Le premier à réagir fut Van. Son regard se fit glacial et ses épaules semblèrent s’élargir alors qu'il prenait conscience, le premier, du sens des mots de Marli.
La seconde d'après, le chaos éclata dans le jardin.
« Qui ? Où ? Comment ? Y a-t-il des blessés ? » Les questions fusèrent de toutes parts et Marli eut bien du mal à renseigner tout le monde.
Michael écouta, en silence, les réponses de la louve mais désigna dans le même temps une dizaine de ses loups les plus dominants et leur dit d'aller l'attendre dans la cours juste devant la maison.
Les loups s’exécutèrent sans poser de question et mon estomac se noua.
- Michael, je...
- Amour, j'ai besoin que tu restes ici.
- Je ne vais pas rester là à me tourner les pouces alors que...
- Si ! Trancha-t-il. J'ai besoin que tu restes ici... S'il te plaît...
Son regard émeraude se fit plus doux et il exprima tout ce qu'il n'avait pas besoin de dire à voix haute.
« Si tu viens, je vais te protéger et je ne pourrai pas protéger mes loups »
C'était l'éternel dilemme de mon compagnon, le choix impossible à faire. Eux ou moi.
Je hochai la tête et caressai sa joue furtivement.
- Va... Je reste. Assure-toi que nos loups ne me donnent pas trop de travail à votre retour.
Il embrassa mon front et se déshabilla.
- Je coupe le lien. J'ai besoin de toute ma concentration pour le trouver. Je le laisserai ouvert une fois qu'on l'aura trouvé. Si tu ne me sens pas, c'est que je le cherche encore, d'accord ?
Je grimaçai en m'imaginant ignorer le sort de mon compagnon pendant l'éternité que durerait cette traque. Mais avais-je le choix de toute façon ?
- Dès que tu le trouves, tu le remets en place, c'est compris ?
Michael sourit et hocha la tête calmement.
- C'est compris.
L'instant d'après, les yeux bleus nuit de son loup me dévisagèrent et j'y lu suffisamment d'amour et de confiance pour une vie entière.
Michael partit sans un regard en arrière. Ce n'était pas nécessaire, il allait revenir très vite...
Les loups restants dans le jardin affichèrent tous une certaine angoisse sur leur visage.
C'était de circonstance.
Dans tous les cas, il n'était jamais bon qu'une meute se prive de ses lycans dominants. Et là, une bonne partie des plus puissants, venaient de suivre leur alpha dans une traque dont le risque était manifeste.
Je tentai de garder mon calme. Van, le bourreau de Salem, était avec eux.
Il n'aimait pas ce surnom bien même s'il s'en servait lorsque c'était nécessaire. Ce qu'il regrettait surtout, c'était que ce surnom était mérité. À lui seul, il avait mis à mort plus de lycans dissidents ou d'Ulfark que n'importe qui dans la meute.
Ça pouvait paraître cruel, mais la justice lycane ne pouvait pas se permettre de transiger. Les règles, la loi, le secret et le contrôle constituaient une question de survie pour chacun d'entre eux. Il suffisait qu'un seul de ces quatre paramètres ne soit pas respecté et c'était toute leur espèce qui était en danger.
Quant à emprisonner une créature que presque rien ne pouvait retenir, c'était simplement de la folie. La seule issue possible était la mort et tout le monde en avait conscience.
Van tenait le rôle le moins évident de la meute, et pourtant il était nécessaire pour le bien de tous.
Il avait de l'expérience. Il savait ce qu'il fallait faire. Il était, certes, un peu trop exalté parfois, oubliant les risques qu'il se faisait courir à lui-même, mais quand il s'agissait de protéger les siens, je lui faisais confiance. Il ramènerait Michael et les autres.
Je me servis un verre de whisky et l'avalai d'une traite. La chaleur du liquide traça lentement son chemin de ma gorge à mon estomac. Bientôt, elle s'insinuerait dans mes veines, apaisant très légèrement le froid laissé par le lien coupé entre mon compagnon et moi.
Une main ferme se posa sur mon épaule et Tad me sourit en resserrant sa prise.
- Ça va aller. Ils savent ce qu'ils font, ils n'en sont pas à leur coup d'essai.
Je posai ma main sur la sienne avec reconnaissance.
- Oui, je sais, ça ira. Michael est fort et les autres ne sont pas des débutants non plus. Van ne va pas...
Je m'arrêtai de parler en plein milieu de ma phrase, perturbée par un sentiment gênant.
