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10 janvier 2022 1 10 /01 /janvier /2022 18:00

Je me réveillai seule dans mon grand lit et c'était assez rare pour être noté. En général, Michael me réveillait s'il devait partir tôt. Ou, s'il me laissait dormir, c'est qu'une partie de la meute prenait sa place. Combien de matin avais-je passé à m'éveiller au son du ronflement doux du loup de Van, parce qu'un antérieur lupin s'enfonçait dans mes reins ou parce que Marli engueulait un de ses clients dans son sommeil... ? Je ne les comptais plus. C'était mon quotidien, je l'avais accepté depuis un petit moment, maintenant.

Alors, ce silence, dans la pénombre de ma chambre, me semblait un peu trop étrange.

Tâtonnant à l'aveuglette, je cherchais la chaleur du corps de mon compagnon, sans succès. Les draps de son côté étaient froids. Il avait quitté notre lit depuis un bon moment.

Me redressant avec difficulté, je m'adossai à la tête de lit et clignais plusieurs fois des paupières. Les images de la veille me revenaient en mémoire et j'essayais de ne pas me laisser happer par les sentiments négatifs que ça pouvait générer chez moi.

Aucune lueur ne passait par les fentes du volet électrique. Il faisait encore nuit.

Je m'étirais avec précaution, en profitant pour faire l'état des lieux de mon corps. J'étais percluse de petites douleurs que je n'avais pas vraiment envie d'analyser avant de me regarder dans un miroir.

Mais ça allait devoir attendre.

Je me levai et cherchai rapidement de quoi me chausser en passant mon pied nu sous le lit. Le pic électrique de souffrance qui éperonna ma hanche me fit pousser un cri et me dissuada de poursuivre mes recherches.

Tant pis ! Je descendis au rez-de-chaussée pieds nus.

Le soulagement d'être arrivée au salon toute seule ne fut que de courte durée. Il n'y avait pas un chat… Et pas plus de lycans.

Avec un soupir déchirant, j'entrouvris la porte qui menait au sous-sol et les bruits qui en émanèrent, confirmèrent mes craintes. La meute était réunie dans la grande pièce qui faisait office de salle de réunion. Et ça… Ça voulait dire encore plus de marches à descendre. Ravalant mon grognement, j'entrepris la descente avec résignation.

Des voix s'élevaient jusqu'à moi et, si je ne comprenais pas tout puisque tout le monde parlait un peu en même temps, je sentis sans difficulté que le sujet provoquait l'inquiétude chez mes loups.

- … tendu dire que c'étaient pas les premiers

- … d'autres cas à Medford

- … et à Eugène

- Un truc dans l'air ?

- Ouais c'est ça, un truc dans l'air qui transforme les lycans en ulfarks, et pourquoi pas de la poussière de fée aussi ?

- Ferme-là ! Au moins, je propose des trucs !

- Tu racontes des conneries surtout.

- Qui raconte des conneries, connard ? Viens me dire ça en face !

- Mais bordel, je suis juste en face de toi, là. À qui tu parles, espèce de crétin ?

 

D'accoooord... Donc la discussion était plutôt tendue. C'était souvent le cas avec les loups. Quand on peut tout résoudre ou presque en défonçant tout sur son passage, on a tendance à devenir nerveux quand il n'y a rien à casser.

J'arrivai enfin au bas de l'escalier et poussai la porte qui donnait sur la grande salle.

Michael était assis sur son trône d'alpha, face à tous ses loups, pour la plupart en tailleur par terre. Bon, ce n'était pas vraiment un trône avec des dorures et tout ce qu'on s'attendait à y trouver, mais un chouette fauteuil club en cuir noir. C'était simplement une formalité, permettant à la meute de s'asseoir un cran en dessous de sa position... Un truc de hiérarchie comme les lycans les aimaient tant.

Je l'avais taquiné plus d'une fois, lui promettant de lui trouver une réplique du trône au mille épées d'acier valyrien. Mais selon lui, le loup géant règne sur le nord et le trône de fer convient mieux aux dragons.

J'aimais bien encourager son petit côté geek. Même si j'aimais de tout mon cœur le Michael Alpha, j'aimais aussi entretenir toutes ses petites lubies très humaines.

Mais pour l'heure, mon compagnon se tenait dans son fauteuil comme s'il avait souhaité être n'importe où sauf ici.

La tête reposant contre son poing, il assistait aux invectives de ses loups en silence, attendant visiblement que les choses se calment d'elles-mêmes… Ou au contraire, qu'elles s'enveniment une bonne fois pour toute.

Il se redressa dès qu'il me vit apparaître et son air mécontent m'apprit qu'il aurait préféré que je reste au lit. C'est ça, compte là-dessus.

Je le rejoignis en slalomant entre les lycans assis par terre, passant mes doigts brièvement dans la chevelure du loup qui venait d'élever la voix, juste avant mon arrivée. Le contact rassurant d'un de ses alphas l'aida apparemment à se détendre.

Je m'assis sur l'un des accoudoirs du fauteuil de Michael et lui souris innocemment.

Mon compagnon ouvrit la bouche pour, semblait-il, protester. Finalement, après un soupir vaincu, il posa sa grande main sur ma cuisse et reporta son attention sur la meute.

J'étais assez fière de moi. Il commençait enfin à comprendre que je prenais mes propres décisions.

- Comme je le disais donc avant cette interruption, Frasier est mort cette nuit après être devenu ulfark. Il a attaqué Julian qui est en train de se remettre de ses blessures. Tad se repose aussi. Dans l'ensemble, on s'en sort plutôt bien. Mais on a eu de la chance, je ne vous le cache pas. Lucy a été blessée et je ne sais pas ce qu'il serait arrivé sans l'intervention de Carson.

Un léger murmure s’éleva de la salle. Visiblement, tout le monde se demandait ce que l'alpha de Crater Lake venait faire dans cette histoire. Et certains s'étonnaient même qu'il se soit interposé entre l'ulfark et moi.

Pauvre Carson. sa réputation n'était pas très bonne de son vivant. Il méritait mieux que ça.

- Il m'a sauvé la vie. Clamai-je haut et fort. Et il y a laissé la sienne

Le volume sonore de la salle s’amplifia d'un seul coup, comme si j'avais lâché une bombe. Je me tournai à nouveau vers Michael qui me regardait comme si c'était effectivement ce que je venais de faire.

Oups

- Tu ne leur avais pas encore dit, c'est ça… ? Demandai-je à voix basse.

- Non, en effet.

Je grimaçai et passai les dix minutes suivantes à tenter de calmer nos loups assez longtemps pour expliquer la situation au mieux.

Quand le silence revint enfin et que les circonstances de la mort de Carson, ainsi que de celle de l'ulfark, furent expliquées, Michael put reprendre la parole.

- Pour l'instant, nous ne connaissons pas la cause de ces transformations. Alors, essayons de ne pas envisager d'hypothèses sans fondement. Dit-il, en fixant le loup qui avait parlé d'un truc dans l'air. Les autres alphas et moi-même allons trouver la raison de ce problème. Mais pour l'heure, nous allons faire preuve de prudence avec ce que l'on sait.

L'ambiance électrique persista même après que Michael eût annoncé des mesures de sécurité. Il faut dire qu'ignorant à quoi nous avions vraiment affaire, il était délicat d'apporter une réelle solution au problème. Mon compagnon décida, pour l'heure, qu'aucun lycan ne devait rester seul. Nous accueillerions ceux qui souhaitaient rester auprès de nous. Quant aux autres, ils devraient trouver un moyen d'être toujours accompagnés par au moins un autre loup.

Des binômes ne tardèrent pas à se former. Au delà de la nécessité d'obéir à un ordre de l'alpha, les loups étaient efficaces lorsqu'il s'agissait de travailler en équipe.

- Ma Jenny ne va pas apprécier… Gémit Riley à l'intention de son tout nouveau partenaire.

- Ta femme sait très bien dans quoi elle a mis les pieds en t'épousant. Le rassurai-je.

Le loup me contempla d'un air dubitatif.

- Tu accepterais, toi, que Michael ramène un autre loup vivre avec vous, pour une durée indéterminée ?

Je levai un sourcil, incrédule.

- Enfin… Je veux dire à part Julian… Et euh… Nous… Tous… ? Ouais, bon, ok je me tais, ça va le faire.

- Même si elle est humaine, Jenny sait que les petits sacrifices que l'on doit faire de temps en temps pour être avec le loup que l'on aime, en valent la peine. Lui répondis-je, tout en souriant à mon compagnon.

Un éclair d'amusement passa dans ses prunelles.

- Une vraie martyre… Laissa-t-il échapper.

Je haussai les épaules en voulant avoir l'air indulgente mais toutes les zones douloureuses de mon corps s’éveillèrent en même temps et je grimaçai.

Une martyre… oui, c'était une bonne définition.

 

Je n'avais pas vu Van lors du rassemblement dans le sous-sol. Mais j'avais une idée assez précise de l'endroit où j'allais le trouver.

Michael m'aida à remonter jusqu'à notre chambre, mais au lieu d'y pénétrer, je poursuivis mon chemin jusqu'au bout du couloir. J'allais frapper à la porte de la chambre de Julian quand un mouvement attira mon attention à la périphérie de mon regard.

Assis par terre et adossé au mur, Van me fit sursauter quand je réalisai qu'il était caché dans les ténèbres.

- Il s'est endormi. M'avertit-il en parlant tout bas.

Je m'approchai doucement et tentai de m'accroupir face à lui. Mes muscles douloureux protestèrent et je décidai finalement de me laisser tomber sur les fesses, sans aucune grâce.

- Comment va-t-il ?

Van haussa les épaules en soupirant.

- Il dit qu'il a une commotion cérébrale.

- Hum… Grommelai-je. S'il arrive encore à dire de telles bêtises, c'est qu'il ne va pas si mal. Et puis… Tu es là pour le protéger. C'est bien ce que tu fais, n'est-ce pas ? Mais tu sais que Farkas est mort. Personne ne viendra l’embêter pendant qu'il se remet.

Van haussa les épaules une fois de plus.

Il fallait qu'il arrête ce mode de communication quasi mutique, ou du moins qu'il attende que je puisse en faire autant.

- Les vieilles habitudes ont la vie dure. Il est toujours sous ma protection.

Michael s'assit, à son tour, aux côtés de son lieutenant.

- Tu lui as parlé ? Lui demanda-t-il. Il t'a dit comment il a trouvé l'ulfark au garage ?

Van soupira en collant sa main sur son front.

- Il a une théorie qui mérite d'être écoutée en tout cas.

- Et toi, tu en penses quoi ? Demandai-je à mon tour.

- Franchement, je crois qu'il tient quelque chose… Mais s'il vise juste, ça va soulever un paquet d'autres questions.

Les minutes suivantes, Van s'employa à nous expliquer les hypothèses de Julian. Nous prîmes le temps de l'écouter sans l’interrompre.

Il y avait du bon sens dans chacune de ces théories. Et ce n'était pas une bonne nouvelle.

Si on mettait de côté la précipitation avec laquelle on avait réagi à cette alerte — et je serais foutrement mal placée pour parler — Il restait néanmoins un problème.

Lawrence nous avait mené sur une mauvaise piste.

Restait à savoir si ç’avait été intentionnel ou non. Quoi qu'il en soit, il allait falloir que nous ayons une très sérieuse discussion avec lui.

Mon compagnon resta silencieux bien plus longtemps que je ne m'y attendais avant de relâcher un long souffle fatigué.

- Un alpha est mort et on se retrouve avec toute une meute orpheline. Murmura-t-il. Si Lawrence est impliqué, que ce soit en nous cachant la localisation réelle de l'ulfark ou même, pourquoi pas, dans l'apparition de ces ulfarks, il va avoir des comptes à rendre. Et je ne suis pas sûr qu'on puisse se permettre de perdre deux alphas dans la région en si peu de temps.

- Ça ne sert à rien de faire des suppositions, tant qu'on n'a pas eu sa version. Mais dans tous les cas, il faudra tenir compte des conclusions de Julian lorsqu'on l'interrogera et peut-être même le faire participer à la discussion.

Michael se tourna vers Van avec perplexité.

- Lawrence sera moins enclin à nous livrer tous les détails si on est trop nombreux.

- Avec tout le respect que je te dois, Boss, on sait que Jul est l'un des dominants de cette meute. Rien que ça, ça devrait lui assurer une place à cette réunion. En plus de ça, son rôle dans toute cette histoire est prépondérant. Et puis… Je crois que ça renforcerait son attachement à la meute…
- Pourquoi aurait-il besoin de renforcer son attachement à la meute, demandai-je en soulevant un sourcil perplexe.

- Disons, qu'au delà de l'attachement, il a surtout besoin de constater qu'on a confiance en lui, en sa version. Il est parti seul à la recherche de l'Ulfark parce qu'il pensait que nous n'allions pas l'écouter ni le croire. Grimaça-t-il.

Je savais ce qu'il faisait. Il prenait sur lui la culpabilité qui nous revenait à tous. Nous aurions dû nous rendre compte des craintes de l'un des nôtres.

Michael appuya sa tête contre le mur derrière lui et ferma les yeux en poussant un long soupir.

- Mais tu lui as dit qu'il se trompait, n'est-ce pas ? M'assurai-je auprès de Van, même si je doutais peu de la réponse.

- Bien sûr que oui, Lucy. Il m'a cru, je pense. Mais si une preuve de confiance venait de son alpha... S'il l'invitait à participer à une discussion importante… Enfin, tu vois, ça aurait plus d'impact.

Je cognais mon épaule contre la sienne en souriant.

- Tu fais un bon lieutenant quand tu veux… Ou alors, c'est parce que c'est Jul… ?

Il me regarda d'un air outré.

- Je ne sais même pas comment tu fais pour me traiter d'incompétence et de favoritisme dans une seule et même phrase, tout en la faisant passer pour un compliment.

Je grimaçai. Ça n'avait pas été mon intention.

- La vie d'un lycan est rarement de tout repos, intervint Michael. Mais pour la plupart d'entre nous, les épreuves arrivent à partir de notre transformation. Le cas de Julian est plus compliqué. Il en a bavé bien avant de devenir loup. Et c'est aussi ton cas, Van. Et tu as, toi aussi, éprouvé des difficultés à établir une confiance mutuelle avec la meute, au début. Je crois que Julian et toi vous ressemblez plus que tu ne l'imagines. Si tu penses qu'il a besoin d'un signe de ma part pour se sentir ici à sa place, alors je vais t'écouter et lui accorder ça.

