai par-dessus la barre d’acier afin d’observer la scène en contrebas.

Julian semblait toujours agité et se massait la mâchoire en fusillant la glace des yeux. Van quant à lui, un peu à l’écart, paraissait sur ses gardes, comme s’il s’attendait à devoir juguler une nouvelle crise de rage de Julian.

Je n’avais pas compris, sur le moment, que ma phrase avait été le déclencheur du mini-chaos qui avait suivi.

À la seconde où le rôle d’Angélique dans la transformation de Van avait été lâché, la fureur s’était allumée dans les yeux de Julian. Et sans l’intervention éclair du lieutenant je n’osais imaginer ce qui aurait pu se produire. Van m’avait repoussée d’une main et c’est sur les fesses que j’avais assisté à la charge enragée de Julian sur une Angélique complètement paniquée. Le lieutenant avait tenté de retenir le jeune homme tout en hurlant à la louve de reculer. Seulement, elle n’avait pas bougé et rien ne semblait réussir à calmer Julian. Finalement, Van avait été obligé de le frapper, le renvoyant violemment s’écraser contre la glace, remplaçant ainsi la rage par l’ahurissement.

Une minute plus tard, Michael me soulevait dans ses bras et m’emmenait hors de la zone hostile, en hauteur sur les gradins.

Et à présent que j’étais à même de penser plus calmement, le regard abasourdi que Julian avait lancé à Van me hantait. Je m’en voulais d’avoir créé une telle situation.

- La transformation de Julian n’a pas été des plus faciles. Reprit calmement mon compagnon en s’appuyant à côté de moi. Ça a été violent, et douloureux.

- Et il ignore que Van a choisi d’être transformé, n’est-ce pas ? Demandai-je bien que je connaisse déjà la réponse.

- Eh bien, moi-même je n’en étais pas certain à cent pourcent. Soupira-t-il.

- Il a cru qu’Angélique avait attaqué Van, il a même sans doute revécu sa propre transformation en imaginant Van à sa place. Commentai-je avec dépit.

Toute cette situation était un terrible malentendu, mais je l’avais déclenchée et la culpabilité pesa lourdement sur mes épaules.

Alors que j’observais toujours mes amis quelques mètres plus bas, Michael poussa un profond soupir en passant un bras autour de mes épaules pour m’attirer à lui.

- Les conditions ne t’étaient pas favorables, amour. Murmura-t-il doucement. J’ai sans doute été un peu trop dur avec toi. J’ai tendance à oublier que tu l’es pourtant assez envers toi-même pour nous deux.

Je lui jetai un coup d’œil contrit qui le fit sourire.

- Je ne sais pas ce qui m’a pris. Avouai-je. J’ai revécu les souvenirs de Van, sans doute une partie de sa mémoire s’est-elle introduite dans ma tête au moment où je l’ai ramené à la vie. Dis-je à mi-voix. Je me souviens seulement que j’en voulais terriblement à Angélique et je pense qu’une partie de moi souhaitait la punir pour le mal qu’elle a fait à Van. Mais au lieu de ça, c’est moi qui l’aie blessé encore plus. Regarde-le… Ne pus-je m’empêcher d’ajouter tristement.

Les lèvres douces de mon loup se posèrent sur ma tempe.

- Tout ceci était une bombe à retardement, si ce n’avait été toi, quelque chose d’autre aurait sans doute mis le feu aux poudres. Tenta-t-il de me rassurer. Peut-être que si j’avais été mis au courant de l’intégration de cette nouvelle femelle dans la meute de Raphaël, peut-être que si Julian n’était pas si dominant et ne ressentait pas ce qu’il ressent pour Van, ou même si ce dernier avait révélé les conditions de sa transformation avant aujourd’hui… Peut-être que tout ce bordel aurait pu être évité. Tu vois, tu n’es pas la seule fautive.

Je laissais retomber mon front contre la rambarde, le choc produisit un bruit sourd dans mes oreilles mais le froid de l’acier me fit le plus grand bien.

- Je vais devoir aller m’excuser. Soupirai-je. Je déteste m’excuser.

Michael se permit un petit rire à côté de moi.

- C’est pour ça que tu fais une si bonne femelle alpha ma chérie.

Tournant à peine la tête je lui jetai un coup d’œil assassin lui signifiant que je ne trouvais pas ça drôle.

Mon compagnon me sourit avant de déposer ses lèvres dans ma nuque, provoquant d’infimes frissons tout le long de ma colonne vertébrale.

- Je te laisse ruminer. Me prévint-il. Si tu penses que je peux te laisser seule quelques minutes sans qu’à mon retour, une guerre lycane n’ait été déclenchée par tes soins, j’aimerais aller prendre la température auprès de mes loups. Histoire de vérifier que tu n’as pas créé de dissensions irréparables dans mes rangs.

Son sourire espiègle m’appris qu’il n’était pas sérieux, aussi lançai-je ma jambe en arrière dans l’espoir d’atteindre son charmant postérieur de mon pied.

Michael attrapa ma jambe au vol et la maintint en l’air d’une main tandis qu’il se penchait sur moi en s’appuyant sur mon fessier encore endolori par ma chute quelques minutes plus tôt.

- Si tu cherches à m’exciter, essaie de retirer quelques couches de vêtements avant d’écarter les jambes, amour. Gémit-il à mon oreille.

Je tentai de dégager ma jambe en sentant le rouge me monter aux joues.

- Mais l’effort est louable. Continua-t-il. Et tu ne perds rien pour attendre.

Sur ces mots, il relâcha ma jambe et s’en alla, un petit sourire satisfait aux lèvres, me laissant flageolante et rougissante. Rien ne changeait jamais.

Je repris mon observation de la scène, un peu plus bas, alors que Michael entrait dans mon champ de vision et allait s’assoir à côté de Julian qui semblait concentrer sa fureur sur la blancheur immaculée de la glace.

Depuis mon accession au rôle de femelle alpha, je m’apercevais chaque jour que des changements s’opéraient en moi. En l’occurrence, je voyais mieux, je distinguais plus facilement les différentes fragrances et mon ouïe s’était développée bien au-delà des capacités humaines normales. Pourtant, du haut de mon perchoir, je n’entendais pas le plus petit chuchotement en provenance de mon compagnon alors que je voyais ses lèvres bouger.

Je tentai de me concentrer sur la forme qu’elles prenaient dans l’espoir que, peut-être, je pourrais reconnaitre un mot ou deux.

- On finit par s’habituer. Retentit une voix inconnue derrière moi.

Je sursautai et me retournai précipitamment comme si je venais d’être surprise à écouter aux portes. Ce qui était à peu de choses près le cas, en vérité.

Remontant les marches qui menaient au rez-de-chaussée, une femme aux traits affables se tourna vers moi et me sourit.