Je n'avais pas vu Julian depuis le départ de Michael. Or, il n'avait pas fait appel à lui, à cause de son inexpérience, sans doute.
- Tu sais où est Julian ? Demandai-je à Tad.
Il se tourna vers le reste de la meute et fronça les sourcils.
- Je le croyais au fond du jardin, à côté du banc en pierre. Les gars, vous avez vu Jul ? Demanda-t-il à l'assistance.
Un concert de nons et plusieurs haussements d'épaule lui répondirent.
J'entrai dans le salon par la baie vitrée grande ouverte et me dirigeai vers l'escalier. Julian était peut-être remonté dans sa chambre pour attendre le retour des autres.
Je grimpai deux marches avant que Tad ne m'arrête.
- Attends, Lucy. Son odeur me mène dans l'entrée.
Me précipitant à la suite de Tad, je passai la porte à l'avant de la maison et suivis le regard du lycan.
- Il est parti... Chuchota-t-il. Il les a suivi...
- Merde ! Braillai-je
Tad soupira avant de se déshabiller.
- Sa piste est encore fraîche, si je fais vite, je pourrai le rattraper.
- Non, attends. Tu n'es pas complètement remis, ça pourrait être dangereux.
- Ça ira, je vais juste le rejoindre et le ramener. Je n'ai pas l'intention de me mettre en danger.
Je grinçai des dents en serrant les poings.
- Sérieux ? Pourquoi as-tu dit ça ? Maintenant c'est sûr qu'une merde va te tomber dessus. Tu ne regardes jamais de films d'horreur ?
Un petit sourire nerveux s'afficha sur ses lèvres.
- On n'a pas vraiment le choix de toute façon. La meute a besoin des dominants restants pour ne pas céder à la panique. Et si Julian les rejoint, il risque de les distraire dans leur traque, ou pire, pendant le combat. Annonça-t-il.
- Marli peut gérer la meute pour l'instant. Elle sait se faire obéir. Je viens avec toi. Ajoutai-je.
- Mauvais idée. Si Michael l'apprend, il va me faire la peau.
- Si tu me laisses sur le carreau, c'est moi qui te ferai la peau. Le menaçai-je en croisant les bras. On va juste récupérer le gamin et on rentre. Michael n'a même pas besoin de le savoir. En plus, tu connais l'entêtement de Jul. Il est plus dominant que toi, s'il refuse de te suivre, tu ne pourras rien faire. Alors qu'il sera obligé d'obéir à la femelle alpha.
Tad gronda en baissant les bras.
- Est-ce que tu t'y prends comme ça pour faire plier Michael ? Parce que je commence à comprendre pourquoi il finit toujours par tout te céder.
- Tu n'as pas envie de savoir comment je m'y prends, mais ça a beaucoup plus à voir avec la passion qu'avec la raison.
Mon poing se porta à mes lèvres tandis que ma langue poussa l'intérieur de ma joue.
Tad écarquilla les yeux et rougit de la base du cou à la naissance de ses cheveux, au dessus du front.
Je souris en tapotant son épaule. Tad était quelqu'un de bien, mais rarement à l'aise avec la gente féminine.
J'en rajoutais parfois parce que je trouvais que ça le rendait mignon à bien des égards. Il n'était pas prude, c'était un lycan après tout, mais ma référence imagée à une fellation l'avait clairement choqué.
- OK... Murmura-t-il avant de se racler la gorge. Peut-être qu'on devrait se mettre en chemin, maintenant.
Je hochai la tête et repartis comme une fusée avertir Marli de nos plans.
Loin d'être enchantée par la perspective de prendre le rôle de dominante pendant notre absence, elle essaya bien de m'en dissuader, mais ma décision était prise et Tad m'attendait sous le porche.
J'attrapai les clés de Michael et fonçai jusqu'à son Hummer. Si Julian refusait de nous faciliter les choses, nous aurions bien besoin de toute la place à l'arrière du véhicule pour le ramener sous sa forme lycane.
Les reflets bleutés du pelage gris de Tad s'irisèrent dans le faisceau de mes phares et je le laissai partir devant, la truffe plaquée au sol, trottant à belle allure.
J’espérai que Julian n'avait pas décidé de couper à travers bois parce qu'aucun sentier ne me permettrait de suivre Tad.
Le loup s'engouffra dans le sous-bois qui bordait la route et je jurai en frappant mon volant.
Heureusement, quelques secondes plus tard, il réapparut en bordure de mon champs de vision, son pelage brillant par intermittence entre les arbres.