Je tendis la main par dessus les jambes de Van et agrippai celle de mon compagnon. Son côté « alpha raisonnable » me faisait craquer.

Van attrapa mon poignet entre son pouce et son index d'un air dégoûté et reposa ma main sur ma jambe.

- Beurk ! Ok, trop de sentimentalisme pour moi ! Faites vous des papouilles, mais pas quand je suis entre vous deux, merci.

Je ris et le regrettai aussitôt quand un pic de douleur me rappela ma pauvre condition.

- Tu as l'air de beaucoup souffrir. Constata mon ami en redevenant sérieux.

- Je suis une boule de douleur, que dis-je, je suis l'incarnation de la douleur. Non en fait, quand on regarde à « douleur » dans l'encyclopédie, on trouve ma photo.

- Et pourtant, elle trouve toujours quelque chose de mieux à faire que de se reposer. Ajouta Michael.

- Les guérisseurs font les pires malades, reconnus-je.

- Tu devrais peut-être voir un médecin, hasarda Van. Tu as bien un ami qui bosse à l’hôpital, non ?

Michael pencha légèrement la tête pour m'observer et une longue mèche de cheveux noirs glissa sur son front.

- Je n'irai pas voir Ray, répondis-je au lieutenant. Mais en réalité, ma réponse était plutôt destinée à rassurer mon compagnon.
Je n'avais plus vu ni contacté Ray depuis cette fameuse soirée d'inauguration à l’hôpital. Ça remontait à des mois et je n'étais jamais restée si longtemps sans lui parler depuis que je le connaissais. Il me manquait, bien sûr. Nous avions été ami durant de nombreuses années, après tout. Du moins, c'était ce que je pensais. J'avais finalement découvert que ses sentiments pour moi n'était pas de la même intensité que les miens. Si je l'aimais comme un ami très cher, lui m'aimait de manière un peu plus romantique. Et il était évident que je ne pouvais pas lui rendre la pareille. Ajoutez à cela que, la dernière fois que nous nous étions vus, j'étais repartie de la soirée à laquelle je l'accompagnais, avec Michael et que ça avait été le début de notre couple officiel.
Bref, je n'avais pas encore assez mal pour mettre de côté ma lâcheté.

Ne souhaitant pas m'attarder sur le sujet, je pris appui sur l'épaule de Van et me relevai péniblement.

Le pic de douleur me fit presque gémir à voix haute. Heureusement, je me contentai de crier dans ma tête.

Finalement, j'allais peut-être devoir faire preuve de courage.

 

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11 février 2019 1 11 /02 /février /2019 12:05

Les Chroniques de Vanniel

 

Les doigts serrés sur le volant du pick-up, je pris une grande inspiration dans l'intention de me calmer. Je devais mesurer mes gestes et contrôler ma force. Le volant grinça et je lui grognai dessus en réponse. M'extirpant du véhicule, j'allais rejoindre l'arrière en claquant la portière, pour aider Julian à descendre du plateau.

Je me retournais quand un bruit de grincement métallique se fit entendre. La portière penchait dans un angle bizarre et la carrosserie était enfoncée là où s'était trouvée ma main.

Au temps pour moi ! Je n'allais pas pouvoir contrôler ma force avant un bon moment.

Je grimpai sur le plateau d'un bon et jetai un coup d’œil à Tad. Il avait préféré rester sous sa forme de loup. C'était un choix logique. Trop de transformation dans un laps de temps trop court risquaient de rallonger sa période de guérison.

Mais dans cette situation, ça signifiait que je ne pouvais pas vraiment compter sur lui pour transporter Julian à l'étage et le mettre au lit.

Je passai un bras sous celui du jeune loup et l'aidai à descendre du véhicule avec autant de délicatesse qu'il m'était possible d'en avoir... À savoir, pas beaucoup.

Julian gronda quand le contact de ses pieds sur le sol le secoua un peu trop à son goût.

Ça fait mal ? demandai-je avec un peu trop de satisfaction dans la voix.

Ta gueule ! marmonna-t-il.

Compte là-dessus, petit con.

Tad gémit à côté de moi et rentra dans l'immense baraque de Michael en soupirant.

J'aidai Julian à gravir les marches du porche mais marquai une pause une fois devant la porte d'entrée.

Tu as eu de la chance Jul... T'es vraiment con, tu sais.

Je n'avais pas envie de tourner la tête vers lui. À vrai dire, je n'avais même pas envie de le regarder. J'étais énervé, ou plutôt agacé... Non en fait, j'étais carrément en rogne et cette tête brûlée ne méritait pas que je le regarde. Il m'avait fait peur. Je détestais avoir peur.

Mais comme il ne répondait rien, je finis par lui jeter un coup d’œil.

Sa mâchoire était contractée, les os se dessinaient un peu trop sous sa peau claire. Pas même une ombre de barbe à l'horizon. Il avait vraiment une peau de bébé, quelque chose qui n'avait jamais changé même après sa première transformation... Et putain, depuis quand est-ce que je remarquais ce genre de chose ?

Je dégageai mon bras de son aisselle et l'aidai à s'appuyer contre le mur à côté de la porte d'entrée. Et puisque j'avais ma main de libre, j'en profitai pour lui envoyer une baffe derrière la tête.

Hé ! gronda-t-il. J'ai sûrement une commotion cérébrale, je te signale.

Oh, la ferme ! Les lycans n'ont pas de commotion cérébrale et ça vaut encore plus pour toi qui as la tête dure.

Un petit sourire ironique passa sur ses lèvres.

Tiens donc, c'est plutôt amusant venant de ta part.

Je fronçai les sourcils, moi ça ne m'amusait pas.

Ça n'a rien de drôle, Jul, grimaçai-je. Je suis beaucoup plus vieux que toi, moi j'ai gagné le droit d'être une tête brûlée, je sais me défendre contre un Ulfark, j'en ai tué plus souvent qu'à mon tour. Mais, bordel, qu'est-ce qu'il t'a pris ?

Je voulais juste vérifier un truc, répondit-il avec réticence.

Tu voulais vérifier un truc ? enrageai-je littéralement. Tu te fous de ma gueule ? Tu crois que ça va me suffire comme explication ?

Julian sursauta légèrement.

Non je ne me fous pas de ta gueule, grinça-t-il. Mais ça ne tenait pas debout.

Qu'est-ce qui ne tenait pas debout ?

Apparemment, j'allais devoir lui tirer les vers du nez, ce soir.

Tout ! En fait, rien n'allait dans ce que Lawrence nous a dit.

Explique-toi, lui demandai-je en retrouvant mon calme.

Ok ! Comme tu le sais, on a décidé de loger les meutes à Faye Wright, Morningside et Sunnyslope. Ces trois quartiers sont attenants mais suffisamment grands pour que les meutes n'aient pas l'impression d’empiéter les unes sur les autres. D'un autre côté, chaque quartier se situe suffisamment près des rues commerçantes pour que les loups puissent participer à l'économie de la ville pendant leur séjour. Ainsi, les lycans n'ont pas de raison de se déplacer en dehors d'un petit périmètre facile à sécuriser.

Le jeune loup avait commencé à s'animer en m'exposant sa théorie, mais il semblait attendre un signe de ma part.

Continue, ajoutai-je donc.

Le Bush's Pasture Park, là où Lawrence nous a assuré que se trouvait l'Ulfark, est beaucoup plus au nord que ces quartiers. Il se trouve largement en dehors de ce périmètre défini. Si un lycan, Ulfark ou non, s'était déplacé jusque là, l'un des patrouilleurs en charge de la surveillance ce soir l'aurait forcément su et il aurait prévenu Michael.

Je soupirai. Son argumentation se tenait mais il comportait aussi des failles.

Jul... Sérieusement ? On n'est pas si nombreux que ça. Ce soir, il y avait cinq patrouilleurs pour assurer la surveillance de la ville. Paul aurait pu, tout simplement, passer entre les mailles du filet, ce sont des choses qui arrivent.

L'attitude de Julian changea du tout au tout, se refermant face à mon air dubitatif, il croisa les bras.

Admettons, m'accorda-t-il. Mais dans ce cas, on aurait été prévenu bien avant qu'il atteigne le parc parce qu'il aurait fait un véritable carnage.

Cherchant à suivre son raisonnement, je me concentrais sur ses paroles et retraçais dans ma tête, le parcours qu'aurait dû suivre Paul pour atteindre le parc en question. Et effectivement, tout sembla soudain évident.

South Central... murmurai-je.

Oui South Central, acquiesça-t-il. Il aurait du le traverser en entier pour atteindre le parc et il doit y avoir des milliers de résidences et autant de familles humaines qui vivent dans ce quartier. Comment un Ulfark aurait-il pu passer à côté de toutes ces proies potentielles sans en attaquer une seule. Et s'il en avait attaqué ne serait-ce qu'une, à coup sûr, un voisin aurait contacté la police et comme on suit leur fréquence, on aurait été prévenu. C'était impossible qu'il se soit rendu aussi loin de son point de départ.

Merde alors ! Comment on avait pu passer à côté de ça ? Pourquoi aucun de nous n'avait-il additionner deux plus deux.

Nous avions été si pressés de partir en chasse, enflammés par notre victoire au match de hockey, que nous avions totalement négligé la logique.

Mais à vrai dire, ce n'était pas tout à fait exact. L'un d'entre nous avait su utiliser son cerveau quand nous ne pensions qu'à utiliser nos muscles. Julian avait été plus futé que tous les lycans dominants de la meute.

Pourquoi tu n'as rien dit ? demandai-je en tentant de ne pas prendre un ton exaspéré. Juste avant notre départ, tu aurais pu nous dire tout ça.

Parce que vous m'auriez écouté, peut-être ? Je n'ai pas encore de position définie dans la meute, Michael ne me fait pas assez confiance... Même toi, tu n'as pas confiance en moi...

Les yeux de Julian évitait sciemment les miens, se fixant sur le plancher et sa mâchoire était si contractée que c'était un miracle qu'elle ne se bloque pas.

Ça, c'est complètement faux, Jul, bien sûr que j'ai confiance en toi.

Il reporta un regard surpris sur moi, avant de fermer les yeux et de soupirer longuement.

De toute façon, ma parole n'aurait pas valu grand chose face à celle de Lawrence. On n'avait aucune raison de douter de son information.

À cet instant, il semblait si résigné, comme s'il avait baissé les bras depuis longtemps. Il était beaucoup trop jeune pour avoir déjà baissé les bras. Je n'aimais pas ça.

Posant mes deux mains sur ses épaules, je le secouai un peu pour qu'il rouvre les yeux et me regarde.

Arrête de dire des conneries, maintenant. le réprimandai-je. Tu fais partie de la meute, on s'en fout que tu aies une place dans la hiérarchie ou non. Ta parole aura toujours plus de valeur aux yeux de l'alpha que celle d'un autre alpha. Il y a des meutes qui fonctionnent mal dans ce monde, Julian. Des meutes qui ne donnent aucune importance aux individus qui la composent. Mais nous ne faisons pas partie de ce genre de meutes. Nous sommes une famille, et si tu ne l'as pas encore remarqué, c'est que tu es passé à côté du plus important. Maintenant, je vais te dire une chose, dans une famille, on s'entraide, on ne laisse pas l'un de nos membres partir seul, on l'accompagne, on le protège. Et... il est possible que par certains côtés, j'ai parfois pu l'oublier moi-même, mais j'espère que maintenant tu l'as compris. Aucun de nous ne te laissera tomber, aucun de nous ne t'abandonnera à ton sort, aucun de nous ne pensera jamais que ta parole n'a pas de valeur. Et si tu en doutes, alors viens me trouver, moi je t'écouterai.

Cette fois-ci, il ne détourna pas le regard. Au contraire, ses yeux semblaient s'arrimer aux miens comme si j'étais une bouée de sauvetage. Quelque part, ça me faisait peur. Quelque part, ça me faisait plaisir.

Tout à coup, sa tête partit en avant et je crus un instant qu'il avait vraiment une commotion cérébrale. Mais ses bras, jusqu'alors inertes, m'entourèrent et c'est avec tout son corps qu'il s'agrippa à moi. Il posa son front sur mon épaule et je sentis son souffle rapide réchauffer ma peau.

J'ai passé beaucoup de temps à me débrouiller tout seul... murmura-t-il. En fait, même avant de devoir régler mes problèmes moi-même, on peut pas dire que ma famille ait été là pour moi... Enfin, pour le vrai moi. Mais je crois que je comprends ce que tu veux dire.

Moi, je n'étais pas sûr de savoir ce qu'il voulait dire.

Ça n'avait pas d'importance, pas sur le moment, pas encore.

Je levai lentement une main et la posai sur sa tête, au sommet de son crâne. Il n'avait pas même une bosse. Commotion cérébrale, mon cul !

Je laissai glisser mes doigts dans ses cheveux. Ils étaient vraiment soyeux, très fins, une vraie caresse sous mes doigts.

La prochaine fois, tu ne la joues pas cavalier solitaire, d'accord ? Tu es encore sous ma protection, je te rappelle.

Quelques cheveux flottaient doucement au-dessus de sa tête, s'infiltrant entre mes doigts, me chatouillant le nez. Julian était plus grand que moi depuis son changement. Oh, pas de beaucoup, mais il avait besoin de se courber un peu pour appuyer son front sur mon épaule. Sa nuque était dégagée et sa rondeur me donnait envie de la toucher. Sa peau était plus pâle à cet endroit qu'à tous les autres endroits de son corps... Bon, enfin peut-être pas tous...

Je fis glisser mes doigts jusqu'à sa nuque, tout simplement parce que j'avais envie de le toucher, là, juste là.

Un frisson l'agita tout entier et je me figeai une seconde.

Qu'est-ce que je foutais, bordel ?

D’abord le baiser sous la douche et maintenant ça... Mais si j'étais honnête avec moi-même, je devais bien m'avouer que tout avait commencé bien avant ça.

Est-ce qu'il sentit mon hésitation ? Sans doute, parce que son étreinte se fit plus solide.

Il releva la tête lentement mais posa son front contre le mien, cette fois-ci. Ses yeux plantés dans les miens.

Tu as eu peur pour moi. murmura-t-il.

Ce n'était même pas une question. Il prenait confiance, le gamin.

Je refusais de reculer, ce n'était pas un gosse qui allait me mettre mal à l'aise.

Et puis ma main, toujours sur sa nuque, était confortablement installée, bien au chaud sous sa masse de cheveux blonds et anormalement doux...