- Leur caractère je veux dire. Expliqua-t-elle en s’approchant de moi, la main tendue dans ma direction. Je m’appelle Lori, et je suis ravie de faire enfin ta connaissance Lucinda.

Je serrai la main tendue en appréciant la chaleur de sa paume et la fermeté de son geste. J’en oubliai du même coup, de m’offusquer de cette soudaine familiarité.

- Lucinda Walker. Me présentai-je par reflexe. Vous avez l’air de vous y connaitre en loup.

- En loup c’est certain, mais je parlais des alphas en particulier. Répondit l’inconnue en s’appuyant sur la rambarde à côté de moi.

J’écarquillai les yeux en me tournant vers elle.

- Vous vous y connaissez en alphas ?

- Plutôt bien oui. Me dit-elle avec un air amusé. En fait, tellement bien que j’en ai épousé un.

Je la regardai, interdite, en essayant de me souvenir d’une remarque qu’aurait pu faire Michael à propos d’une autre femelle alpha.

- Et tu l’as déjà rencontré d’ailleurs. M’annonça-t-elle tranquillement en indiquant du doigt le bord opposé de la patinoire.

Avec un petit rire amusé, elle esquissa un signe de la main et je cherchai dans la foule à qui il pouvait bien s’adresser.

Au loin je vis Raphaël se redresser et bomber le torse alors qu’il agitait la main du même mouvement.

- Vous êtes… L’épouse de Raphaël ? M’exclamai-je, un ton plus aigu que je ne l’aurais souhaité.

Visiblement, mon étonnement n’ébranla pas mon interlocutrice.

- Tu peux me tutoyer. Dit-elle avec bienveillance. Après tout, on est presque dans le même bateau.

- J’ignorais que Raphaël était marié. Confiai-je, un peu embarrassée.

J’en profitai pour observer un peu mieux Lori à présent que les lumières de la patinoire éclairaient son visage, et parce que je me demandais quel genre de femmes pouvait plaire au mystérieux alpha.

Elle n’était pas beaucoup plus grande que moi mais sa silhouette présentait des rondeurs que je ne possédais pas. Ses cheveux châtains étaient raides et simplement relâchés dans son dos, et je distinguai quelques cheveux blancs épars. J’en conclus donc qu’elle n’était pas louve, la lycanthropie ayant pour effet d’effacer les rigueurs du temps. D’ailleurs, je voyais également quelques rides d’expression autour de ses yeux noisette. Son visage était doux et expressif à la fois. Elle n’était pas à proprement parler jolie mais elle possédait un charme indéniable et l’amabilité qui se dessinait sur ses traits la rendait avenante et agréable.

- Depuis bientôt vingt ans en fait. M’annonça-t-elle tout naturellement en réponse à ma question dissimulée.

La surprise dut se lire sur mon visage parce qu’elle enchaina rapidement.

- J’avais dix-huit ans quand on s’est marié.

J’ignorai ce qui me surprenait le plus à présent, que Raphaël soit un homme marié à la même femme depuis près de vingt ans ou que la femme en question ne soit âgée que de trente-huit ans. En réalité, si j’avais dû deviner son âge, je lui aurais sans doute donné une petite dizaine d’années de plus.

- Vous… Tu étais très jeune. Constatai-je. Ça ne t’a pas fait peur ?

J’étais sincèrement curieuse à ce sujet. J’avais vingt-cinq ans et il m’arrivait encore de douter quant à ma capacité à gérer une meute au côté de Michael.

Lori s’appuya un peu plus sur la rambarde en regardant son époux d’un air rêveur.

- Quand Rapha désire quelque chose, il est difficile de le lui refuser. Il met tout en œuvre pour arriver à ses fins et il ne laisse pas la place au doute.

- Je crois que je vois très bien ce que tu veux dire. Dis-je avec un petit sourire en coin.

- Ils se ressemblent beaucoup sur ce point, je trouve. Dit-elle en se tournant vers moi avec un sourire. Ses rides se creusèrent un peu plus au coin de ses yeux et je compris enfin pourquoi elle m’avait semblé plus âgée. Son visage était parsemé de ces petites marques acquises au cours d’une vie de rire, d’inquiétude et de chagrin. Toute une vie… condensée en une vingtaine d’année.

La vie n’était pas tendre pour la compagne d’un loup. Les règles qui régentaient la meute trouvaient bien souvent leur origine et leur accomplissement dans le sang, et parfois la mort.

Soudain Lori frappa ses mains l’une contre l’autre, me tirant de mes pensées sombres.

- Alors quels sont tes pronostics pour aujourd’hui ?

Je la regardai sans comprendre, son ton enjoué était en décalage totale avec mes pensées une seconde plus tôt.

- Mes… quoi ?

- Tes pronostics ! Répéta-t-elle presque aussi excitée qu’une enfant. Regarde, ils entrent sur la glace.

Reportant mon regard sur la patinoire, je vis en effet qu’une douzaine de loups, harnachés de tout l’équipement réglementaire, s’avançaient sur la glace, des crosses de hockey à la main.

Les deux équipes se divisèrent bientôt pour se placer face à face. Le maillot de la première était blanc avec des chiffres bleu pâle tandis que celui de la deuxième équipe était rouge avec des chiffres blancs. Je savais que la meute d’Eugène et celle de Crater Lake devait s’affronter aujourd’hui mais j’ignorais quelle équipe appartenait à quelle meute.

- En fait je ne connais aucune de ces deux équipes, c’est la première fois que je vais voir des loups jouer au hockey. Expliquai-je simplement à Lori.

- Je vois. Dit-elle avec un sourire compatissant. Tu verras, c’est très différent de ce qu’on peut voir dans la ligue humaine.

- Je m’en doute. Soupirai-je. C’est bien ça qui m’inquiète.

Lori posa sa main sur la mienne avec empathie.

- Peu de choses sont susceptibles de blesser gravement un loup, Lucinda, tu n’as pas à t’inquiéter.

Je fis la grimace. Ces derniers mois, j’avais guéri les blessures graves de presque tous les lycans que je considérais comme mes amis. Bien sûr, l’intervention des vampires avait pesé lourd dans la balance.

- Voyons, ce que tu dois savoir c’est que l’équipe blanche est celle de Graham et la rouge celle de Carson. En temps normal, un match se compose de trois tiers temps de vingt minutes chacun. Mais dans un match de lycans, les tiers temps sont divisés par deux. M’expliqua-t-elle.

- Pourquoi ? L’interrompis-je.

- Eh bien… Tu comprendras quand tu verras l’état de la patinoire à la fin du match, tu comprendras aussi pourquoi il n’y a qu’un match par jour.

- Hm… je crois que j’ai déjà compris. Soupirai-je, blasée.