Au moins, Julian n'avait pas fait preuve d'imprudence. Il avait suivi la route sans rester à découvert.
Je suivis Tad de longues minutes avant d'arriver à un carrefour. Je mis mon clignotant à droite. Lawrence nous avait annoncés avoir vu l'Ulfark à proximité du Bush's Pasture Park et j'anticipai la direction du Lycan pilote.
Pourtant, après un petit coup d’œil pour vérifier l'absence d'autres véhicules que le mien, celui-ci traversa la route et continua tout droit.
Je fronçai les sourcils en essayant de déterminer quel chemin avait pris les loups pour se rendre à destination. « Nouvel itinéraire » marmonna mon GPS intérieur.
Au carrefour suivant, je m'attendais de nouveau à tourner mais Tad bondit sur le toit du magasin juste en face de moi et poursuivit son chemin toujours tout droit.
Heureusement, à cette heure avancée de la nuit, les rues étaient vides. Je pouvais suivre mon loup, le nez toujours en l'air, cherchant sa silhouette sombre chaque fois qu'il passait d'un toit à l'autre.
J'ignorais dans quel quartier il m'avait menée. Ne faisant attention à ce qui m'entourait que pour vérifier que la route était toujours libre. Je freinai finalement quand Tad ne passa pas au toit suivant. L'avais-je manqué ? Avait-il fait demi-tour ? Non, il se serait manifesté d'une manière ou d'une autre.
J'avisai l'endroit où je me trouvais et le quartier m’apparut familier, bien plus que je ne l'aurais voulu.
Le bâtiment sur lequel Tad n'avait pas voulu sauter portait l'enseigne « Miller's Garage » et je ne comprenais pas ce qu'on faisait ici. Le Miller's Garage, c'était celui de Tad.
Je me garai sur la bas-côté de la route et sortis en regardant tout autour.
Tad bondit du toit sur lequel il s'était arrêté et atterri devant moi.
- Qu'est-ce qu'on fait là ? Demandai-je en levant les mains, paume vers le ciel. J'espère que tu n'es pas là pour récupérer quelque chose au garage, on n'a pas de temps à perdre.
Le loup gémit et jeta un coup d’œil au bâtiment avant de plaquer sa truffe au sol et d’éternuer.
Quelque chose clochait. Nous n'étions pas au bon endroit. Et si Julian se trouvait effectivement au garage de Tad, comme celui-ci essayait de me le faire comprendre, c'est que nous avions un problème.
- L'Ulfark est là lui aussi ? Lui demandai-je en serrant les poings.
Le lycan hocha la tête et je jurai en réfléchissant rapidement.
Je n'avais pas emmené mon portable. Non pas qu'il m'ait été d'une quelconque utilité, Michael ne répondrait pas sous sa forme de loup. Quant à notre lien, j'avais beau me concentrer pour le chercher au fond de moi, je ne le sentais toujours pas. En même temps, si mon compagnon recherchait le loup renégat du côté du parc, il n'était pas près de le trouver et n'avait donc pas de raison de réanimer notre connexion.
Je devais décider quoi faire. J'étais seule avec un lycan en phase de guérison, et supposément avec un jeune loup qui avait foncé tête baissée, sans réelle expérience du combat. Je pouvais décider de faire demi-tour et aller chercher de l'aide, ou alors j'essayais de régler la situation moi-même.
Je n'étais pas sans défense et je m'étais entraînée à utiliser mon fouet de l'enfer, depuis mon combat contre Sorcha, plusieurs mois plus tôt.
Et puis étais-je capable de tourner les talons en abandonnant Julian sans rien tenter ?
Tad dut percevoir quelque chose dans ma façon de serrer les dents parce qu'il tenta de me pousser vers le Hummer pour que je remonte à l'intérieur.
- Arrête Tad ! On ne va pas laisser Julian, seul avec cette chose. Dis-je en le contournant. Toi, rentre à la maison, préviens Marli et les autres. Je vais le tenir à distance le temps que les renforts arrivent.
J'avançai déjà en direction du garage mais Tad s'interposa une nouvelle fois entre le bâtiment et moi.
Il me regarda quelques secondes et comprit visiblement qu'il ne me ferait pas changer d'avis.
C'est à ce moment-là qu'un couinement de douleur égratigna mes oreilles.
Il venait de l'intérieur du garage et je n'avais pas besoin de vérifier, ce couinement provenait d'un de mes loups.