Tu as le chic pour te mettre dans les emmerdes, on dirait.

Van...

Ce n'était qu'un murmure. En fait, je n'étais même pas sûr de l'avoir entendu. Mais j'avais senti son souffle sur mes lèvres quand il avait prononcé mon nom.

Un prénom pouvait-il voguer ainsi, sur le souffle d'une personne ? À cet instant, j'aurais pu jurer que oui.

Je fermai les yeux. Les siens étaient trop bleus, trop proches, et j'avais l'impression de m'y noyer.

Je fermai les yeux. Parce qu'à cet instant, c'était la seule chose qu'il y avait à faire... Parce que c'était ce qu'on faisait quand on allait être embrassé... N'est-ce pas ?

Je fermai les yeux et j'attendis.

Une seconde... Deux secondes... Trois secondes...

Il ne se passa rien.

L'étreinte de Julian se desserra et soudain le vent froid s'engouffra entre nos deux corps.

Une fraction de seconde plus tard, la porte d'entrée s'ouvrit et Tad passa la tête entre celle-ci et le chambranle.

C'est quand vous voulez, les gars, marmonna-t-il. Le reste de la meute est là et ils sont complètement flippés, vous voulez pas me donner un coup de main pour les rassurer par hasard ?

Je jetai un coup d’œil à Julian mais il ne me regardait même pas. Il se tenait à un bon mètre de moi.

C'est bon, on arrive.

Je passai un bras sous celui du jeune lycan et le fit pénétrer à l’intérieur en s'appuyant sur moi. Il ne se fit pas prier.

Dans le salon, une bonne quinzaine de loups étaient réunis. Les moins dominants étaient restés à l'abri avec les soumis, comme le protocole l'exigeait. On ne les mettait jamais en danger, tout du moins, aussi peu que possible.

La position des plus dominants de la meute, dont je faisais partie, nous conférait une autorité naturelle sur eux, mais elle s'accompagnait d'un devoir intrinsèque. Celui de les protéger coûte que coûte.

Mon loup s'agita dans ma tête. À cet instant, chacun des lycans présents affichait une expression soucieuse. Mon instinct de protection s'activa sur le champs.

Tout va bien, les gars ! On a eu chaud mais toute la meute s'en est bien sorti.

Je préférais passer sous silence la mort de Carson pour l'instant. L'information les aurait plus perturbés qu'autre chose et en l'absence de l'alpha, je ne voulais pas renforcer leur sentiment d'insécurité.

Pourquoi il y a encore eu un Ulfark sur notre territoire ? demanda Alan, un lycan d'une cinquantaine d'année, arrivé bien avant moi dans la meute, mais dans la tranche basse des dominants.

Je l'ignore, Alan, soupirai-je. Ce sont des choses qui arrivent, j'imagine.

J'essayais vraiment de ne pas les effrayer mais ils étaient loin d'être stupides.

Deux Ulfark en deux jours, ça n'arrive pas, Van, reprit-il. Je n'ai jamais entendu parler de ça.

Écoutez, je sais que la situation est bizarre. Je comprends que vous vouliez des réponses, mais pour l'instant, je n'en ai pas. Le danger est passé. Ceux qui veulent rentrer chez eux le peuvent, les autres, vous pouvez rester. Michael et Lucy ne devraient plus tarder à arriver.

Je ne tenais pas à m'attarder. Ce n'était pas mon rôle de leur balancer des hypothèses potentiellement foireuses sur le sujet, mais celui des alphas.

Je gravis donc les marches sans me retourner, aidant toujours Julian à poser un pied devant l'autre.

Une fois arrivés devant la porte de sa chambre, je la poussai d'un coup de pied et entrai de biais pour lui permettre de passer sans problème.

La chambre était propre et bien rangée. J'y étais déjà venu mais ça datait de l'époque où il n'était encore qu'un gringalet dont la première transformation n'arrivait pas. Aujourd'hui, je l'évitais comme la peste.

Je l'approchai du lit et le fit tomber dessus sans ménagement. Il n'était pas en sucre non plus.

Son long corps rebondit un peu sur le matelas avant de s'y enfoncer légèrement.

Il tourna finalement son regard sur moi et fronça les sourcils.

Pourquoi tu ne leur as pas dit pour Carson ?

Je haussai les épaules en soupirant.

Ils sont déjà assez inquiets comme ça, répondis-je. Je préfère que Michael s'en occupe. Il saura mieux les gérer.

On dirait que tu cherches toujours à fuir tes responsabilités de lieutenant... Sauf avec moi.

Je tiquai légèrement. Ce gamin était vraiment trop perspicace pour son âge.

Que veux-tu ? On dirait bien que tu es mon fardeau personnel.

Un grand sourire éclaira ses traits et il ressembla à nouveau au loup insouciant avec lequel j'avais l'habitude de composer.

Il souleva son bassin du matelas en posant ses mains sur sa braguette et poussa un petit cri de douleur.

Remontant une main à sa nuque, il la frotta un peu en me lançant un regard suppliant.

Je ne peux pas me déshabiller seul, en plus le pantalon de Tad est trop petit pour moi, je n'arriverai jamais à dormir avec ça.

Je l'aurais bien traité de vantard mais ayant, moi aussi, enfilé les vêtements de rechange que Tad gardaient au garage, je devais reconnaître que tout était beaucoup trop à l'étroit.

Assieds-toi, comme ça tu n'auras pas besoin de t'appuyer sur ta nuque pour enlever ton pantalon.

J'aurais dû partir à cet instant. Je le savais. Alors pourquoi restais-je planté au milieu de la pièce ?

Allez Van, mon cœur... Un petit coup de main... S'il te plaît.

Qui tu appelles ton cœur ? soupirai-je en m'asseyant malgré tout au bord de son lit.

Bébé ?

Je grondai.

Mon chou ?

Un autre grondement.

Mon petit poussin des îles ?

Je plaquai ma main sur sa bouche en lui lançant un regard noir.

Arrête tes conneries maintenant, tu as besoin de te reposer pour guérir. Tu me chercheras un surnom demain.

Il écarquilla les yeux et tourna sa tête sur le côté pour dégager ses lèvres. Bien sûr, sa nuque ne lui faisait plus mal à ce moment-là.

Ça veut dire que tu n'es pas contre l'idée que je te donne un petit nom affectueux ?

Ça ne veut pas...

Je faillis m’étrangler sur la fin de ma phrase.

Julian venait d'entrouvrir ses lèvres et aspirait l'un de mes doigts dans sa bouche.

Je grondai en regardant mon doigt disparaître entre ses lèvres. Sa langue caressait ma peau et embrasait mon épiderme dans des endroits pourtant très éloignés de sa bouche.

Jul... Arrête... haletai-je.

Prenant ma main dans la sienne, il la posa sur son torse glabre.

Pourquoi ? demanda-t-il avec un sourire lubrique. Ça n'a pas l'air de te déplaire.

Suivant son regard, je constatai l'ampleur de la bosse qui déformait l'avant de mon propre pantalon... Bordel, ce truc était définitivement trop petit pour moi.

Jul... C'est pas possible... Toi et moi c'est... Je ne peux pas...

Son sourire disparut dans la seconde, sa mâchoire se crispa et il lâcha ma main dans le même temps.

J'entrepris de déboutonner son pantalon et lui retirai en tirant le tissu au niveau de ses chevilles.

Je ne pouvais rien faire de plus pour lui. Il y avait des choses qui ne changeraient jamais en ce monde, des choses que, même moi, ne pouvaient pas combattre. J'avais déjà essayé et j'avais déjà trop perdu.

Je me levai et me dirigeai vers la sortie.

Ma main se figea sur la poignée quand il prononça mon nom d'une voix morte.

Tu avais envie que je t'embrasse, tout à l'heure sous le porche. Je le sais, tu en avais envie.

Eh bien... Que pouvais-je dire ?

Je pressai la poignée et sortis sans un mot.

Je ne voulais pas lui mentir.

 

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11 octobre 2018 4 11 /10 /octobre /2018 12:33

Je descendis du Hummer avec autant de difficulté que j'en avais eu pour y monter.

Comme l'avait annoncé Lawrence, des membres de notre meute nous avait rejoints.

Quand Michael avait senti, à travers notre lien, que je n'étais plus chez nous, avec le reste de la meute, il avait craint une attaque. Il avait alors envoyé ses lieutenants auprès du reste de la meute, tandis qu'il se dirigeait avec Van, en direction de l'endroit que lui indiquait notre connexion.

Marli n'avait pas tardé à nous rejoindre avec son mari. Elle nous avait apporté des vêtements propres et je n'avais pas été mécontente de pouvoir me changer. Ç'avait été toute une gymnastique pour empêcher mon visage de toucher les substances douteuses qui s’étaient accrochées à mon haut, lorsque j'avais enfin pu le retirer. Il était bon pour la poubelle... Un de plus.

Depuis que je fréquentais aussi assidûment les lycans, ma garde-robe fondait comme neige au soleil...

Il nous avait fallu une partie de la nuit pour nettoyer les lieux. Je n'étais pas rentrée dans le garage, j'en était incapable.

Puisque Michael était auprès de moi, je m'étais permis d'être à nouveau lâche. Alors j'avais laissé les lycans se charger des dépouilles de Paul et Carson. J'ignorais exactement ce qu'elles allaient devenir.

À la place, j'avais essayé d'aider les loups de Crater Lake. Le mot important, ici, étant « essayer ».

Je m’inquiétais encore de l’apathie dans laquelle la mort de leur alpha les avait plongés.

Plus j'y réfléchissais et plus je m'en voulais de la hâte avec laquelle j'avais jugé Carson.

Il n'avait pas hésité à sacrifier sa vie pour sauver la mienne. Et dans le même temps, il avait ordonné à ses loups de rester hors du garage. Il avait fait passer leur sécurité en premier.

Il avait été un bon alpha, et aujourd'hui, sa meute était orpheline. J'ignorais même si un lieutenant était capable de reprendre le flambeau. Et si ce n’était pas le cas, qu'allaient-ils devenir ?

C'est avec toutes ces questions en tête que je claudiquais jusqu'à la maison.

Mes blessures n'étaient pas graves, mais je n'avais pas le métabolisme des loups et paradoxalement, j'étais incapable de me soigner moi-même. J'allais déguster pendant quelques jours, notamment le temps qu'il faudrait à ma peau pour repousser à certains endroits de mon corps dont je ne préférais pas penser pour l'instant.

Un instant, l'idée d'appeler Ray pour lui demander une aide médicale, me traversa l'esprit. Mais j'oubliai bien vite cette option. J'avais blessé mon ami en choisissant Michael plutôt que lui. Pour ma défense, je n'avais pas envisagé un seul instant, qu'il ait pu me voir comme autre chose qu'une amie pendant les années qu'avaient durées notre amitié.

Le pire était que je savais que si je l'avais appelé à l'aide, il serait venu dans la minute malgré tout. Je ne m'en sentais que plus coupable.

Je me dirigeai donc jusqu'à la porte d'entrée. Les marches du porche furent un calvaire à gravir mais je n'autorisais pas Michael à m'aider, pas devant nos loups. J'avais une réputation de dure à cuire à entretenir.

La meute entière était dans mon salon, chaque centimètre carré semblait occupé par un lycan. Je lisais la curiosité sur leur visage. Thomas s'approcha pour me prendre dans ses bras mais je lui fit signe de ne pas me toucher.

- Pour l'instant, je suis juste une boule de douleur. Lui confiai-je. Je suis super partante pour un câlin mais dans quelques temps, quand ma peau aura retrouvé sa couleur normale. Pour l'instant les bleus s'épanouissent un peu partout sur moi.

Thomas acquiesça silencieusement et je posai le pied sur la première marche de l'escalier qui menait à l'étage.

D'accord ! je pouvais le faire !

Au bout de mon ascension se trouvait ma chambre, et dans ma chambre trônait un lit super confortable.

Michael soupira derrière moi et jura avant de me faire un cocon au creux de ses bras.

- Allez ça suffit ! Tu me laisses t'aider.

Je grimaçai, mais je ne savais pas si c'était à cause de mon corps en souffrance au moment où il le souleva, ou si mon ego blessé n’appréciait pas que la scène se déroule devant toute la meute.

Michael m'emporta jusqu'à notre lit et m'y déposa en douceur avant de m'enlever mes chaussures.

- Tu as très mal ? On aurait du aller à l'hôpital. Regretta-t-il.

- Non, je veux juste rester ici. J'ai mal, c'est vrai, mais je suis vivante, tu es vivant, nos loups vont bien. On a de la chance, alors je veux juste me reposer ici et en profiter, parce qu'un lycan est mort cette nuit, pour que je puisse profiter de tout ça.

Michael s'allongea auprès de moi et m'attira contre lui avec mille précautions.

- Il ne le saura jamais, mais je lui serai éternellement reconnaissant pour son sacrifice. M'avoua-t-il.

- Il n'a pas souffert... Je ne crois pas. C'est arrivé si vite. Mon dieu, Michael, est-ce qu'il avait une femme, une compagne ? Je ne le connaissais pas, je ne savais rien de lui.

Mon compagnon caressa doucement mes cheveux en prenant soin de ne pas appuyer contre ma peau.

- Il n'avait personne à ma connaissance. Mais on va se renseigner. Sa meute saura sûrement qui il faut prévenir.

- Et eux ? Que vont-ils devenir ? Demandai-je avec inquiétude.

- Pour l'instant, ils vont rester avec la meute de Raphaël. C'est une meute avec de nombreux loups âgés et assez dominants pour assurer leur protection le temps qu'ils reprennent leurs esprits. Ensuite on avisera...

- Ils avaient l'air tellement perdu. Quand Carson est mort, j'ai cru qu'ils avaient perdu l'esprit.

- C'est à cause du lien qui connecte un alpha à chacun de ses loups. M’expliqua-t-il. À travers ce lien, un alpha peut savoir si ses loups sont en danger, il peut leur imposer sa volonté et s'assurer de la cohésion de la meute. Un bon alpha ne l'utilisera pas à mauvais escient mais le lien va dans les deux sens. Le lien a été sectionné brutalement et c'est comme une partie d'eux qui s'en est allé avec lui.

Je relevais doucement la tête pour plonger dans ses beaux yeux verts.

- Tu as déjà connu ça, toi ?

Je ne savais pas ce que je préférais. Je n'aimais pas l'idée qu'il ait connu une telle souffrance, mais si ç'avait été le cas et qu'il s'en était si bien remis, cela me semblait encourageant pour les loups de Carson.