J’avais assisté aux ravages dont était capables les loups en temps normal, ces derniers mois. J’imaginais assez aisément ce qu’une douzaine d’entre eux était capable de faire en trente minutes quand on leur permettait de se défouler sur un palet.

- Bon, tu dois aussi savoir qu’il n’y a qu’un seul arbitre, en général, il s’agit de l’alpha d’une meute qui ne joue pas. Dit-elle en se penchant en avant pour observer Lawrence s’avancer entre les deux équipes.

Il était si grand, que je m’attendais presque à le voir se déplacer avec difficulté sur la glace.  Mais c’est avec fluidité et en quelques poussées seulement qu’il atteignit le centre de la patinoire.

- Il y aura dix matchs en tout, chacune des meutes rencontrera les quatre autres une seule fois. L’équipe qui aura remporté le plus de matchs remportera le tournoi.

- Et si deux équipes remportent le même nombre de point ? Ne pus-je m’empêcher de demander.

- C’est un cas de figure qui se présente rarement mais dans ce cas, les deux équipes concernées se rencontrent pour un ultime match, le vainqueur est également celui du tournoi.

- Je vois. Et tu assistes à tous les tournois ? Chaque année ?

- Bien sûr ! S’exclama-t-elle avec enthousiasme. Je viens encourager mon époux. Tu verras, tu y prendras goût toi aussi.

Un petit sourire entendu s’étendit sur ses lèvres en même temps qu’elle me poussait gentiment de l’épaule.

Je m’aperçus que j’appréciais la compagnie de cette femme enjouée. Elle avait l’expérience qui me manquait et avait vécu au milieu des loups la majeure partie de sa vie. Et puis j’appréciais de ne pas être seule dans ma situation. Elle vivait avec un alpha, elle était humaine comme moi, du moins était-ce encore ainsi que je me définissais. Bien sûr, je pouvais toujours parler à Marli de mes inquiétudes et de mes problèmes mais ma meilleure amie était louve et je craignais qu’elle ne puisse pas comprendre mes doutes et mes questionnements. Contrairement à Lori…

- Merci. Lançai-je avec un sourire en fixant les deux joueurs centre se placer pour le face-off. Autour d’eux, éparpillés sur la glace, les autres joueurs s’interpellaient et se cherchaient à grand renfort de nom d’oiseaux et gestes évocateurs.

La petite main fine de ma nouvelle amie se reposa sur la mienne, la tapotant gentiment et je remarquai que des tâches commençaient déjà à parsemer sa peau pâle.

- Pas de quoi Lucinda.

Je lui jetai un coup d’œil en coin. Un sourire apaisant se dessinait sur ses lèvres et je sus qu’elle avait compris que je ne l’avais pas remercié uniquement pour ses explications.

À présent je savais que je pouvais me tourner vers quelqu’un. J’ignorais si je le ferais un jour mais c’était toujours agréable d’en avoir la possibilité. Et c’était cette opportunité que Lori était venue m’offrir en me rejoignant sur ces gradins.

Sur la glace, Lawrence se pencha en avant, tandis que deux loups, l’un rouge, l’autre blanc, se faisaient face en attendant que le coup d’envoi soit lancé. Le silence retomba dans la salle comme une chape de plomb. Le seul son toléré semblait être celui des lames des patins sur la surface glacée alors que les joueurs se préparaient pour le début des hostilités. Je retins inconsciemment ma respiration en fixant le petit cercle noir dans la main de Lawrence.

C’est alors que, d’un mouvement du poignet, l’alpha envoya le palet entre les crosses des deux joueurs centre et telle un feu de forêt démarrant d’une petite étincelle, la salle toute entière résonna des cris d’encouragement de deux cent loups déchaînés.

 

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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 22:10

En pénétrant dans la patinoire, je m’attendais à observer la traditionnelle étendue blanche et glacée qui m’accueillait chaque fois que j’y entrais. Aussi, la surprise s’ajouta à la douleur lorsque mon corps entra en collision avec le dos musclé d’un lycan, dès la sortie du vestiaire. Le loup pivota rapidement et grogna avant de se calmer dans la seconde, et pour cause, ce loup était l’un des miens. Je fronçai les sourcils en évaluant la situation devant moi. Van et Nathan faisaient bouclier entre le loup en question et un autre lycan que je ne connaissais pas. Celui-ci, bien loin de se montrer impressionné, proférait quelques menaces épicées à l’encontre de mon loup, tandis qu’une petite femelle brune tentait de l’éloigner en le tirant par le bras. Je soupirai en comprenant le nœud du problème.

- Jebediah Parker Smith ! Aboyai-je en croisant les bras, une attitude que j’avais empruntée à Michael. Où es-tu encore allé fourrer ton nez ?

- Pour ma défense, je ne savais pas qu’elle avait un compagnon, ce n’était pas le cas l’année dernière.

- Bordel Jed, si tu employais la moitié de l’énergie que tu utilises pour te servir de ta queue, à faire marcher ton cerveau, tu serais le foutu loup le plus intelligent du monde. Grogna Van en jetant un coup d’œil derrière lui. Merde ! Je sais même pas pourquoi je te protège, tu la mériterais ta branlée.

- C’est bon, déconnez pas, on ne faisait que discuter, je ne l’ai même pas draguée. Se défendit-il. Les regards incrédules qui se tournèrent vers lui semblèrent le dissuader de continuer.

- Ok, je m’occupe de mon loup. Annonça Michael qui arrivait derrière moi. Occupe-toi du tiens Lawrence s’il te plait.

Le géant à la peau sombre contourna les protagonistes avant de faire un signe à son loup qui le suivit finalement de mauvaise grâce.

Michael se pinça l’arête du nez en soupirant.

- Tu te moques de qui Jed ? Elle a l’odeur de son mâle partout sur elle, je l’ai repéré à la seconde où je suis entré. Tu ne vas pas me faire croire que tu ne t’étais rendu compte de rien ?

Bien loin d’afficher un semblant de regret, Jed haussa les épaules en nous présentant son habituel sourire de dérision.

- Je suis un peu enrhumé aujourd’hui boss.

Van lui envoya une claque derrière la tête qui m’aurait fait voir trente-six chandelles.

- Je vais te déboucher le nez moi, tu vas voir !

- La prochaine fois tu te débrouilles seul, c’est compris ? Asséna Michael. Et au prochain écart de conduite je t’assigne au nettoyage de l’équipement de toute l’équipe de hockey de la meute. Ça devrait calmer tes ardeurs.

- Mais c’est un boulot de nana. protesta-t-il en me regardant.

La seconde d’après, une mèche de ses cheveux blonds roussis par la chaleur, flotta tranquillement jusqu’à ses pieds et l’odeur nauséabonde de ses cheveux brulés lui tirèrent une grimace de dégout. Je lui souris de toutes mes dents, l’encourageant à poursuivre.