Je m'élançai en direction du bâtiment, Tad sur mes talons.
Le rideau de fer à l'avant du garage était plié et arraché par endroit. On pouvait s'estimer heureux que la rue soit commerçante. Le bruit n'aurait pas manqué d'ameuter un quartier d'habitation.
Je me glissai par l'ouverture et aussitôt, mes yeux s'adaptèrent à l'obscurité du lieu. Je pouvais remercier la meute et les pouvoirs que m'avaient conféré mon union avec Michael.
Je cherchai rapidement Julian du regard mais Tad se jeta sur moi et nous atterrîmes dans un coin, juste derrière une Corvette fraîchement repeinte. Une silhouette sombre fendit l'air juste à l'endroit où nous nous tenions quelques secondes plus tôt. OK, il était rapide et acharné celui-là.
Accroupie, le dos au mur, je le vis atterrir sur le toit de la Corvette avant d'entendre son grognement menaçant. Tad lui répondit en claquant des mâchoires.
La carrosserie grinça sous son poids et se mit à crisser quand ses griffes s'enfoncèrent dans le métal alors qu'il nous surplombait de toute sa hauteur. Il avançait lentement, des gouttes de sang mêlées de salive dégoulinant de son museau.
J'attrapai Tad par le cou et le plaquai au sol de toutes mes forces. La dernière chose que je voulais, était de le blesser par inadvertance. Il ne montra aucune résistance et s’aplatit au sol autant qu'il le put.
Puisant profondément en moi, j'allai chercher le filament incandescent qui ne cessait jamais vraiment de brûler, toujours prêt en cas de besoin.
Je tendis ma main libre devant moi et le filament se déploya comme un élastique qu'on avait un peu trop tiré en arrière.
Il claqua très exactement entre les pattes de l'Ulfark qui fit un bond de côté, surprit par le bruit et les étincelles jaillissantes.
Le métal de la carrosserie avait fondu juste au point de contact.
Je pouvais le faire !
Diriger mon pouvoir uniquement contre l'Ulfark, sans blesser les miens. Mais encore fallait-il que je localise Julian pour pouvoir l’éviter.
Je me focalisai sur la menace pour l'instant. Le loup hors de contrôle était encore sonné par mon attaque et je profitai de sa surprise pour lancer mon fouet dans sa direction. Cette fois, je n'essayai pas de le faire s'écarter mais bel et bien de le toucher et quelques poils de son pelage grésillèrent quand je réussis à le frôler.
Une fois encore, il s'était écarté juste à temps.
Je grondai de frustration en me relevant.
Nous ne nous quittions pas des yeux et je savais que ça constituait un défi pour lui, mais je ne pouvais pas me permettre de détourner le regard. Pas alors que j'avais deux de mes loups qui comptaient sur moi pour les protéger. Bon OK, ils ne le voyaient peut-être pas ainsi mais c'était ce qu'une dominante était censée faire. Et à cet instant, encore plus que d'habitude, j’étais leur femelle alpha. Je maintins Tad dans mon dos et reculai lentement vers le rideau de fer par lequel nous étions entrés.
- Tad... Chuchotai-je. Est-ce que tu vois Julian quelque part.
Le silence me répondit et je ne pouvais pas vérifier s'il m'avait entendue. Je présumai donc qu'il était en train de le chercher. Quelques secondes plus tard, un jappement assuré résonna et je pris ça pour un « oui ».
- D'accord. Tu vas voir comment il va et je m'occupe de l'Ulfark. Je vais l'occuper pour qu'il ne s'approche pas de vous.
Tad gémit dans mon dos et sa truffe se posa une seconde contre mes reins.
- Ça va aller. Il évite mon filament, il a peur du feu, on dirait.
Je ne m'attardai pas sur la signification de mes paroles quant à son comportement anormal. Nous aurions bien le temps, plus tard, d'y réfléchir posément.
Mon loup s'écarta de quelques pas et je vis l'Ulfark changer de cible à la seconde où il remarqua son mouvement.
Mon fouet claqua juste devant ses pattes.
- C'est moi ton ennemie, petite enflure ! M'écriai-je. Allez ! Regarde-moi !
En périphérie de mon champs de vision, je pouvais voir Tad s'approcher d'une masse immobile que j'identifiai comme Julian. Un instant, la panique m'étreignit le cœur, mais je me repris bien vite en me concentrant de nouveau sur l'Ulfark.
Compartimente, Lucinda. Compartimente. Chaque chose en son temps.