- Non, je n'ai jamais été attaché à mon premier alpha, il n'était pas assez dominant pour moi, et j'ai quitté Raphaël en bons termes pour fonder ma meute.

Finalement j'étais soulagée.

J'essayais de me redresser un peu mais Michael me retint dans ses bras, visiblement peu enclin à me relâcher.

- Tu ne m'as jamais parlé de ta transformation, il me semble. Ni de ta vie d'avant... Murmurai-je.

Un léger haussement d'épaule accompagna le sourire qui fleurit sur ses lèvres.

- Tu ne m'as jamais posé la question. Répondit-il énigmatiquement.

J'attendis qu'il poursuive mais son silence se prolongea. Je soupirai en haussant les sourcils à son attention.

Un rire le secoua doucement.

- J'ai été transformé par une louve.

Je fronçai le nez... Oh, cette histoire n'allait pas me plaire.

- Tu couchais avec elle ! L'accusai-je immédiatement.

- Eh bien... Je suis né au sein de Five Point, à Manhattan au dix-neuvième siècle. Mes parents ont eu sept enfants, autant te dire qu'on ne roulait pas sur l'or. La louve qui m'a transformé appartenait à l'aristocratie, elle était riche et jolie, donc... Pour répondre à ta question, oui, je couchais avec elle.

J'écarquillais les yeux en prenant conscience de plusieurs choses. D'abord, Michael était né dans le célèbre bidonville de Five Point. J'essayais de l'imaginer au côté de Léonardo Dicaprio dans « Gangs Of New York » mais l'image que j'avais de lui ne collait pas du tout avec l'ambiance du film.

Ensuite, je découvrais que mon compagnon avait eu des frères et des sœurs dont j'ignorais l'existence jusqu'à maintenant. Bien sûr, ils étaient tous morts depuis longtemps mais j'avais un peu la sensation d'être dans les bras d'un étranger.

- Mon père est mort quand j'avais neuf ans... Ou peut-être dix, je ne me souviens plus. Enfin c'était pendant la guerre de sécession. Ma mère a fait de son mieux mais les temps étaient durs et pour manger on avait l'habitude de chaparder ce qu'on trouvait. J'ai fait plusieurs passages en prison jusqu'à l'age de dix-huit ans. Ma mère était très malade à ce moment là et elle avait déjà perdu deux fils, morts en prison. Alors elle m'a fait promettre de ne plus jamais y retourner. Elle nous a quitté quelques semaines plus tard et j’étais son fils le plus âgé alors j'ai cherché un moyen plus honnête de subvenir aux besoins de mes frères et ma sœur.

J'en restai bouche bée. Moi qui pensais connaître Michael, je découvrais tout un pan de sa vie dont il ne parlait jamais. Il avait fait de la prison alors qu'il n'était qu'un enfant et plus tard, il avait eu ses frères et sa sœur sous sa responsabilité. Ce n'était peut-être pas étranger au fait qu'il soit devenu alpha, une fois lycan.

Je l'encourageai à continuer son histoire d'un hochement de tête.

- C'est là que j'ai rencontré Katherine. Contre quelques pièces, je m'occupais des jardins dans les beaux quartiers.

Je poussai un gémissement de protestation.

- Ah ! Tu plaisantes j'espère. La riche aristocrate et le jardinier ? Tu n'as pas trouvé encore moins original que ça ?

Michael rit et embrassa mon front.

- Pardonne-moi si mon histoire est trop clichée pour toi, Amour.

Je levai les yeux au ciel et lui fis signe de poursuivre.

- Katherine était l'épouse de l'Alpha qui contrôlait tout le territoire de New York. Elle prétendait descendre des colons du Mayflower mais je me demande si elle n'était pas, elle-même, l'une d'entre-eux. Bien sûr, à cette époque, j'ignorais tout des loups, et pour moi, ils n'étaient qu'un couple de riches bien mal assortis, comme les mariages arrangés en ont tant produits. Commenta mon compagnon. Je n'ai jamais su pourquoi ils avaient eu l'idée de se marier. Je crois qu'elle l'a aimé à un moment donné, mais de son côté à lui, j'ignore ce qu'elle pouvait lui apporter.

- Ce n'était pas sa compagne. Devinai-je.

- Non, et en général, les lycans ne s'unissent pas entre-eux s'ils ne sont pas liés par le destin. Un mariage, c'est un engagement qui n'est pas pris à la légère pour nous. Surtout pour ceux d'entre nous qui sont nés à une époque où le divorce n'était pas ou peu autorisé. Nos loups sont plus instinctifs, mais ils sont influencés par les valeurs inculquées à leur humain. Ils répugnent à se lier éternellement à celui ou celle qui ne leur est pas destiné. Alors entre Katherine et son mari, les conflits étaient permanents. La meute vivait dans la crainte des colères pharaoniques de la femme de leur Alpha.

- Et c'est cette femme que tu as choisi pour maîtresse ? Grimaçai-je. Je ne sais pas trop comment le prendre. Tes goûts en la matière semblent quelque peu douteux.

Michael éclata de rire et m'embrassa.

- Mes goûts se sont améliorés avec le temps. Me rassura-t-il. Mais à l'époque, c'est plutôt elle qui m'a choisi que le contraire. Et je n'avais même pas encore vingt ans, je te rappelle. Quand une riche épouse jetait son dévolu sur un gamin des bas quartiers comme moi... Il ne se faisait pas prier et s’exécutait.

- Charmant. Soupirai-je.

- Le monde était différent alors, la société était différente. Il est difficile de juger une situation de l'époque avec les critères inhérents à la société actuelle.

Bon, ça je pouvais effectivement l'admettre.

- Katherine était douce avec moi, elle était belle, riche et éduquée. Je la voyais comme une pauvre épouse délaissée par son mari. Elle me voyait comme une distraction bienvenue. Au moins au début. Mais au bout d'un moment, elle a cessé de se cacher. Au contraire, même, elle se donnait du mal pour que son mari apprenne notre liaison. J'ai cru qu'elle voulait se venger de lui et j’étais tout disposé à l'aider à exercer sa vengeance. Mais je crois finalement qu'elle avait un dernier espoir que le loup de son époux ouvre les yeux et la prenne pour compagne. Bien sûr, ça n'a pas fonctionné. Il est rare que l'instinct d'un lycan le trompe à ce sujet. Quand elle a vu que ça ne marchait pas... Quand l'alpha a appris notre liaison et n'a même pas essayé de l’empêcher... Elle a changé de comportement avec moi. Elle est devenue plus autoritaire, plus possessive. J'ai voulu mettre un terme à notre relation et elle a semblé l'accepter.

Je me figeais dans les bras de mon compagnon. Son récit s'aventurait sur un terrain de plus en plus malsain et je compris qu'il arrivait à son terme.

- Un soir, elle m'a fait venir dans sa chambre. Je savais ce qu'elle voulait mais je n'avais pas l'intention de céder. Alors elle s'est mise à pleurer. Ajouta-t-il dans un soupir. Je sais que j'ai de nombreux défauts mais je n'ai jamais supporté de faire pleurer une femme. J'ai été faible. Je n'ai jamais pu condamner totalement son geste parce que quelque part, je suis fautif aussi d'avoir laissé faire une dernière fois, une toute dernière fois. Cette nuit reste flou dans ma mémoire. Je me souviens m'être endormi à ses côtés et puis... La douleur, le sang... Je me souviens avoir pensé à mes frères, à ma sœur, j'ai pensé que je ne les reverrai plus jamais. Ensuite plus rien.

Je me suis réveillé en présence de l'Alpha.

C'est lui qui m'a tout expliqué. Katherine a essayé de me retenir dans sa vie de la seule manière qu'elle connaissait, la contrainte. Elle n'avait pas perçu que je serais plus dominant qu'elle.

Je me blottis un peu plus fort dans les bras de Michael. Il semblait en paix avec la façon dont il avait été transformé. Pour ma part, si je croisais cette salope, je lui referai le portrait au chalumeau.

- Et ensuite ? Qu'est-ce qu'elle est devenue ? Demandai-je avec curiosité.

Quoi ? Ce n'est pas un crime de se renseigner.

- Je ne sais pas. Soupira-t-il. Je suis resté quelques mois avec la meute de son mari. Mais après ma première transformation, il m'a demandé de quitter son territoire, alors je me suis exécuté. Il n'y avait plus rien pour moi là-bas. Ma famille me croyait mort ou disparu depuis des mois, je n'avais pas vraiment d'amis au sein de la meute, quant à Katherine, elle a commencé à m'éviter dès que j'ai commencé à me transformer. Je ne l'ai plus revu après et je n'ai pas non plus recherché sa compagnie.

- Et ta famille... ? Demandai-je en caressant doucement son torse comme pour apaiser son cœur.

Michael m'offrit un sourire radieux.

- Je les ai aidé financièrement, de loin, par des moyens détournés. Au début, ce n'était pas grand chose, mais quand j'ai intégré la meute de Raphaël, ma situation s'est assez améliorée pour que je puisse leur donner un vrai coup de main. Ils ont grandi, et ont trouvé leur place dans le monde, je crois.

Il me reste encore de la famille à New York. Je garde un œil sur eux. Ce ne sont pas mes descendants directs mais c'est quand même ma famille. Et quand ils ont besoin de moi, ils savent qui appeler.

Je clignai des paupières plusieurs fois. Comment avais-je pu ne jamais en entendre parler ?

- Ils savent pour toi ? Ils te connaissent ?

Le sourire de mon compagnon se fit tendre tandis que ses yeux se perdaient dans le vague.

- J'ai revu ma sœur à la fin de sa vie. Je rentrais de France avec d'autres membres de la meute de Raphaël après la Libération. Nous revenions avec un nouveau loup, Tad en l’occurrence. Il faisait parti de notre division pendant le Débarquement et...

- Attends ! M'exclamai-je en me redressant brusquement. Je grimaçai, la douleur se rappelant à moi. Tu as participé au Débarquement sur les côtes françaises... Pendant la seconde guerre mondiale ?

- Oui, mais c'est une histoire que je te raconterai une autre fois. M'expliqua-t-il comme s'il me promettait de revenir sur sa dernière journée de boulot.

- Mais non, attends ! Tad a été transfo...

Michael posa un doigt sur mes lèvres avec un sourire indulgent.

- Plus tard, Amour. Si tu te perds en digression chaque fois qu'un détail de ma vie très très longue éveille ta curiosité, cette histoire ne se terminera jamais et tu ne dormiras pas. Or, tu as besoin de repos.

Je reconnaissais bien là mon loup protecteur. Je savais que je n'en tirerais rien de plus tant qu'il estimait que c’était pour mon bien, alors décidais-je de brider ma curiosité, tout en me promettant de revenir au sujet bientôt.

- Je disais donc que nous revenions de France et on était plutôt inquiets parce que Tad ne se maîtrisaient pas encore très bien. On avait pris un bateau et le voyage avait été long, mais c'était quand même la meilleure option avec un jeune loup. Le port était une véritable fourmilière. Je ne me souviens pas l'avoir sentie avant de l'entendre crier. C'est ce qui a attiré mon attention mais je l'aurais remarquée de toute façon, avec l'attroupement autour d'elle. Elle s'est évanouie en me voyant. Elle attendait son petit fils qui n'allait pas tarder à débarquer d'un autre bateau. Au début, elle a cru que j'étais lui, mais quand elle m'a vraiment vu, elle m'a reconnu tout de suite. Quand je l'ai reconnue à mon tour, j'ai confié Tad aux autres loups et je l'ai portée jusqu'à un coin tranquille. Je n'arrivais pas à en croire mes yeux. Elle était déjà une vieille dame mais c'était toujours ma petite sœur.

Michael n'arrêtait pas de sourire en me racontant son histoire et je devinais que c'était un souvenir cher à son cœur.

- Quand elle a ouvert les yeux, je la tenais encore dans mes bras et j'ai bien cru qu'elle allait s’évanouir de nouveau. Me révéla-t-il en riant. Mais non. Elle a posé sa main sur ma joue et l'a tapotée en me disant que je n'étais pas rentré à temps pour le dîner ce jour-là, alors qu'elle avait mangé ma part.

Je ne cherchai pas à retenir le sourire que son anecdote m'inspira.

- Elle est restée dans mes bras jusqu'à l'arrivée de son petit fils et c'est vrai qu'il me ressemblait beaucoup. J'avais une mission à accomplir pour Raphaël et je devais ramener Tad sans encombre alors j'ai du l'abandonner, encore une fois. Mais elle m'a fait promettre de revenir. Et c'est ce que j'ai fait. Chaque année pour son anniversaire, et ce jusqu'à sa mort en 1954.

- C'est une belle histoire, Michael. Dis-je en faisant glisser une mèche de ses cheveux entre mes doigts. Je suis heureuse que tu l'aies revue. Mais qu'est-ce que tu lui as dit... Pour expliquer... Que tu n'avais pas vieilli.

- Ma sœur avait un sacré caractère, déjà petite. Je crois qu'elle avait décidé qu'elle se porterait mieux si elle ignorait certaines choses. Elle ne m'a jamais posé de question. Avant de mourir, elle s'est assurée que je rencontre chacun de mes descendants. Pour eux, je suis une sorte d'ami de la famille, même si je soupçonne certains d’entre-deux d'en savoir plus qu'ils ne le prétendent.

- Et tu les vois encore ? Demandai-je en me réinstallant au creux de ses bras, m'empêchant difficilement de bailler.

- Non, je n'y vais plus depuis sa mort, mais ils savent que j'existe et je les appelle de temps en temps pour m'assurer qu'ils n'ont besoin de rien.

- Tu devrais aller les voir. En fait... On devrait y aller ensemble...

Cette fois je ne pus retenir le bâillement qui faillit me décrocher la mâchoire. Mes paupières se fermèrent toute seule.

- Dors, Amour. Tu tombes de fatigue. Murmura-t-il. Je suis sûr qu'on trouvera bientôt une belle occasion de faire un voyage... Un voyage rien que tous les deux.

J'étais déjà en train de sombrer et le sens des mots de mon compagnon commençait déjà à m’échapper. En revanche, je n'eus aucun mal à percevoir ni le sourire, ni l'espoir dans sa voix.

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11 octobre 2017 3 11 /10 /octobre /2017 17:48

Je clignai des yeux plusieurs fois pour m'assurer que la situation était bien réelle. Une poignée de secondes plus tôt, je m'étais vue morte, le corps déchiqueté par un Ulfark que j'avais volontairement énervé pour qu'il me prenne pour cible.