De manière très satisfaisante, Jed se contenta finalement d’un « oui chef » avant de prendre les jambes à son cou, Michael à sa suite.

- Un bon moyen de tenir tes loups en respect jeune fille. Me chuchota Raphaël qui n’avait pas perdu une miette de ce qui venait de se passer.

Je me tournai dans l’intention de lui rétorquer une réplique destinée à dédramatiser la situation quand une lueur inquiétante dans ses yeux,  me fit me raviser. De l’envie, un désir de possession, une légère folie…

- Et pas seulement mes loups. Dis-je en opérant un repli stratégique tranquille vers Van qui m’attendait quelques pas plus loin.

La lueur effrayante disparut dans la seconde, remplacée par le regard un peu enfantin que l’alpha semblait porter sur tout ce qui l’entourait.

- Viens-là princesse. Intervint mon ami en passant son bras autour de mes épaules pour me diriger vers la patinoire. L’expression jusqu’ici sereine du lieutenant se fit sérieuse à la seconde ou Raphaël ne put plus poser les yeux sur nous. Je n’étais visiblement pas la seule à avoir repéré le regard de l’alpha. J’allais confirmer mon impression dans les yeux de Van quand un mouvement rapide attira mon attention, juste devant moi. Passant et repassant à une vitesse ahurissante sur la glace, Julian nous faisait de grands signes depuis la surface glacée d’où il patinait avec l’aisance d’un professionnel.

Je croisai les bras en grommelant.

- Il n’y a aucune justice en ce monde.

Ma remarque arracha un sourire à Van.

- Si c’était le cas, tu serais mannequin internationale et tu adorerais te pavaner en petite tenue chez Michael pour nous en faire tous profiter.

Je plissais les yeux en bridant de justesse mon envie de lui envoyer mon coude dans les côtes.

- Tu veux une nouvelle coupe de cheveux Van ? Je te la fais à la sauce Lucy si tu veux. Jed a eu l’air d’apprécier…

Le lieutenant éclata franchement de rire cette fois-ci, en rendant son signe de la main à Julian qui ne semblait pas se lasser de patiner en rond.

- Fais attention à toi Lucy, d’accord ? M’avertit-il le plus sérieusement du monde, alors que je m’étais attendue à un tout autre genre de réplique. Ton pouvoir est loin d’être courant, il risque d’attirer les envieux.

Je posais ma main sur celle de Van, accroché à la rambarde.

- Je ferai attention. Acquiesçai-je simplement.

Un petit sourire se dessina sur les lèvres du lieutenant au moment où Julian s’approchait de nous, ou plutôt nous fonçait dessus. Le jeune loup s’arrêta à quelques mètres avec un grand rire lorsque son arrêt brutal projeta une pluie de paillette glacée dans notre direction.

- Tu as vu ça Lucy. S’écria-t-il. Comme si j’avais toujours patiné. Je ne comprends vraiment pas ce qui te pose tellement de problèmes.

Je grognai en tentant de prendre exemple sur Michael dans ses pires moments.

- Je te laisse ma place de femelle alpha le temps de remettre ce foutu trophée si tu veux. Le taquinai-je.

- Non merci. Répliqua-t-il en croisant ses bras musclés sur son torse. Michael me le ferait chèrement payer et le seul que j’autorise à me punir…

- Ça va, on sait. L’interrompit Van d’un air blasé.

- Boude pas bébé, si tu insistes, c’est moi qui te punirai. Minauda Julian avant de froncer les sourcils en reportant son regard derrière nous. Une seconde plus tard, la porte des vestiaires claqua dans notre dos.

- C’est qui lui ? Demanda-t-il en indiquant le nouveau venu du menton.

Je me tournai et reconnus celui qui m’avait servi de professeur intérimaire à la tête d’une procession pour le moins inattendue. Une petite dizaine de femelles à sa suite, Zane pénétra dans la salle comme en terrain conquis. Son entrée déjà atypique aurait suffi à expliquer la requête de Julian mais son comportement rendait celle-ci d’autant plus légitime. Les yeux rivés droit devant lui, son regard semblait me passer au travers pour se poser directement sur notre interlocuteur.

- C’est Zane. Grogna Van avec un mécontentement évident en se déplaçant spontanément dans son champ de vision. Le premier lieutenant de Raphaël.

- Qu’est-ce qu’il te veut ? Demandai-je à Julian.

Celui-ci haussa les épaules comme si c’était l’évidence même.

- Me sauter, pour ce que j’en sais.

J’écarquillai les yeux en manquant m’étouffer avec ma propre salive. J’ignorai si ce qui me choquait le plus était le terme cru qu’il avait employé ou la nonchalance avec laquelle il avait prononcé ces mots, comme si cette situation lui était familière.

- Je ne crois pas qu’il soit gay. Répliquai-je au bout d’un moment.

Julian s’appuya à la rambarde entre Van et moi.

- Chérie laisse-moi cinq minutes dans le vestiaire avec n’importe lequel de ces mecs et je te prouverai qu’ils sont tous gays.

- Pas tous. Rétorquai-je en montrant Van du menton alors qu’il en était encore à essayer de bloquer la vue à Zane.

Mon jeune ami soupira théâtralement.

- Le monde est un immense supermarché où je fais mes courses à loisir ma belle. Certains produits sont sur le rayon du haut, hors d’atteinte, mais laisse-moi seulement le temps de trouver une échelle et je n’en ferai qu’une bouchée.

Cette dernière réplique sembla arracher Van à son affrontement muet avec Zane, le faisant finalement se tourner vers nous.

- Une bouchée ? Répéta-t-il en soulevant un sourcil Ne sois pas si arrogant. Il te faudrait bien plus que ta petite bouche pour ne faire de moi qu’une bouchée.

Le rouge envahit mes joues instantanément en réaction à l’échange plein de sous-entendus de ces deux-là. Ma gêne ne se dissipa que lorsque je constatai que Julian avait accordé la couleur de son visage au mien.

- Ne sautons pas aux conclusions trop vite, tu veux ? Détournai-je la conversation.

- Je suis d’accord, mes mâchoires peuvent se bloquer de temps à autres mais de là à dire…

- Je parlais de Zane. Coupai-je Julian, exaspérée. Il a peut-être quelque chose à te dire.

- À moi ? Comme quoi ? Tente un  triple lutz piqué ? Si tu veux mon avis il a plutôt en tête un autre type de positions.
- Et ça te convient ? Demandai-je en fronçant les sourcils. Il te voit seulement comme une friandise à ajouter à son tableau de chasse et tu n’y trouves rien à redire ?
Julian prit quelques secondes de réflexions avant de me répondre.
- Premièrement, c’est quelque chose dont j’ai l’habitude alors ne te formalise pas autant, j’y survivrai. Me dit-il avec un clin d’œil. Deuxièmement on ne sait pas s’il ne me voit que comme une vulgaire friandise, personnellement je me vois plutôt comme une belle pomme d’amour bien juteuse. J’éclatai d’un rire tonitruant dans la seconde. Et enfin, ça a le mérite de rendre celui-ci jaloux.
Le jeune lycan désigna du pouce Van, qui, à des années lumières de  notre conversation, s’évertuait à bloquer la vue de l’autre lieutenant.