Je me déplaçai latéralement pour me trouver sur sa trajectoire s'il décidait d'attaquer Tad et balançai ma main en avant pour lui rappeler ce qu'il risquait à charger dans ma direction.
Ses yeux injectés de sang s'illuminaient de rouge chaque fois que mon pouvoir s'approchait de son museau. Pourtant, il trouvait toujours le moyen de l'éviter au dernier moment, un peu comme s'il me narguait.
L'Ulfark gronda de plus belle lorsque Tad rejoignit finalement Julian.
- Il respire ? Tad ! Dis-moi qu'il respire, bon sang !
Je savais qu'il ne pouvait pas me répondre mais l'inquiétude m'empêchait d'être totalement cohérente.
De toute façon, Tad savait très bien se faire comprendre quand c'était nécessaire.
Je fis claquer mon filament une fois de plus entre les pattes de mon adversaire alors qu'il essayait de me contourner pour sauter sur mes loups.
Il bondit en l'air et atterrit sur le toit d'une Camaro bleue que je reconnue comme celle de Tad.
J'avais déjà laissé des traces de brûlure partout sur le sol en béton de son garage, si j’abîmais un peu sa voiture mais que je lui sauvais la vie, il n'allait pas m'en vouloir... Enfin je l’espérais.
Je me décalai une nouvelle fois pour être dans la ligne de mire de l'Ulfark.
Tad ne m'avait toujours pas répondu et des images de moi devant annoncer la nouvelle de la mort de Julian à Van ne cessaient de surgir dans ma tête.
Je risquai un coup d’œil derrière moi. Juste pour vérifier qu'ils étaient encore là, juste pour me rassurer, juste pour...
Grosse erreur, Lucinda !
Lorsque je reportai mon regard sur la Camaro, il avait disparu et un frisson remonta de mes reins à ma nuque.
Il m’observait, dans le noir, quelque part, ses yeux étaient braqués sur moi. Je ne le voyais pas mais j'en avais la certitude. Comme quand, petite, je sortais de la chambre du foyer où je vivais et que je ne savais pas ce qu'il y avait dans le noir. Je savais seulement qu'il y avait quelque chose.
J'entendis la voix de Michael dans ma tête.
« Un Ulfark c'est l'instinct sauvage, la fureur, la traque et le désir de mort, amour. Il ne t'épargnera pas, jamais. S'il t'attrape, tout est fini. »
Je pris une grande inspiration et m'élançai à l'opposé de Tad, toujours au-dessus de Julian, le protégeant de son corps.
Je tentai le tout pour le tout.
Aucun prédateur ne pouvait résister au besoin de poursuivre une proie en mouvement. C'était pour ça que mon compagnon m'avait toujours dit de ne pas fuir devant un loup en colère. C'était aussi pour ça qu'il n'avait pas pu résister à l'envie de me traquer quand j'avais fui ses avances, au début. Et aujourd'hui, je faisais tout le contraire de ce qu'on m'avait inculqué, si profondément que ça relevait, à présent, de l'instinct.
J'avais besoin qu'il sorte de sa cachette pour redevenir la chasseuse et non plus la proie.
J'entendis le bruit d'outils chutant au sol en résonnant dans le silence de la nuit.
Je l'avais fait bouger. J’espérais seulement qu'il m'avait poursuivie et qu'il avait momentanément oublié mes loups.
Je n'avais pas le temps de me retourner pour le vérifier.
Je plongeai sous un établi qui me bloquait le chemin et j'en profitai pour me retourner, dos au sol.
Ça fit mal. Mon dos cogna durement contre le béton mais, alors que je glissai de l'autre côté, j'eus la vue dégagée.
Et je vis parfaitement l'Ulfark bondir sur ses pattes arrières, sauter par dessus l'établi et prendre la trajectoire parfaite pour atterrir directement sur moi.
Je n'allais pas avoir le temps.
L'adrénaline courrait dans mes veines et je tendis les mains juste devant moi en criant de toutes mes forces pour déployer mon filament aussi vite que je le pouvais
Une ombre floue passa juste au-dessus de moi. Si près que l'air qu'il déplaça agita les cheveux qui s'étaient échappés de ma tresse.
Tel un boulet de canon, l'ombre cueillit l'Ulfark dans les airs, alors qu'il n'était plus qu'à quelques centimètres de moi, et l'envoya valdinguer contre le mur opposé.
Une longue inspiration... J'avais arrêté de respirer... Je ne savais pas qui était mon sauveur mais il avait gagné une place dans mon cœur.