J'avais tellement bien joué mon rôle, qu'il avait fondu sur moi dès que l'occasion s'était présentée. Il n'allait faire qu'une bouchée de moi... Et pourtant, j'avais échappé à ce sort grâce à l'intervention de mon sauveur.

J'essayai de suivre le combat qui se déroulait à quelques mètres, seulement, de moi.

Le lycan qui était arrivé à la rescousse était brun, presque noir dans l'obscurité du garage, aucune tâche ne venait gâcher l'unité de son pelage. Ses yeux brillaient d'un bleu très clair, presque turquoise, tandis qu'il ne quittait pas l'Ulfark du regard.

Une chose était sûre, ce lycan n'appartenait pas à ma meute.

Les grognements poussés par les deux adversaires étaient assourdissants. Mes oreilles bourdonnaient mais il me fallut quelques secondes pour comprendre que c'était mon propre cœur tambourinant qui était le plus bruyant.

Je n'arrivais pas à détacher les yeux des deux combattants.

Le loup brun sauta sur le dos de l'Ulfark, ses crocs se refermant sur sa nuque. Il secoua la tête mais l'autre courba l'échine si fort que sa peau se déchira.

Privé d'une prise vraiment fiable, le loup glissa sur le côté, un morceau de la nuque de l'Ulfark encore dans la gueule.

Loin de le freiner, sa blessure sembla le faire enrager encore plus. Se tournant d'un bond, le loup sauvage fondit sur sa nouvelle proie encore au sol, qui eut tout juste le temps de se ramasser sur elle-même avant d'envoyer ses pattes arrières en direction du museau de L'Ulfark.

Sa tête partit en arrière dans un craquement sonore qui me fit frémir. Des gouttes de salive atterrirent sur ma joue, me faisant sursauter. Mais quand je regardai mes doigts après l'avoir essuyée, je ne vis que du rouge.

Je haletai, sous le choc. Mes paumes me faisaient souffrir à cause des écorchures que je m'étais faites durant ma fuite. Un de mes genoux avait sérieusement ramassé aussi. J'avais l'impression de réintégrer mon corps petit à petit, et celui-ci se rappelait, à présent, à moi de manière douloureuse.

En même temps que je prenais conscience de ma situation, un bruit commença à attirer mon attention.

Je tournai la tête dans tous les sens pour essayer d'en trouver l'origine.

Par le trou du rideau de fer arraché, je vis une tête apparaître. Une homme me faisait de grands signes et maintenant que je l'avais vu, le son me parvint, plus clair.

- Lucinda ! Criait-il. Lucinda Walker ! Dégage de là ! Ne reste pas à côté d'eux, tu vas te faire buter. Rejoins-nous, putain ! Viens te mettre à l’abri.

Je ne connaissais pas ce type, même s'il me disait vaguement quelque chose.

- Je ne sais pas si elle m'entend. Dit-il à quelqu'un que je ne voyais pas derrière lui. Ou elle est complètement abrutie.

Abruti toi-même ! Viens me chercher au lieu de rester planqué comme un connard !

Une autre tête que je reconnus cette fois, apparut à sa place.

- Lucinda, s'il te plaît... Je sais que tu es sous le choc, mais je t'en prie, essaie de venir jusqu'à nous. Me supplia Ethan Wade.

J'essayai de me déplacer mais mon genou me faisait souffrir le martyre et mon dos me brûla quand je voulus me retourner.

Je serrai les dents et entrepris de ramper jusqu'à l'ouverture du garage.

Ethan m'encourageait, accroupi devant le garage, une main tendue vers moi.

- C'est ça, allez, tu peux le faire...

C'est ça, je pouvais le faire. Espèce d'enfoiré ! Je n'avais pas trop le choix puisqu'il ne semblait pas décidé à venir m'aider.

Je ne devais pas très bien réussir à cacher mes pensées parce qu'il se sentit obligé de se justifier.

- Je ne peux pas t'aider, mon alpha m'a interdit d'entrer à l’intérieur du bâtiment. Allez, n'abandonne pas, je t'attrape dès que je le peux et ensuite on se casse d'ici.

Je me tournai vers le combat qui faisait toujours rage. Si l'alpha de Crater Lake avait ordonné à ses loups de rester à l'extérieur, alors ça signifiait que le loup brun qui m'avait sauvée et était en train de se battre pour me permettre de fuir n'était autre que l'alpha lui-même.

Carson...

Je grondai et étirai le bras en direction d'Ethan. Je n'étais plus qu'à quelques mètres de lui, je pouvais presque toucher le bout de ses doigts qu'il tendait vers moi.

Un fracas inimaginable nous fit tous nous figer en même-temps.

L'Ulfark venait de projeter son adversaire contre la Camaro bleue qui avait dérapé jusqu'au mur en face, sous la force de l'impact.

Je me trouvais sur sa trajectoire, quelques instant plus tôt.

Carson semblait encastré dans la portière qui s'était complètement repliée sous son poids.

L'Ulfark passa à quelques centimètres de moi en se ruant sur le loup brun, inconscient. Il ne m'avait même pas vue, tous ses instincts meurtriers concentrés sur une seule et unique proie.

Je retins ma respiration alors que je m'attendais à tout instant à voir Carson se dégager, parer, ou esquiver l'attaque du loup sauvage.

Il allait ouvrir les yeux, bondir juste au bon moment, c'était obligé, c'était ce qu'aurait fait Van, c'était...

Mes yeux s'écarquillèrent d'horreur alors qu'un concert de cris résonna très fort dans le garage.

- NOOOOOON !!! CARSOOOON !!!

Mon bras se tendit en direction des combattants, mon filament frappa juste à côté de la tête de l'Ulfark, traversa la Camaro dans une explosion d'étincelles et l'avant du véhicule se détacha du reste.

Ma gorge me faisait mal et je ne m'aperçus qu'alors que j'avais crié autant que les loups de Crater Lake, désormais silencieux, à genoux dans le garage, une main sur leur poitrine, les yeux exorbités d'horreur.

Je tremblais de tous mes membres, la tête me tournait et le silence devenait assourdissant. Comment le silence pouvait-il être assourdissant ?

Cependant, il saturait tous mes sens, m'oppressait et m'asphyxiait.

Les lycans de Carson ne pouvaient pas entrer dans le garage... Et pourtant, ils avaient dépassé le seuil en tombant à genoux.

Ils étaient entrés... Ils ne pouvaient pas... Carson... Son ordre...

Un son mouillé... Quelque chose venait de tomber au sol.

C'était un bruit que j'avais déjà entendu et que je ne voulais plus jamais entendre.

Je tournai la tête en direction du bruit. Mon cou ne fonctionnait plus correctement, il pivotait par à-coups, comme si j'étais un putain de robot.

Je savais ce que j'allais voir et mon corps essayait de retarder ce moment.

La tête de Carson tanguait légèrement au sol, sa bouche grande ouverte, sa langue pendait sur ses crocs, ses yeux étaient toujours fermés et ne s'ouvriraient plus jamais.

L'avant de la Camaro de Tad penchait vers l'avant. Elle n'était plus rattachée au reste... Il ne pourrait pas la réparer...

Les larmes brouillèrent ma vue. Comment réparer ce qui a été séparé ?

Des gouttes de sang s’échappaient de la gueule de l'Ulfark et s'écrasaient sur le sol de béton.

Ploc... Ploc... Ploc...

La tête, aux pattes du lycan sauvage, cessa de tanguer. Carson était mort... La tête arrachée.

Au loin, des loups hurlèrent. J'ignorais s'ils appartenaient à la meute de Crater Lake. La mort d'un alpha ne pouvait pas passer inaperçue même pour un loup d'une autre meute... N'est-ce pas ?

J'essayai de me relever.

Pour l'instant, l'Ulfark s'attaquait à nouveau au corps étêté de l'alpha, toujours encastré dans la portière de la Camaro, mais il finirait par s'apercevoir que sa proie était vaincue, et alors... Il se tournerait vers une autre, bien vivante celle-là.

Avec plus de volonté que de force, je repoussai la douleur dans mon genou et mon dos et me remis sur mes pieds.

Je reculai lentement pour ne pas attirer l'attention du monstre bien trop proche de moi.

Je pouvais l'attaquer mais si je ratais mon coup, Ethan et son ami risquait de devenir la cible des représailles de l'Ulfark, sans parler de Tad et Julian, qui étaient toujours dans le garage, quelque part. Et ça, je ne pouvais pas le permettre.

Arrivée au niveau des loups de Carson, toujours à genoux, je pris appui sur l'épaule d'Ethan et tentai de le secouer un peu.

Aucune réaction.

Le lycan était tétanisé. Je ne le voyais même pas respirer.

Je ne savais pas l'effet que pouvait avoir la perte d'un alpha sur ses loups, mais apparemment, ce n'était pas bon du tout.

Passant mes mains sous les aisselles d'Ethan, je le tirai vers l'ouverture, dans le rideau de fer. Si j'arrivais à l'éloigner de quelques centimètres seulement, je pourrais l'arracher au spectacle funeste de son alpha mort, et j’espérais qu'il réagirait enfin.

Mais c'était peine perdue. Le loup pesait trop lourd pour moi, et mes blessures m'empêchaient d'être efficace de toute façon.

Cherchant une meilleure stabilité, je reculai mon pieds droit et mon talon cogna contre une clé anglaise laissée par terre. Le bruit métallique résonna entre les murs et l'Ulfark tourna ses yeux pleins de rage vers moi.

Et merde...

Je me déplaçai aussi vite que je le pus pour me placer devant les lycans de Crater Lake. Ils étaient une cible bien trop facile.

L'Ulfark gronda sans me quitter des yeux. Il esquissa un pas dans ma direction mais, sans même y penser, j'étirai mon filament qui claqua exactement à l'endroit où il se serait trouvé la seconde suivante.

Il se figea et tressaillit en fixant la marque noire à ses pattes.

Je serrai les dents en pensant à Carson. Je ne l'avais pas vraiment connu de son vivant. Il n'avait représenté pour moi qu'un obstacle sur le chemin de Thomas dans sa quête de réponses. Et pourtant, il n'avait pas hésité un seul instant lorsqu'il avait fallu se jeter dans la bataille pour me sauver.

Je me sentais déjà si coupable. Avais-je réellement tenté de tuer l'Ulfark avant l'arrivée de l'alpha ? En avais-je fait assez ? J'avais cherché à le tenir à distance et à détourner son attention de mes loups, certes. Mais ça n'avait pas été suffisant.

Paradoxalement, vivre avec les lycans m'avait rendue lâche. Il y avait toujours quelqu'un pour s’acquitter des tâches les plus ingrates à ma place. Et j'avais laissé faire. Résultat : Carson était mort pour me sauver.

Ça suffisait. Cette fois, aucun loup ne viendrait à notre secours, alors cette tâche me revenait.

Je fis claquer mon fouet à l'endroit exact où se tenait mon ennemi, mais sa rapidité lui sauva une fois de plus la vie.

J'avançai d'un pas et répétai mon geste. L'Ulfark s'écarta mais y laissa l'extrémité de sa queue. Il ne broncha même pas... Mais moi non plus.

Un pas après l'autre, je le forçai à reculer. Je n'étais plus la proie, je n'étais pas non plus la prédatrice. Cette fois, j'étais la justice.

Mon filament voltigeait dans l'air et décrivait de grands arcs enflammés. Ce n'était certainement pas une bonne idée de provoquer autant d'étincelles dans un garage automobile mais mon attention entièrement focalisée sur l'Ulfark ne me permettait pas d'envisager ce danger.

Face à moi, le lycan éructait et bavait de rage. Son arrière-train buta contre le mur et je sus que c'était le moment.

La bête était bloquée, et mon fouet allait frapper. Il bondit en avant, directement sur moi.

Mais cette fois, j'étais prête, mon équilibre était suffisant, et j'avais anticipé son mouvement, celui d'un animal sauvage qui, ne pouvant plus fuir, n'avait d'autre choix que d'attaquer.

Mon filament fusa dans l'air à la vitesse de l'éclair. 

Je l'avais toujours utilisé pour trancher, mais cette fois, il transperça.

L'incandescence troua le pelage, s'insinua dans la chair grésillante de son poitrail et ressortit de l'autre côté, au niveau de son échine. Et quelque part au milieu de tout ça, le cœur de l'Ulfark fut réduit en cendres.

Le corps lourd et sans vie s'écrasa au sol, à quelques centimètres de moi.

Je donnai un coup de pied au tas informe. Il ne réagit pas.

Je relâchai tout l'air de mes poumons et m'aperçus que je retenais ma respiration depuis un moment. J'étais essoufflée et mon cœur battait un peu trop vite.

Je me laissai tomber par terre, de tout mon poids, sur mes fesses. J'aurais des bleus le lendemain mais je m'en moquais pas mal. Au point où j'en étais de toute façon...

C'est à ce moment précis que Michael rétablit totalement notre lien, aussi vif et fort qu'il l'avait été avant son départ.

Je m'allongeai sur le sol de béton dur et froid en éclatant de rire.

Évidemment... c'est maintenant qu'il se manifeste celui-là...

Mon éclat de rire s'étrangla et je plissai les yeux très fort pour enrayer les sanglots qui menaçaient de tout gâcher.

Je sentis la frustration de mon compagnon à travers notre lien, et je reconnus le moment exact où il se rendit compte que quelque chose n'allait pas.

Est-ce qu'il pouvait sentir que je n'étais plus chez nous ? Où alors, ma tristesse et ma douleur faisaient échos en lui ? Dans tous les cas, je sus avec une certitude absolue qu'il était en chemin, qu'il arrivait et qu'il allait me sortir de là.

 

Il ne lui fallut que quelques minutes pour arriver au garage. Je me demandai brièvement comment il avait fait et s'il était capable de voler mais j'oubliai rapidement toutes ces considérations quand je sentis ses bras chauds et rassurants m'entourer puis me porter hors du bâtiment.

Je lui souris pour atténuer un peu le tragique de la situation dans laquelle nous nous trouvions.

- Je vais bien. Tentai-je doucement.

Les narines de Michael frémirent, une veine apparut le long de sa tempe.

Tentative d'apaisement avortée ! Je répète : Tentative d'apaisement avortée ! Quittez le navire !

Je m'agitai pour descendre de ses bras mais mon genou protesta et m'arracha un couinement. La veine de Michael doubla de volume.