Il n’avait pas tort, la crispation des traits de mon ami en disait long sur son état d’esprit.

J’avais envie de le secouer pour lui faire ouvrir les yeux sur le sens de son comportement mais Julian ne m’en laissa pas le temps. Prenant appui sur la rambarde pour se pencher en avant, il attira le lycan en arrière en lui agrippant les cheveux. Les vibrations provoquées par le grognement que poussa Van s’insinuèrent jusque dans mon estomac. Une seconde plus tard, les dents de Julian se refermaient sur la jugulaire de sa proie. Van laissa échapper un grondement lorsque la langue du jeune loup remplaça ses dents.

- Tu es jaloux mon cœur. Laisse-moi te montrer que…

- Angélique…

Le prénom prononcé par Van était à peine plus qu’un murmure mais il suffit à faire relâcher sa prise à Julian qui retomba lourdement sur ses patins.

- C’était pas exactement ce à quoi je m’attendais. Marmonna-t-il d’une voix éteinte.

Le lieutenant se redressa lentement en fixant un point juste devant lui, toute son attention concentrée sur une silhouette qui se détachait de la procession féminine nouvellement venue.

À vrai dire, la silhouette en question avait de quoi attirer l’attention. La jeune femme faisait converger tous les regards masculins alentours tandis qu’un sentiment très féminin faisait son chemin en moi. Je la détestais déjà, elle et sa taille de guêpe, ses formes rebondies là où les hommes aiment les retrouver, sa longue chevelure brune et ses yeux en amande. Je détestais jusqu’au déhanché provocant qu’elle arbora en se dirigeant vers nous. J’aurais parié jusqu’à ma dernière chemise que son bonnet C avait été façonné par le scalpel et non par la nature si je n’avais pas ressenti sa nature lycane à travers le lien qui me reliait désormais à ma meute.

Je ne pouvais m’empêcher de la détailler des pieds à la tête, traquant la plus petite imperfection partout où je posais mes yeux. La tâche se révéla infructueuse. Elle était parfaite et ce constat raviva d’autant plus la flamme de ma jalousie.

La lycanthropie conférait aux hommes les muscles leur permettant de s’imposer pendant les combats et redessinait leur corps en celui d’un guerrier. Les femmes, quant à elle, recevait une sorte de grâce animale qui attirait l’attention de tous, loups comme humain. Mais je n’avais jamais vu aucun garou au physique disgracieux, comme si la magie lycane ne s’implantait que dans les êtres déjà avantagés par la génétique. Dans le cas de la nouvelle venue, la magie avait carrément dû prendre son pied au moment d’imprégner son cœur et son corps.

Je sentais l’émergence d’un grognement dans ma poitrine lorsqu’elle ne fut plus qu’à quelques pas. Une odeur caractéristique de plastique brûlé monta jusqu’à mes narines, me faisant baisser les yeux sur mes mains crispées sur le tissu de mes manches en polyester. Le tissu avait fondu, portant la trace de mes doigts à l’endroit même où je les avais refermés.

Je tentai de me calmer, prenant de longues inspirations lentes et expirant tout aussi profondément, ainsi que me l’avait enseigné Thomas quelques temps avant son départ. Quelque chose n’allait pas. Je n’avais aucune raison de me mettre dans un tel état pour une louve que je ne connaissais pourtant ni d’Ève ni d’Adam. Je relevai les yeux vers la jeune femme et sentis immédiatement la colère bouillir au fond de moi et une boule se former dans ma gorge. Je voulais la chasser d’un grognement primaire mais c’est Van qui se chargea de le pousser à cet instant précis. La vérité se fraya finalement un chemin jusqu’à mon cerveau. Je ne la connaissais pas mais mon lieutenant si, et visiblement, il ne l’appréciait pas. Encore une fois, j’avais absorbé les sentiments d’un loup proche de moi, telle une éponge à émotion. Jusqu’alors, je n’avais agi de la sorte qu’avec Michael mais le lien que j’entretenais avec Van était si particulier que je ne m’étonnais qu’à moitié d’en avoir été capable. À présent que le voile était levé sur la raison de cette hostilité, elle me semblait déjà plus supportable. Aussi parvins-je à me détendre suffisamment pour la saluer d’un geste du menton quand elle s’arrêta finalement devant nous.

- Vanniel… Gémit-elle, du miel dans la voix, les yeux braqués sur le visage du lieutenant.

- Angélique. La salua-t-il froidement, son regard glacé plongé dans celui de la louve.

Le ton était donné. La jeune femme plissa les yeux et força ses lèvres à sourire.

- On m’appelle Angie maintenant.

- Que fais-tu là ? Enchaina-t-il aussitôt.

J’échangeai un regard interloqué avec Julian. Van pouvait se montrer redoutable mais jamais face à une femme.

- N’es-tu pas heureux de me revoir après toutes ces années ? Minauda-t-elle.

- Qu’est-ce que tu fous ici, bordel ? Répéta-t-il plus fort.

La louve ne cilla même pas et s’approcha de mon ami jusqu’à poser sa main sur son torse athlétique.

- Tu me manquais. Dit-elle en laissant courir ses doigts sur les muscles du lycan.

Van posa ses mains sur ses épaules et la repoussa avec un air dégouté.

- Retourne en France, Angélique, et restes-y. Tu n’as rien à faire là.

- J’appartiens à la meute de Raphaël à présent. Tu n’es pas en position de me donner d’ordres. Se vexa-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine un peu trop généreuse à mon goût. Présente-moi plutôt à tes amis.

Son comportement et son langage corporel venait de changer en une fraction de seconde alors qu’elle posait des yeux suaves sur le visage fermé de Julian. L’expression « Souvent femme varie… » prenait ici tout son sens.

Serrant ses deux mains sur la rambarde, Julian parcourut le corps de la jeune femme de haut en bas. Cette dernière ne boudait pas son plaisir, visiblement habituée à être l’objet de l’attention des hommes.

- Angélique ? C’est bien ça ? Lui demanda-t-il l’air intéressé.

- Baronne Angélique de Mercoeur. Le corrigea-t-elle avec arrogance. Pour te servir… ajouta-t-elle en contournant Van pour s’approcher du jeune loup.

- Une baronne française ? Dit Julian en feignant l’excitation.

La louve avança jusqu’à la rambarde, posant ses mains sur celles de mon jeune ami, se délectant à l’avance de son pouvoir de séduction sur lui. Cette idée m’arracha un sourire.

Julian retira prestement ses mains pour les passer sur les flancs de Van, collant son torse au dos du lieutenant, palpant ses pectoraux, le caressant sensuellement.

- Malheureusement pour vous Baronne, il se trouve que j’ai toujours été un révolutionnaire dans l’âme. Ricana-t-il. Et pour me servir comme vous le souhaitiez, il vous en faudrait un peu moins ici et un peu plus là.

Et joignant le geste à la parole, Julian posa successivement ses mains sur les pectoraux de Van puis sur son entrejambe.

Le lieutenant se prêta à la petite démonstration de son protégé sans protester, s’autorisant même un sourire devant l’air choqué de la jeune femme.

- Comme je te le disais, Angélique, tu devrais retourner en France. Ta langue de vipère n’est pas la bienvenue ici. Insista le lycan.

- Il fut un temps, Vanniel, où tu ne savais rien refuser à cette langue. Gronda-t-elle en fixant les mains de Julian sur le corps de celui qu’elle convoitait vraiment.

- Il fut un temps, Angélique, où j’avais besoin de ce que tu pouvais m’apporter. Ce temps-là est révolu.

Je penchai soudain la tête sur le côté. Quelque chose me dérangeait mais je n’arrivais pas à poser le doigt sur le nœud du problème. En échos dans ma tête, résonnait à présent, le prénom « Angélique » mais je n’étais pas en mesure d’en éclaircir la raison. Ce qui était toutefois flagrant était que ce prénom provoquait en moi une foule d’émotions négatives et rédhibitoires.

- Angélique… murmurai-je pour moi-même.

- On se connait ? Demanda cette dernière, du venin dans la voix.

Le ton méprisant qu’elle employa agit comme un interrupteur sur mon cerveau. Un souvenir qui pourtant ne m’appartenait pas, jaillit aussitôt dans mon esprit, se répandant dans chacun de mes neurones à la vitesse d’un torrent en crue. Les images se superposaient à la réalité, fusant de tous les côtés, inondant toutes mes pensées, comme si mon propre esprit ne m’appartenait plus. Ce qui me sembla durer des heures ne prit finalement que quelques secondes. Lorsque je reposai mon regard sur la louve, les mots s’écoulèrent de ma bouche sans que j’en aie réellement conscience.

- C’est vous qui l’avez transformé.

 

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 18:05

- Je ne comprends pas pourquoi vous vous infligez ça. On dirait un lion en cage. Dis-je en soupirant pour la troisième fois en moins d’une minute.

Michael me lança un regard noir avant de reprendre son chemin à travers la pièce. Du bureau au canapé, du canapé à la porte, de la porte à la plante verte dans le coin et de la plante verte au bureau.

- C’est très inconfortable pour moi de sentir autant de loups étrangers à ma meute, envahir mon territoire, je te signale. Un peu de soutien serait le bienvenu.

Je levai les bras au ciel.

- Et comment suis-je censée te soutenir ? Tu veux que je te dise que ça va bientôt passer, que tu vas t’y habituer et que les poules ont des dents ?

Deuxième regard noir.

Je détournai vite les yeux pour éviter de rire. À ma décharge, la situation était assez comique. Il était tellement rare de voir Michael déconcerté ou mal à l’aise que je profitais un peu du spectacle. Mon alpha si sûr de lui, quel que soit la situation, ou le lieu où il se trouvait, avait bien du mal à gérer sa condition cette fois-ci. Le tournoi de hockey commençait aujourd’hui et des dizaines de lycans affluaient de tout l’état sur notre territoire. Michael, toujours attentif à me protéger avait refermé le lien qui nous unissait habituellement, afin de contenir l’angoisse qu’il ressentait. Ce qui aurait dû être un soulagement pour moi, se révélait être un véritable déchirement. Je détestais être mise sur la touche et je n’appréciais pas non plus qu’il ait décidé de m’exclure de ses émotions sans m’avoir consultée avant. Alors forcément, je lui faisais payer à ma manière. S’il attendait de la compassion et des encouragements de ma part, il pouvait toujours rêver. En revanche, je m’amusais beaucoup à le regarder faire les cents pas dans son bureau en attendant la visite de convenance des alphas des diverses meutes participant au tournoi.

La rencontre au sommet avait été programmée dans les locaux de l’entreprise de Michael. Un moyen détourné d’assoir sa position de maître des lieux sans pour autant les laisser pénétrer sur la propriété personnelle de mon compagnon. Les rouages politico-hiérarchiques de cet évènement avaient tendance à m’échapper la plupart du temps mais Michael, avec l’aide de Nathan, dominait le problème avec brio. Et si ce n’avait été ce petit moment de panique propre à son besoin de tout contrôler, il aurait fait un sans-faute.

- Tu sais qu’une tranchée au milieu du bureau d’un chef d’entreprise en bâtiment, ça fait moyennement professionnel. Lui dis-je avec un sourire angélique. Michael gronda et s’arrêta pour se tourner vers moi.

- Viens là ! Grogna-t-il.  

Ce n’était pas une demande. Je me levai du canapé en cuir noir et le rejoignis en quelques pas.

- Si tu as prévu de te défouler sur moi, je te rappelle que je suis tout à fait capable de cramer chaque centimètre carré de ta super agence ultra moderne et high-tech. Lui dis-je en posant mes fesses sur le rebord de son immense bureau en verre. Je ne comprendrai jamais la propension qu’avaient les loups à s’entourer d’objet plus fragiles les uns que les autres. À croire qu’ils ne le faisaient que pour le plaisir de tout détruire à la première occasion. Une main possessive s’empara de mon menton et des lèvres avides s’écrasèrent sur les miennes avant que j’eus le temps de ciller. Je le mordais assez fort pour faire couler son sang.

- Tu es en colère. Soupira-t-il en passant sa langue sur la lèvre.

- Félicitation pour ta perspicacité Captain Obvious !

Les mains posées à plat sur le bureau, de chaque côté de mes hanches, il me bloquait toute possibilité de retrait.

- Ça ne me plait pas plus qu’à toi d’avoir coupé le lien je te signale. Soupira-t-il en posant son front contre le mien.

- Alors ne le fais pas.

- Pourquoi tu ne peux pas accepter que je te protège de certains aspects de ma personnalité ? Demanda-t-il d’un air inquiet.

- Et pourquoi tu ne me crois pas assez forte pour le supporter ? L’angoisse ça me connait, je peux gérer ça.

- Est-ce que je dois comprendre que tu es tellement accro à moi que tu ne supportes même plus de ne pas partager mes émotions quelques heures ?

J’avais envie d’effacer le petit sourire satisfait qui s’affichait à présent sur ses lèvres à la paille de fer. Je me contentai de secouer la tête.