Sans un mot, il me déposa sur le trottoir juste devant le garage.

- Michael, je vais bien.

La mâchoire contractée, mon compagnon inspira longuement par le nez et ferma les yeux.

Je caressai doucement sa joue.

- Michael, je...

- Chut ! Tais-toi, Lucinda.

Je me tus.

Après quelques secondes de combat contre lui-même, Michael rouvrit les yeux.

- Dans quel monde as-tu pu penser que te battre contre un Ulfark était une bonne idée ?

Il n'attendait pas vraiment de réponse alors je continuai de me taire.

- Il aurait pu te tuer, il aurait pu t'arracher à moi et je ne l'aurais même pas su. Je me serais reconnecté à toi mais le lien ne se serait rattaché à rien. Il aurait pu...

Sa voix se brisa légèrement et je compris que ses reproches ne s'adressaient pas à moi.

J'attirai son visage dans mon cou et le serrai fort contre moi.

- Carson est mort. Murmurai-je tristement. Il m'a sauvé la vie.

Mon compagnon hocha la tête.

- Je sais. On l'a tous senti quand c'est arrivé. C'est comme ça qu'on a compris qu'on ne cherchait pas au bon endroit.

- Je suis désolée, Michael.

Je ne savais rien des relations qu'il entretenait avec les autres alphas de l'état, mais à ce moment-là, mes mots semblaient appropriés.

C'est alors qu'un loup s'approcha de nous. Sa truffe humide se colla à mon front et je flattai sa joue poilue de ma main libre.

Ses beaux yeux dorés me regardaient avec inquiétude, son pelage fauve était un peu mouillé.

Je me redressai en même temps que Michael s'écartait.

- Van, quelque part dans le garage, il y a Julian et Tad. Je crois qu'ils vont bien mais Jul semblait inconscient. Tu veux bien aller voir ?

Mon ami dressa ses oreilles haut sur sa tête et s'engouffra sans attendre dans le garage.

- Il est vivant. Me confirma Michael.

Je tentai de me lever. Il fallait que j'aille voir ce que je pouvais faire pour Julian.

- Il va s'en sortir tout seul. Gronda Michael en me retenant par la main. Je le sens, son loup est déjà en train de le guérir, laisse lui juste quelques heures.

Je décidai de me lever quand même.

- On ne peut pas rester assis sur ce trottoir. Déjà, c'est un miracle que la police ne soit pas encore là avec tout le bruit qu'on a fait, et quand il vont arriver, ils vont te coffrer pour exhibitionnisme.

Lawrence sortit du garage et nous rejoignit. Je ne l'avais même pas vu arriver. Mais maintenant que je prenais conscience de ce qu'il se passait autour de nous, je me rendis compte que de nombreux loups de ma meute et de celle de Medford étaient présents sur les lieux.

- Je viens d'appeler chez toi. Dit-il à Michael. Ils envoient du monde pour vous chercher. C'est toi qui a tué Paul ?

Je n'aimais pas beaucoup le ton que l'alpha de Medford utilisait en s'adressant à moi mais je préférais me concentrer sur quelque chose de constructif.

- L'Ulfark, c'était Paul ?

Lawrence hocha la tête et renifla avec dédain.

- C'était un homme bien. Il ne méritait pas ça.

Ouais, mais Carson non plus.

- C'est pour ça que tu as conduit notre meute à l'opposé de sa position réelle ? Parce qu'il ne méritait pas de se faire tuer ? Demandai-je en plantant mon regard dans celui de Lawrence.

Alors je sais, je l'ai dit et répété, ce n'est jamais une bonne idée de défier un loup dominant, mais bordel, j'étais fatiguée, j'avais mal partout et à ce moment là, je me foutais pas mal de la façon dont il allait interpréter mon regard.

- Nos informations se sont révélées erronées.

- Alors ça c'est un putain d'euphémisme ! M'écriai-je avec un rire hystérique.

Michael posa sa main sur mon épaule et je m’apprêtais à lui dire que je n'allais pas me calmer quand je vis qu'il fixait lui aussi ses yeux dans ceux de Lawrence.

- Tes informations erronées ont provoqué la mort d'un alpha. L'un de mes loups est blessé et la vie de ma compagne a été menacée. Tu as mis la vie des habitants de ma ville en danger. Tu vas avoir des explications à nous donner, Lawrence.

L'alpha de Medford garda le silence mais finit par baisser les yeux et hocher la tête en signe d'assentiment.

Il nous faudrait mettre tout ça au clair très bientôt, mais pour l'instant...

Les loups de Crater Lake étaient toujours agenouillés devant le garage, leur abattement faisait peine à voir.

Van sortit du garage sous sa forme humaine. Il avait enfilé un tee-shirt et un jean un peu trop petits pour lui et je devinais qu'ils appartenaient à Tad qui avait du les garder sur place comme vêtements de rechange.

Julian titubait à ses côtés et s'appuyait tantôt sur le corps humain de Van, tantôt sur celui, toujours lupin, de Tad.

Ils se dirigèrent vers un pick-up garé à quelques mètres du garage et s'y installèrent, Tad aidant Julian à grimper sur le plateau à l'arrière.

Je claudiquai difficilement jusqu'à eux, Michael sur mes talons.

- Je les ramène. Gronda Van, déjà derrière le volant. Le gamin a besoin de se reposer pour récupérer.

Julian grogna mais Van le fit taire d'un seul regard dans le rétroviseur.

- Ne le tue pas avant notre retour, on a aussi des questions à lui poser. Dit mon compagnon à son lieutenant.

- Je ne fais jamais de promesse que je ne suis pas sûr de tenir. Répliqua-t-il en démarrant.

Nous regardâmes le véhicule s'engager sur la route déserte et disparaître au carrefour suivant.

- Moi aussi je vais avoir des problèmes ? Demandai-je à mon loup.

- Tu n'imagines même pas à quel point, amour. Mais pour l'instant, nous avons d'autres problèmes à régler. Dit-il avec lassitude. Puis il se tourna et observa le chaos que j'avais contribué à créer.

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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 13:52

Le premier à réagir fut Van. Son regard se fit glacial et ses épaules semblèrent s’élargir alors qu'il prenait conscience, le premier, du sens des mots de Marli.

La seconde d'après, le chaos éclata dans le jardin.

« Qui ? Où ? Comment ? Y a-t-il des blessés ? » Les questions fusèrent de toutes parts et Marli eut bien du mal à renseigner tout le monde.

Michael écouta, en silence, les réponses de la louve mais désigna dans le même temps une dizaine de ses loups les plus dominants et leur dit d'aller l'attendre dans la cours juste devant la maison.

Les loups s’exécutèrent sans poser de question et mon estomac se noua.

- Michael, je...

- Amour, j'ai besoin que tu restes ici.

- Je ne vais pas rester là à me tourner les pouces alors que...

- Si ! Trancha-t-il. J'ai besoin que tu restes ici... S'il te plaît...

Son regard émeraude se fit plus doux et il exprima tout ce qu'il n'avait pas besoin de dire à voix haute.

« Si tu viens, je vais te protéger et je ne pourrai pas protéger mes loups »

C'était l'éternel dilemme de mon compagnon, le choix impossible à faire. Eux ou moi.

Je hochai la tête et caressai sa joue furtivement.

- Va... Je reste. Assure-toi que nos loups ne me donnent pas trop de travail à votre retour.

Il embrassa mon front et se déshabilla.

- Je coupe le lien. J'ai besoin de toute ma concentration pour le trouver. Je le laisserai ouvert une fois qu'on l'aura trouvé. Si tu ne me sens pas, c'est que je le cherche encore, d'accord ?

Je grimaçai en m'imaginant ignorer le sort de mon compagnon pendant l'éternité que durerait cette traque. Mais avais-je le choix de toute façon ?

- Dès que tu le trouves, tu le remets en place, c'est compris ?

Michael sourit et hocha la tête calmement.

- C'est compris.

L'instant d'après, les yeux bleus nuit de son loup me dévisagèrent et j'y lu suffisamment d'amour et de confiance pour une vie entière.

Michael partit sans un regard en arrière. Ce n'était pas nécessaire, il allait revenir très vite...

Les loups restants dans le jardin affichèrent tous une certaine angoisse sur leur visage.

C'était de circonstance.

Dans tous les cas, il n'était jamais bon qu'une meute se prive de ses lycans dominants. Et là, une bonne partie des plus puissants, venaient de suivre leur alpha dans une traque dont le risque était manifeste.

Je tentai de garder mon calme. Van, le bourreau de Salem, était avec eux.

Il n'aimait pas ce surnom bien même s'il s'en servait lorsque c'était nécessaire. Ce qu'il regrettait surtout, c'était que ce surnom était mérité. À lui seul, il avait mis à mort plus de lycans dissidents ou d'Ulfark que n'importe qui dans la meute.

Ça pouvait paraître cruel, mais la justice lycane ne pouvait pas se permettre de transiger. Les règles, la loi, le secret et le contrôle constituaient une question de survie pour chacun d'entre eux. Il suffisait qu'un seul de ces quatre paramètres ne soit pas respecté et c'était toute leur espèce qui était en danger.

Quant à emprisonner une créature que presque rien ne pouvait retenir, c'était simplement de la folie. La seule issue possible était la mort et tout le monde en avait conscience.

Van tenait le rôle le moins évident de la meute, et pourtant il était nécessaire pour le bien de tous.

Il avait de l'expérience. Il savait ce qu'il fallait faire. Il était, certes, un peu trop exalté parfois, oubliant les risques qu'il se faisait courir à lui-même, mais quand il s'agissait de protéger les siens, je lui faisais confiance. Il ramènerait Michael et les autres.

Je me servis un verre de whisky et l'avalai d'une traite. La chaleur du liquide traça lentement son chemin de ma gorge à mon estomac. Bientôt, elle s'insinuerait dans mes veines, apaisant très légèrement le froid laissé par le lien coupé entre mon compagnon et moi.

Une main ferme se posa sur mon épaule et Tad me sourit en resserrant sa prise.

- Ça va aller. Ils savent ce qu'ils font, ils n'en sont pas à leur coup d'essai.

Je posai ma main sur la sienne avec reconnaissance.

- Oui, je sais, ça ira. Michael est fort et les autres ne sont pas des débutants non plus. Van ne va pas...

Je m'arrêtai de parler en plein milieu de ma phrase, perturbée par un sentiment gênant.

Je n'avais pas vu Julian depuis le départ de Michael. Or, il n'avait pas fait appel à lui, à cause de son inexpérience, sans doute.

- Tu sais où est Julian ? Demandai-je à Tad.

Il se tourna vers le reste de la meute et fronça les sourcils.

- Je le croyais au fond du jardin, à côté du banc en pierre. Les gars, vous avez vu Jul ? Demanda-t-il à l'assistance.

Un concert de nons et plusieurs haussements d'épaule lui répondirent.

J'entrai dans le salon par la baie vitrée grande ouverte et me dirigeai vers l'escalier. Julian était peut-être remonté dans sa chambre pour attendre le retour des autres.

Je grimpai deux marches avant que Tad ne m'arrête.

- Attends, Lucy. Son odeur me mène dans l'entrée.

Me précipitant à la suite de Tad, je passai la porte à l'avant de la maison et suivis le regard du lycan.

- Il est parti... Chuchota-t-il. Il les a suivi...

- Merde ! Braillai-je

Tad soupira avant de se déshabiller.

- Sa piste est encore fraîche, si je fais vite, je pourrai le rattraper.

- Non, attends. Tu n'es pas complètement remis, ça pourrait être dangereux.

- Ça ira, je vais juste le rejoindre et le ramener. Je n'ai pas l'intention de me mettre en danger.

Je grinçai des dents en serrant les poings.

- Sérieux ? Pourquoi as-tu dit ça ? Maintenant c'est sûr qu'une merde va te tomber dessus. Tu ne regardes jamais de films d'horreur ?

Un petit sourire nerveux s'afficha sur ses lèvres.

- On n'a pas vraiment le choix de toute façon. La meute a besoin des dominants restants pour ne pas céder à la panique. Et si Julian les rejoint, il risque de les distraire dans leur traque, ou pire, pendant le combat. Annonça-t-il.

- Marli peut gérer la meute pour l'instant. Elle sait se faire obéir. Je viens avec toi. Ajoutai-je.

- Mauvais idée. Si Michael l'apprend, il va me faire la peau.

- Si tu me laisses sur le carreau, c'est moi qui te ferai la peau. Le menaçai-je en croisant les bras. On va juste récupérer le gamin et on rentre. Michael n'a même pas besoin de le savoir. En plus, tu connais l'entêtement de Jul. Il est plus dominant que toi, s'il refuse de te suivre, tu ne pourras rien faire. Alors qu'il sera obligé d'obéir à la femelle alpha.

Tad gronda en baissant les bras.

- Est-ce que tu t'y prends comme ça pour faire plier Michael ? Parce que je commence à comprendre pourquoi il finit toujours par tout te céder.

- Tu n'as pas envie de savoir comment je m'y prends, mais ça a beaucoup plus à voir avec la passion qu'avec la raison.

Mon poing se porta à mes lèvres tandis que ma langue poussa l'intérieur de ma joue.

Tad écarquilla les yeux et rougit de la base du cou à la naissance de ses cheveux, au dessus du front.

Je souris en tapotant son épaule. Tad était quelqu'un de bien, mais rarement à l'aise avec la gente féminine.

J'en rajoutais parfois parce que je trouvais que ça le rendait mignon à bien des égards. Il n'était pas prude, c'était un lycan après tout, mais ma référence imagée à une fellation l'avait clairement choqué.

- OK... Murmura-t-il avant de se racler la gorge. Peut-être qu'on devrait se mettre en chemin, maintenant.

Je hochai la tête et repartis comme une fusée avertir Marli de nos plans.

Loin d'être enchantée par la perspective de prendre le rôle de dominante pendant notre absence, elle essaya bien de m'en dissuader, mais ma décision était prise et Tad m'attendait sous le porche.

J'attrapai les clés de Michael et fonçai jusqu'à son Hummer. Si Julian refusait de nous faciliter les choses, nous aurions bien besoin de toute la place à l'arrière du véhicule pour le ramener sous sa forme lycane.

Les reflets bleutés du pelage gris de Tad s'irisèrent dans le faisceau de mes phares et je le laissai partir devant, la truffe plaquée au sol, trottant à belle allure.

J’espérai que Julian n'avait pas décidé de couper à travers bois parce qu'aucun sentier ne me permettrait de suivre Tad.