- Tu ne peux pas toujours me protéger de tout. C’en est fini de l’époque où le moindre obstacle me terrifiait et où je risquais de m’enfuir à la première occasion. L’informai-je. Tu peux te reposer sur moi, j’ai les épaules pour le supporter.

Ses mains se déplacèrent de la surface de verre aux dites épaules.

- Elles me paraissent si frêles à moi. Gémit-il au moment où je sentais le lien entre nous se rouvrir, véhiculant le tourbillon habituel d’émotions propres à Michael.

Je soupirai d’un soulagement rapidement alourdi par le poids de l’angoisse de mon compagnon. Dieu que c’était lourd à porter ! Un instant je pensais que, peut-être, il ne s’était pas trompé en supposant que son anxiété serait trop accablante pour mes épaules. À l’instant où cette idée traversa mon esprit, l’ampleur de notre lien s’atténua.

- Tu devrais m’apprendre à faire ça. Lui dis-je. Je veux savoir comment mettre mes émotions en sourdine moi aussi.

- Jamais ! Gronda-t-il d’un ton sans appel. J’aime trop te ressentir en moi.

La bouche de Michael s’empara de la mienne la seconde d’après et j’accueillais cette fois, ce baiser avec plaisir. L’appréhension se mua instantanément en désir alors que je sentais ses mains descendre de mes épaules à mon dos puis à mes fesses qu’il pressa comme si elles étaient siennes. Il était en terrain conquis, il le savait et je ne fis rien pour le détromper. Michael me souleva du sol pour m’assoir sur son bureau et se fraya un passage entre mes cuisses pour se presser contre moi. Ses lèvres voraces traçaient un chemin enflammé de ma bouche  à ma mâchoire pour finir sur mon cou qu’il mordillait délicieusement quand le bip agaçant de l’interphone sur son bureau nous interrompit.

- Quoi ? Aboya Michael après avoir appuyé sur un bouton de l’appareil.

- Vos rendez-vous sont arrivés.

La petite voix sévère et réprobatrice fit fondre instantanément l’expression contrariée de mon compagnon. Je ne pus retenir un sourire quand il poursuivit d’une voix plus douce.

- Faites les entrer. Merci Félicia. Ajouta-t-il au dernier moment, comme un petit garçon à qui on fait la leçon sur les règles de politesse et qui risquait une punition pour les avoir oubliées.

Félicia était la responsable en chef de chaque secrétaire qui travaillait pour les employés de Michael. Elle menait tout son service à la baguette et ne tolérait pas le moindre écart de conduite. Voilà pourquoi j’étais tombée des nues en apprenant qu’elle s’était elle-même attribuée la place de secrétaire particulière de Van.

Je m’étais demandé comment ils n’en étaient pas encore venus aux mains quand je les avais aperçus un jour en passant devant le bureau du loup. Elle lui tendait une petite boite de cookies et son expression si stricte habituellement, s’était muée en douceur. Elle m’avait immédiatement fait penser à la grand-mère adorable qui m’avait vendu sa maison, lorsqu’elle m’avait parlé de sa petite-fille. Ces deux-là s’adoraient.

Repoussant Michael avec douceur, je descendais du bureau sur lequel il m’avait fait assoir. Mon compagnon fit le tour pour se placer derrière celui-ci, et je venais me poster à sa droite, à ma place de femelle alpha de la meute.

- Tu prends les choses au sérieux on dirait, amour.

- Tu parles, je veux surtout éviter une autre étreinte d’ours made in Raphaël. Dis-je en levant les yeux au ciel.

Une seconde plus tard, une petite femme d’une soixantaine d’année pénétra dans la pièce. Elle arborait un chignon strict dont aucune de ses mèches grisonnantes ne semblaient pouvoir s’échapper, et son tailleur ne comportait pas un pli. Félicia nous toisa de son habituel regard réprobateur, comme si elle avait su ce que nous étions en train de faire une minute plus tôt. Le besoin pressant de baisser les yeux en signe de contrition se fit sentir.

- Mr Madison, voici vos rendez-vous. Indiqua-t-elle en s’effaçant pour laisser entrer quatre hommes aux physiques et aux styles très différents. Pourtant, une chose les réunissait, et ça ne faisait aucun doute au regard de la tension qui grimpa en flèche en un clin d’œil dans la pièce, il s’agissait bien de quatre alphas.

Raphaël fut le premier à entrer. Il arborait une affabilité non feinte sur le visage et un T-shirt noir dont le message « All My Kids Have Paws » ne manqua pas de me faire sourire.

Le second arrivant était au contraire tiré à quatre épingles. Ses yeux gris se fixèrent immédiatement sur Michael qu’il sembla toiser comme s’il l’évaluait. Ses cheveux impeccablement coiffés en arrière lui donnaient l’air sérieux, son costume renforçant cette impression. Au premier regard, je pouvais dire que ce loup cherchait à renvoyer une image de crédibilité.

Le troisième alpha à franchir le seuil était l’un des plus grands hommes qu’il m’ait été donné de voir. Il dépassait sans doute les deux mètres dix et dut incliner la tête pour pénétrer dans la pièce. Son style était beaucoup plus décontracté que son prédécesseur, un jean qui semblait prêt à succomber à la gravité à chaque pas et un T-shirt sans manche blanc qui contrastait avec la couleur chocolat de ses bras musclés. Il nous salua d’un sourire poli avant de laisser finalement entrer le dernier arrivant. Des yeux d’un bleu intense me rendirent mon regard alors qu’il faisait son entrée. Les traits fins et l’expression amusée, le dernier alpha avait la peau aussi pâle que la mienne et ses cheveux blonds aux reflets cuivrés tirebouchonnaient dans tous les sens comme s’ils étaient animés d’une vie propre.

Les quatre lycans se placèrent par ordre d’arrivée devant le bureau tandis que Félicia faisait une sortie discrète mais non dénuée de dignité. La testostérone qui sembla imprégner l’air de la pièce me donnait envie de me faufiler à sa suite sans plus attendre.

Michael se tourna légèrement dans ma direction sans pour autant les quitter des yeux.

- Lucinda. Commença-t-il, et l’emploi de mon prénom associé à la solennité de sa voix, m’apprit que je devais l’écouter attentivement. Laisse-moi te présenter nos invités. Tu connais déjà Raphaël. Dit-il en désignant le grand blond tout à gauche. L’alpha me sourit sans retenu, comme un gamin, agrémentant son salut d’un petit signe de la main que je lui rendis sans même m’en rendre compte.

- À sa gauche, voici Carson, l’alpha de la meute de Crater Lake. Désigna-t-il en m’accordant cette fois un coup d’œil entendu. Ce loup était le chef du lycan avec lequel Thomas souhaitait s’entretenir. J’imprimai immédiatement l’image de Mr « tiré-à-quatre-épingle » sur ma rétine. Celui-ci m’adressa un salut si réservé que je faillis louper le petit mouvement discret de son menton. Je l’accueillais avec la même platitude dont il avait fait preuve à mon égard.

- Et voici Lawrence, l’alpha de la meute de Medford. Continua mon compagnon en désignant le géant à la peau sombre qui aurait pu faire de l’ombre à Lebron James. Celui-ci sembla m’évaluer des pieds à la tête avant de juger que je ne représentais sans doute pas une menace. Ses épaules crispées se détendirent en même temps qu’un nouveau sourire poli apparaissait sur ses lèvres. Grand bien lui fasse ! J’adore qu’on me sous-estime. L’expression sur le visage de celui qui ne m’a pas considérée à ma juste valeur est bien plus amusante le jour où je lui montre de quel bois je me chauffe…

- Et enfin, voici Graham, l’alpha de la meute d’Eugène.

Le sourire avenant du dernier lycan attira immédiatement ma sympathie.

- Et vous devez être la célèbre Lucinda Walker. Répondit-il immédiatement en se penchant pour me tendre la main.

La tension grimpa si vite en flèche dans la pièce que je sentais comme un coup dans l’estomac. Un rapide coup d’œil à Michael suffit à Graham pour retirer sa main.

- Célèbre… Non, mais sans aucun doute Lucinda Walker.

- Oh mais détrompez-vous. Répliqua Lawrence en croisant les bras sur sa poitrine, le faisant un peu plus passer pour une armoire à glace. Votre nom est sur toutes les lèvres dans notre milieu, ces derniers temps.

Je jetai un coup d’œil interrogateur à mon compagnon qui sembla aussi étonné que moi.

- J’ignore ce qui se dit sur moi mais concernant mes pouvoirs…

Graham balaya l’espace devant son visage de la main, m’interrompant au milieu de ma phrase.

- Non, rien à voir avec vos pouvoirs de guérisseuse. Contra immédiatement Graham. Lucinda Walker, l’humaine qui a réussi à mettre le grappin sur Michael Madison, l’alpha de Salem, voilà une sacrée performance. Vous savez que vous vous êtes fait un paquet d’ennemies louves dans nos meutes ?

Je grimaçai sans pouvoir m’en empêcher. Génial ! Des ennemies en plus, exactement ce dont j’avais besoin.

Michael me regardait avec son traditionnel sourire en coin amusé, ce qui lui valut mon habituel coup de coude dans le ventre.

Etrangement, il semblait que deux sentiments se battaient en moi et ce n’était pas du tout ceux auxquels je m’étais attendue.  Un mélange de soulagement et de fierté m’emplissait. Je comprenais le soulagement. Un instant, j’avais cru que la rumeur concernant mes « véritables pouvoirs » avait été répandue dans toutes les meutes, mais la réaction de Lawrence et de Graham m’apprenait qu’il n’en était rien. Non pas que je souhaitais en faire un secret d’état mais j’étais soulagée de pouvoir garder une carte dans ma manche alors que la population lycane venait d’augmenter significativement dans le coin. Quant à la fierté… un coup d’œil à mon compagnon me suffit pour éclaircir ce point. Au fil des mois, me tenir aux cotés de Michael avait fini par m’apparaitre normal, sans doute à cause de la nature fusionnelle de notre lien. J’étais sa compagne, ma place était là où il se trouvait, il était mon chez moi, et j’avais fini par perdre un peu de vue le caractère exceptionnel de ce qui nous liait. Mais Michael m’appartenait, à moi, Lucinda Walker, et je mesurai à ce moment ma chance.

- Je pense que j’en reste la première surprise. Admis-je bien volontiers. Mais si vous pouviez garder vos louves loin de moi je vous en serai sacrément reconnaissante.

Les cinq alphas échangèrent au même moment un regard entendu.

- J’ai bien peur ma chère Lucinda, que nos compétences d’alpha s’arrêtent là où commence la volonté d’une femme jalouse. S’amusa Raphaël. Si nous étions capables du prodige de les garder sous notre emprise, nous serions les hommes les plus puissants du monde.

Je restai une seconde interdite.

- Mais vous pouvez leur ordonner…

Le fou rire du premier alpha me stoppa net.

- Et risquer les représailles de toute la population féminine de la meute ? Railla Lawrence. Je préférerai qu’on m’enfonce des tiges de bambou sous les ongles.

Je masquai avec difficulté le sourire que m’inspirait sa remarque. Ces cinq hommes, les plus puissants lycans qu’il m’ait été donné de rencontrer, qui avaient le pouvoir de faire plier l’échine à des êtres capables de soulever des voitures à bouts de bras, capitulaient tous face à la rancune féminine.

- Elles ne feront rien qui puisse indisposer Michael. Tenta de me rassurer Graham, un sourire encourageant sur les lèvres.

Je notai bien que mon indisposition possible ne pesait pas lourd dans la balance.

- Qu’elles essaient ! Se moqua gentiment mon compagnon en passant un bras possessif autour de mes épaules. À leurs risques et périls !

Raphaël fut le seul à m’observer tandis que les autres reportaient tous leur attention sur Michael. Il semblait donc bien être le seul à comprendre le sens réel des mots de mon compagnon. En cas d’attaque, je saurai me défendre seule.

- Bien ! À présent que les présentations officielles ont été faites, que diriez-vous de nous rendre là où les festivités vont réellement avoir lieu ? Proposa Michael.

- Très bonne idée. Acquiesça Raphaël. Je suis certain que nos lieutenants s’en sortent tous très bien mais notre arrivée devrait calmer les petites tensions qui ont déjà sans doute fait leur apparition.

- Dans ce cas, je vous souhaite à tous bonne chance pour ce tournoi placé sous les meilleurs auspices. Ajouta mon loup en indiquant la sortie aux alphas.

La pièce se vida dans les secondes qui suivirent, beaucoup moins silencieusement et de manière bien moins organisée qu’au moment de l’arrivée.

Michael et moi fermâmes la marche, ce qui me permit d’analyser tranquillement les différentes personnalités que je venais de rencontrer.

Concernant Raphaël, ma première impression semblait se confirmer, et je faisais entièrement confiance au jugement de Michael à son sujet. Lawrence et Graham me paraissaient sinon dignes de confiance, du moins tout à fait fréquentables. En revanche, je m’interrogeais sérieusement sur le compte de Carson. Il n’avait pas ouvert la bouche une seule fois durant ce court entretien, et quelque chose me disait que ça n’avait rien à voir avec une hypothétique timidité et tout à voir avec une volonté manifeste de ne pas nous adresser la parole. Je comprenais le choix de Thomas de ne pas traiter avec lui pour s’adresser au loup auquel il souhaitait poser quelques questions.

Quoi qu’il en soit, ce tournoi promettait d’être intéressant. 

 

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