Le loup s'engouffra dans le sous-bois qui bordait la route et je jurai en frappant mon volant.

Heureusement, quelques secondes plus tard, il réapparut en bordure de mon champs de vision, son pelage brillant par intermittence entre les arbres.

Au moins, Julian n'avait pas fait preuve d'imprudence. Il avait suivi la route sans rester à découvert.

Je suivis Tad de longues minutes avant d'arriver à un carrefour. Je mis mon clignotant à droite. Lawrence nous avait annoncés avoir vu l'Ulfark à proximité du Bush's Pasture Park et j'anticipai la direction du Lycan pilote.

Pourtant, après un petit coup d’œil pour vérifier l'absence d'autres véhicules que le mien, celui-ci traversa la route et continua tout droit.

Je fronçai les sourcils en essayant de déterminer quel chemin avait pris les loups pour se rendre à destination. « Nouvel itinéraire » marmonna mon GPS intérieur.

Au carrefour suivant, je m'attendais de nouveau à tourner mais Tad bondit sur le toit du magasin juste en face de moi et poursuivit son chemin toujours tout droit.

Heureusement, à cette heure avancée de la nuit, les rues étaient vides. Je pouvais suivre mon loup, le nez toujours en l'air, cherchant sa silhouette sombre chaque fois qu'il passait d'un toit à l'autre.

J'ignorais dans quel quartier il m'avait menée. Ne faisant attention à ce qui m'entourait que pour vérifier que la route était toujours libre. Je freinai finalement quand Tad ne passa pas au toit suivant. L'avais-je manqué ? Avait-il fait demi-tour ? Non, il se serait manifesté d'une manière ou d'une autre.

J'avisai l'endroit où je me trouvais et le quartier m’apparut familier, bien plus que je ne l'aurais voulu.

Le bâtiment sur lequel Tad n'avait pas voulu sauter portait l'enseigne « Miller's Garage » et je ne comprenais pas ce qu'on faisait ici. Le Miller's Garage, c'était celui de Tad.

Je me garai sur la bas-côté de la route et sortis en regardant tout autour.

Tad bondit du toit sur lequel il s'était arrêté et atterri devant moi.

- Qu'est-ce qu'on fait là ? Demandai-je en levant les mains, paume vers le ciel. J'espère que tu n'es pas là pour récupérer quelque chose au garage, on n'a pas de temps à perdre.

Le loup gémit et jeta un coup d’œil au bâtiment avant de plaquer sa truffe au sol et d’éternuer.

Quelque chose clochait. Nous n'étions pas au bon endroit. Et si Julian se trouvait effectivement au garage de Tad, comme celui-ci essayait de me le faire comprendre, c'est que nous avions un problème.

- L'Ulfark est là lui aussi ? Lui demandai-je en serrant les poings.

Le lycan hocha la tête et je jurai en réfléchissant rapidement.

Je n'avais pas emmené mon portable. Non pas qu'il m'ait été d'une quelconque utilité, Michael ne répondrait pas sous sa forme de loup. Quant à notre lien, j'avais beau me concentrer pour le chercher au fond de moi, je ne le sentais toujours pas. En même temps, si mon compagnon recherchait le loup renégat du côté du parc, il n'était pas près de le trouver et n'avait donc pas de raison de réanimer notre connexion.

Je devais décider quoi faire. J'étais seule avec un lycan en phase de guérison, et supposément avec un jeune loup qui avait foncé tête baissée, sans réelle expérience du combat. Je pouvais décider de faire demi-tour et aller chercher de l'aide, ou alors j'essayais de régler la situation moi-même.

Je n'étais pas sans défense et je m'étais entraînée à utiliser mon fouet de l'enfer, depuis mon combat contre Sorcha, plusieurs mois plus tôt.

Et puis étais-je capable de tourner les talons en abandonnant Julian sans rien tenter ?

Tad dut percevoir quelque chose dans ma façon de serrer les dents parce qu'il tenta de me pousser vers le Hummer pour que je remonte à l'intérieur.

- Arrête Tad ! On ne va pas laisser Julian, seul avec cette chose. Dis-je en le contournant. Toi, rentre à la maison, préviens Marli et les autres. Je vais le tenir à distance le temps que les renforts arrivent.

J'avançai déjà en direction du garage mais Tad s'interposa une nouvelle fois entre le bâtiment et moi.

Il me regarda quelques secondes et comprit visiblement qu'il ne me ferait pas changer d'avis.

C'est à ce moment-là qu'un couinement de douleur égratigna mes oreilles.

Il venait de l'intérieur du garage et je n'avais pas besoin de vérifier, ce couinement provenait d'un de mes loups.

Je m'élançai en direction du bâtiment, Tad sur mes talons.

Le rideau de fer à l'avant du garage était plié et arraché par endroit. On pouvait s'estimer heureux que la rue soit commerçante. Le bruit n'aurait pas manqué d'ameuter un quartier d'habitation.

Je me glissai par l'ouverture et aussitôt, mes yeux s'adaptèrent à l'obscurité du lieu. Je pouvais remercier la meute et les pouvoirs que m'avaient conféré mon union avec Michael.

Je cherchai rapidement Julian du regard mais Tad se jeta sur moi et nous atterrîmes dans un coin, juste derrière une Corvette fraîchement repeinte. Une silhouette sombre fendit l'air juste à l'endroit où nous nous tenions quelques secondes plus tôt. OK, il était rapide et acharné celui-là.

Accroupie, le dos au mur, je le vis atterrir sur le toit de la Corvette avant d'entendre son grognement menaçant. Tad lui répondit en claquant des mâchoires.

La carrosserie grinça sous son poids et se mit à crisser quand ses griffes s'enfoncèrent dans le métal alors qu'il nous surplombait de toute sa hauteur. Il avançait lentement, des gouttes de sang mêlées de salive dégoulinant de son museau.

J'attrapai Tad par le cou et le plaquai au sol de toutes mes forces. La dernière chose que je voulais, était de le blesser par inadvertance. Il ne montra aucune résistance et s’aplatit au sol autant qu'il le put.

Puisant profondément en moi, j'allai chercher le filament incandescent qui ne cessait jamais vraiment de brûler, toujours prêt en cas de besoin.

Je tendis ma main libre devant moi et le filament se déploya comme un élastique qu'on avait un peu trop tiré en arrière.

Il claqua très exactement entre les pattes de l'Ulfark qui fit un bond de côté, surprit par le bruit et les étincelles jaillissantes.

Le métal de la carrosserie avait fondu juste au point de contact.

Je pouvais le faire !

Diriger mon pouvoir uniquement contre l'Ulfark, sans blesser les miens. Mais encore fallait-il que je localise Julian pour pouvoir l’éviter.

Je me focalisai sur la menace pour l'instant. Le loup hors de contrôle était encore sonné par mon attaque et je profitai de sa surprise pour lancer mon fouet dans sa direction. Cette fois, je n'essayai pas de le faire s'écarter mais bel et bien de le toucher et quelques poils de son pelage grésillèrent quand je réussis à le frôler.

Une fois encore, il s'était écarté juste à temps.

Je grondai de frustration en me relevant.

Nous ne nous quittions pas des yeux et je savais que ça constituait un défi pour lui, mais je ne pouvais pas me permettre de détourner le regard. Pas alors que j'avais deux de mes loups qui comptaient sur moi pour les protéger. Bon OK, ils ne le voyaient peut-être pas ainsi mais c'était ce qu'une dominante était censée faire. Et à cet instant, encore plus que d'habitude, j’étais leur femelle alpha. Je maintins Tad dans mon dos et reculai lentement vers le rideau de fer par lequel nous étions entrés.

- Tad... Chuchotai-je. Est-ce que tu vois Julian quelque part.

Le silence me répondit et je ne pouvais pas vérifier s'il m'avait entendue. Je présumai donc qu'il était en train de le chercher. Quelques secondes plus tard, un jappement assuré résonna et je pris ça pour un « oui ».

- D'accord. Tu vas voir comment il va et je m'occupe de l'Ulfark. Je vais l'occuper pour qu'il ne s'approche pas de vous.

Tad gémit dans mon dos et sa truffe se posa une seconde contre mes reins.

- Ça va aller. Il évite mon filament, il a peur du feu, on dirait.

Je ne m'attardai pas sur la signification de mes paroles quant à son comportement anormal. Nous aurions bien le temps, plus tard, d'y réfléchir posément.

Mon loup s'écarta de quelques pas et je vis l'Ulfark changer de cible à la seconde où il remarqua son mouvement.

Mon fouet claqua juste devant ses pattes.

- C'est moi ton ennemie, petite enflure ! M'écriai-je. Allez ! Regarde-moi !

En périphérie de mon champs de vision, je pouvais voir Tad s'approcher d'une masse immobile que j'identifiai comme Julian. Un instant, la panique m'étreignit le cœur, mais je me repris bien vite en me concentrant de nouveau sur l'Ulfark.

Compartimente, Lucinda. Compartimente. Chaque chose en son temps.

Je me déplaçai latéralement pour me trouver sur sa trajectoire s'il décidait d'attaquer Tad et balançai ma main en avant pour lui rappeler ce qu'il risquait à charger dans ma direction.

Ses yeux injectés de sang s'illuminaient de rouge chaque fois que mon pouvoir s'approchait de son museau. Pourtant, il trouvait toujours le moyen de l'éviter au dernier moment, un peu comme s'il me narguait.

L'Ulfark gronda de plus belle lorsque Tad rejoignit finalement Julian.

- Il respire ? Tad ! Dis-moi qu'il respire, bon sang !

Je savais qu'il ne pouvait pas me répondre mais l'inquiétude m'empêchait d'être totalement cohérente.

De toute façon, Tad savait très bien se faire comprendre quand c'était nécessaire.

Je fis claquer mon filament une fois de plus entre les pattes de mon adversaire alors qu'il essayait de me contourner pour sauter sur mes loups.

Il bondit en l'air et atterrit sur le toit d'une Camaro bleue que je reconnue comme celle de Tad.

J'avais déjà laissé des traces de brûlure partout sur le sol en béton de son garage, si j’abîmais un peu sa voiture mais que je lui sauvais la vie, il n'allait pas m'en vouloir... Enfin je l’espérais.

Je me décalai une nouvelle fois pour être dans la ligne de mire de l'Ulfark.

Tad ne m'avait toujours pas répondu et des images de moi devant annoncer la nouvelle de la mort de Julian à Van ne cessaient de surgir dans ma tête.

Je risquai un coup d’œil derrière moi. Juste pour vérifier qu'ils étaient encore là, juste pour me rassurer, juste pour...

Grosse erreur, Lucinda !

Lorsque je reportai mon regard sur la Camaro, il avait disparu et un frisson remonta de mes reins à ma nuque.

Il m’observait, dans le noir, quelque part, ses yeux étaient braqués sur moi. Je ne le voyais pas mais j'en avais la certitude. Comme quand, petite, je sortais de la chambre du foyer où je vivais et que je ne savais pas ce qu'il y avait dans le noir. Je savais seulement qu'il y avait quelque chose.

J'entendis la voix de Michael dans ma tête.

« Un Ulfark c'est l'instinct sauvage, la fureur, la traque et le désir de mort, amour. Il ne t'épargnera pas, jamais. S'il t'attrape, tout est fini. »

Je pris une grande inspiration et m'élançai à l'opposé de Tad, toujours au-dessus de Julian, le protégeant de son corps.

Je tentai le tout pour le tout.

Aucun prédateur ne pouvait résister au besoin de poursuivre une proie en mouvement. C'était pour ça que mon compagnon m'avait toujours dit de ne pas fuir devant un loup en colère. C'était aussi pour ça qu'il n'avait pas pu résister à l'envie de me traquer quand j'avais fui ses avances, au début. Et aujourd'hui, je faisais tout le contraire de ce qu'on m'avait inculqué, si profondément que ça relevait, à présent, de l'instinct.

J'avais besoin qu'il sorte de sa cachette pour redevenir la chasseuse et non plus la proie.

J'entendis le bruit d'outils chutant au sol en résonnant dans le silence de la nuit.

Je l'avais fait bouger. J’espérais seulement qu'il m'avait poursuivie et qu'il avait momentanément oublié mes loups.

Je n'avais pas le temps de me retourner pour le vérifier.

Je plongeai sous un établi qui me bloquait le chemin et j'en profitai pour me retourner, dos au sol.

Ça fit mal. Mon dos cogna durement contre le béton mais, alors que je glissai de l'autre côté, j'eus la vue dégagée.

Et je vis parfaitement l'Ulfark bondir sur ses pattes arrières, sauter par dessus l'établi et prendre la trajectoire parfaite pour atterrir directement sur moi.

Je n'allais pas avoir le temps.

L'adrénaline courrait dans mes veines et je tendis les mains juste devant moi en criant de toutes mes forces pour déployer mon filament aussi vite que je le pouvais

Une ombre floue passa juste au-dessus de moi. Si près que l'air qu'il déplaça agita les cheveux qui s'étaient échappés de ma tresse.

Tel un boulet de canon, l'ombre cueillit l'Ulfark dans les airs, alors qu'il n'était plus qu'à quelques centimètres de moi, et l'envoya valdinguer contre le mur opposé.

Une longue inspiration... J'avais arrêté de respirer... Je ne savais pas qui était mon sauveur mais il avait gagné une place dans mon cœur.

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16 juillet 2017 7 16 /07 /juillet /2017 15:35

Je regardais mes ongles depuis au moins cinq minutes. J'avais besoin d'une manucure, un truc simple, peut-être qu'un peu de rouge camouflerait les ravages que mes dents produisaient. Je tentai pour la troisième fois de relever la tête et un sourire étira mes lèvres.

Pas moyen ! Rien à faire ! Chaque fois que le visage de Van entrait dans mon champs de vision, j'avais envie de rire.

Un grondement contrarié jaillit de sa gorge alors qu'il tapait comme un malade sur l'un des nombreux boutons de son auto-radio.

La Viper roulait largement au-dessus de la vitesse autorisée et zigzaguait d'une voie à l'autre pour dépasser les conducteurs plus prudents. Enfin, il sembla trouver ce qu'il cherchait, et Mindless Self indulgence emplit l'habitacle.

- Van...

- Chut ! Pas un mot ou je te jette de la voiture en marche.

Je me pinçai les lèvres pour éviter de rire. La situation était assez comique.

Après l'avoir surpris avec Julian dans les douches du vestiaire, il m'avait embarquée avec lui en décrétant qu'il me ramenait à la maison.

J'en avais déduit qu'il voulait parler, mais chaque fois que j'ouvrais la bouche, il me sommait de me taire.

Jusque là, j'avais été plutôt patiente, surtout parce que je craignais d'éclater de rire mais ça commençait à bien faire.

- À un moment, il va bien falloir en parler.

- Fais comme si tu n'avais rien vu. Dit-il en montant considérablement le son.

- Moi, je veux bien, mais les autres ne vont pas te laisser t'en sortir comme ça. Dis-je en criant presque pour couvrir le bruit d'une ceinture qui claquait à intervalle régulier dans la chanson.

- Celui qui l'ouvre, je lui fous mon poing dans la gueule.

La ceinture claqua une fois de plus et je commençai sérieusement à ne plus pouvoir me retenir de rire.

- Van... S'il te plaît... Il n'y a pas de quoi...

La voiture pila à un feu rouge et mon ami se frappa le front au volant.

- Putain mais qu'est-ce qu'il m'a pris ?

J'appuyai sur le seul bouton de l'auto-radio qui ne me semblait pas tout droit sorti d'un épisode de Star Trek et coupai le son.

- Tu veux me raconter ?

J'eus droit à un grognement pour toute réponse.

- Bon ok, tu ne veux rien me dire mais tu ne veux pas non plus faire comme si de rien n'était. Soupirai-je. Peut-être que tu pourrais en parler à quelqu'un d'autre ?

- Je ne sais pas... J’étais là... Il était là... Et tout s'est emballé... Et avant que je comprenne...

La voiture derrière nous klaxonna et Van sursauta presque.

- Putain de bordel de...

La suite se perdit dans un grognement très lycan tandis qu'il redémarrait.

- Écoute, Van, je ne te comprends pas. C'est parce que c'est un homme ?

Le lieutenant leva les yeux au ciel assez longtemps pour que je m’inquiète de la trajectoire qu'allait emprunter sa voiture.

- Ma petite, j'ai pas loin de deux cents-soixante ans. Si tu crois que je n'ai pas eu le temps d'expérimenter tout ce qu'il y avait à expérimenter c'est que tu me sous-estimes. Ça fait longtemps que je ne me préoccupe plus de ça.

Bon au moins, ça avait le mérite d'éclaircir ce point de la situation.

- Il te plaît, je pense que c'est assez évident.

- C'est bien plus compliqué que ça, Lucy. M'annonça-t-il. Julian est tellement jeune. À son âge, on est insouciant, idéaliste et rêveur. Et heureusement pour lui. Être lycan n'est jamais facile, il va avoir des choses dures à vivre, il n'a pas besoin de me traîner comme un boulet en plus.

Je fronçai les sourcils.

- Premièrement, tu n'es pas un boulet, quoi que j'en dise parfois. Deuxièmement, je crois que tu le juges un peu rapidement. Julian n'a pas eu la vie facile, même avant de devenir loup et au fond, ça le rend plus mature... Bon, d'accord, ce n'est pas le bon mot. Mais je crois que sa période d’insouciance, il l'a dépassée depuis bien longtemps. Et de toute façon, je ne comprends pas ce que ça vient faire dans cette conversation. Répliquai-je.

Le visage de mon ami se durcit et son expression se figea.

- Je sais ce qu'il veut. Je connais le fond de sa pensée, ce qu'il désire vraiment. Lâcha-t-il.

- Bien sûr que tu le sais, on le sait tous. Ce qu'il veut, c'est toi.

Van tourna lentement la tête vers moi et la tristesse que je lus sur son visage me brisa le cœur.

- Et c'est exactement la seule chose que je ne peux pas lui donner. Pas comme il le voudrait, pas pour toujours.

 

La conversation que j'avais eue avec Van sur le trajet du retour résonnait encore dans ma tête. Elle me laissait perplexe. Finalement, il n'avait pas souhaité approfondir et j'avais senti que ce n’était pas le bon moment pour insister.

- C'est toi qui salis, c'est toi qui nettoies, je te préviens.

La voix haut-perchée de Marli me fit revenir à la réalité et je relevai le goulot de la bouteille juste à temps.

Eh bien, l'un des lycans à qui je servais un whisky allait avoir quintuple dose. Le verre était rempli à ras-bord et j'avais failli en répandre partout sur la table.

Marli entoura mes épaules de son bras.

- Ben qu'est-ce qu'il t'arrive, toi ? Tu m'as l'air bien pensive. Dit-elle en me secouant un peu. C'est la fête ma chérie, on doit s'amuser, pas ressasser nos problèmes.

Et en effet, pour être la fête, ça l'était.

Après le match, toute la meute s'était réunie chez nous pour célébrer notre victoire sur Medford.

Je fis un sourire de circonstance à Marli en lui tendant le verre que je tenais encore.

- Tiens, emmène-ça à ton mari, tu veux bien ? Il a bien joué, il l'a mérité.

Marli me fit un clin d’œil avant d'avaler la moitié du whisky en quelques gorgées.

- Hé ! Pas de raison qu'il soit le seul à s'amuser.

Je ris tandis qu'elle s'éloignait déjà.

Je n'avais pas beaucoup d'efforts à faire pour voir mes loups s'amuser. Partout où je posais les yeux, ce n'était que rires et verres qui tintaient l'un contre l'autre. Marco rejouait la pirouette de Van et ça faisait du bien de le voir aussi emballé pour quelque chose.

Tad l'écoutait avec un grand sourire. N'ayant pu assister au match pour cause de rémission, il semblait content d'avoir le récit détaillé et imagé de la rencontre.

C'était une belle soirée, l'air était frais mais ce n’était pas désagréable. L'odeur de la viande qui grésillait sur le grill me chatouillait les narines, et la lueur diffuse des torches aux quatre coins du jardin, rendait le tableau chaleureux.

Michael avait l'air comblé, entouré des siens, et victorieux.

Il se tourna vers moi comme s'il avait senti mon regard sur lui, c'était sans doute le cas d'ailleurs. Un clin d’œil plus tard, mon estomac se remplit d'une multitude de petits papillons virevoltant gaiement. J'étais dingue de cet homme.

Tout était parfait...

Alors pourquoi avais-je ce mauvais pressentiment, la sensation que ce n'était pas fini, qu'il allait se produire quelque chose et qu'on n'était pas prêts pour ça.

Bon, pour être honnête, il y avait peut-être quelques couacs dans la perfection idyllique que j'avais perçue au premier abord.

À l'extrémité du jardin, un petit groupe de lycans entourait Van et le félicitait pour le dernier point qu'il avait marqué. Il souriait et acquiesçait lorsque ça semblait nécessaire mais son regard se reportait assez fréquemment sur Julian pour que je sache qu'il n'était pas concentré.

Quel idiot, ce loup ! Qu'est-ce qu'il cherchait au juste ? Je pouvais dire, d'où je me tenais, qu'il ne pensait qu'à rejoindre le jeune lycan.

Ce dernier semblait imperméable à tout ce qui se passait autour de lui. Les yeux baissés sur son portable, il pianotait frénétiquement en fronçant ses sourcils blondis par le soleil.

Je décidai de me détourner de ce spectacle consternant. J'étais en train de me demander pourquoi deux personnes visiblement si attirées l'une par l'autre, se compliquaient autant la vie quand je me souvins de ma propre histoire d'amour. Bon d'accord ! J'étais mal placée pour parler. Ou alors, les personnes qui trouvaient le bonheur en amour devenaient plus promptes à porter des jugements sur ceux qui le cherchaient encore.

J'espérais que ce n'était pas ça. Je n'avais pas envie de devenir une de ces petites connes moralisatrices qui étalait son expérience comme si sa sagesse était universelle.

Je me pinçai la joue et reportai mon attention sur Thomas. Au moins, le concernant, je savais quel était son problème et je pouvais peut-être y faire quelque chose.

Il s'occupait de la viande devant le grill. Thomas était un merveilleux cuisinier. Je crois l'avoir toujours vu prendre du plaisir à nourrir la meute. Et franchement, ça arrangeait bien tout le monde.

Je posai ma main sur son large dos légèrement courbé. Il ne se tenait plus droit depuis des mois, comme si le poids du passé qui avait ressurgi était trop lourd à porter.

- Hé ! Tu m'en fais un végétarien ? Dis-je en désignant la pile de petits pains qui n'attendaient que d'être garnis.

- Tu n'as pas lu le règlement intérieur ? Les végétariens sont bannis de toutes les meutes de lycans. On les enduit de goudron et de plumes et on les envoie dans le désert. En plus, tu aimes beaucoup trop mes burgers pour en changer la recette.

- Espèce de fasciste ! L'accusai-je en souriant.

- Lucy ! S'exclama-t-il. Si tu avais connu ce qu'était le vrai fascisme, tu ne dirais pas ça et tu ne plaisanterais pas à ce sujet non plus.

Ok... Là je me sentais mal.

- Désolée. Grimaçai-je. C'est vrai, ce n'était pas drôle et je n'aurais...

La grande main de Thomas atterrit sur ma tête et ébouriffa mes cheveux pourtant emprisonnés dans mon éternelle tresse.

- Oh Lucy, je t'en prie, ne me fais pas regretter de te taquiner. S'amusa-t-il.

J'envoyai mon poing dans son épaule et fis craquer mes phalanges au passage tandis qu'il ne sourcilla même pas.

Quand apprendrais-je ?

- Espèce de fasciste ! Répétai-je un peu plus fort.

- Bien sûr. Tu l'ignorais ? Je suis fasciste avec tous les végétariens. C'est inscrit dans mon code génétique. On est comme la glace et le feu, l'eau et l'huile, le ciseau et le... Papier...

J'éclatai de rire en le dévisageant avec de grands yeux.

- Est-ce que tu viens sérieusement de faire référence à « Pierre, Papier, Ciseau » pour marquer ton opposition aux végétariens ?

Je réussis à lui arracher un vrai rire.

- Bon, très bien, je reconnais que la référence était facile, mais tu comprends l'idée.

- Je comprends surtout que tu n'as aucune imagination.

- Je plaide coupable. Tu savais que quatre-vingt pourcent de ma clientèle est végétarienne ? Et je ne te parle même pas de ceux qui traquent le gluten et le vouent aux gémonies. Je ne sais pas ce que je fous encore dans ce boulot.

Je souris en sachant très exactement pourquoi il aimait autant son métier.

- Eh bien, tu as un sens de l'esthétique irréprochable et des clients richissimes te paient des fortunes pour voyager aux quatre coins du monde pour leur dénicher le meuble antique qui transformera leur intérieur en véritable œuvre d'art. Et tu adores ça.

- C'est vrai que j'aime bien cet aspect de mon travail. Avoua-t-il.

- Et puis voyager te permet de faire les recherches dont tu as besoin... Tentai-je avec précaution.

- Mes recherches sont au point mort pour l'instant. Dit-il en retrouvant toute sa gravité. J'ai cherché des informations à peu près partout où j'ai pensé pouvoir en trouver ces derniers mois. Et j'ai l'impression d'être revenu au point de départ. Finalement, la seule personne qui est susceptible de me faire avancer, se trouvait en Oregon depuis le début. Mais il est aussi inaccessible que si je devais le dénicher au fin fond de la forêt amazonienne.

Mon ami semblait découragé et je détestais le voir ainsi.

- Son alpha t'empêche toujours de l'approcher ? Demandai-je en connaissant déjà la réponse.

Carson ne m'avait pas fait une très bonne première impression, alors que nous nous trouvions dans le bureau de Michael. Il semblait jouer un rôle qui était bien trop lourd pour sa carrure. Je commençais à comprendre qu'il en faisait trop, juste pour coller à l'image d'alpha qu'il voulait renvoyer aux autres.

Thomas haussa les épaules, l'air soudain bien plus fatigué qu'une minute auparavant.

- Il n'est pas censé faire ça. Soupirai-je. Le tournoi doit faciliter les échanges entre les membres des meutes.

- Il n'a pas du recevoir le mémo me concernant alors.

Je soupirai encore une fois, avec plus d'agacement que de lassitude.

Aussitôt une sorte de ping résonna dans ma tête, à travers le lien qui m'unissait invariablement à mon compagnon. Je tournai ma tête vers lui et constatai que son regard allait de son lieutenant à moi, cherchant à comprendre ce qui m'agaçait comme ça.

Je lui souris et tentai de lui renvoyer la sensation d’apaisement que je voulais qu'il ressente. Ses épaules se relâchèrent et mon sourire s'agrandit. Il me fit un sourire qui fit flageoler mes jambes pendant quelques secondes. Rassuré, il se tourna et reprit sa conversation.

Lorsque je reportai mon attention sur Thomas, il semblait peiné.

- C'est moche n'est-ce pas ? Demanda-t-il.

- Quoi ? Dis-je en fronçant les sourcils.

- Ce que je suis devenu. Mon alpha pense qu'il doit se méfier quand je suis avec sa compagne. Ça craint.

Ouais, ça craignait. Je ne pouvais pas dire le contraire.

- Eh bien... Tu sais comme il est protecteur, alors...

- Tu étais ma meilleure amie, Lucy... Il n'a jamais vraiment rien redouté me concernant. Aujourd'hui, il me traite comme un danger, comme une bombe à retardement... Et le pire dans tout ça, c'est qu'il a raison.

Les yeux de mon ami exprimaient tant de souffrance... C’était difficilement supportable. Je m'exhortai au calme pour ne pas inquiéter Michael, ni envenimer la situation.

M'approchant plus près, je posai mes mains sur les joues du lieutenant pour le forcer à me regarder.

- Premièrement, je suis toujours ta meilleure amie. Chuchotai-je. Deuxièmement, ce que tu vis maintenant, il le comprend. Bon d'accord, il ne le comprend pas vraiment, mais il l'imagine parfaitement. Il me l'a dit lui-même. Ne le sous-estime pas, Thomas. Et troisièmement, je sais sans l'ombre d'un doute que tu ne me feras jamais de mal. Et si tu n'en es pas sûr, alors remets-t'en à moi. Moi je le sais !

Un sourire fugace passa sur ses lèvres.

- D'accord ! On va faire comme ça, espèce de tyran !

- Hé ! N'inverse pas les rôles, le fasciste ici, c'est toi.

Je posai immédiatement ma main sur sa bouche pour l'empêcher de me répondre et gagner cette petite bataille.

Une sensation chaude, mouillée et visqueuse s'imprima sur ma paume.

Je retirai vivement ma main avec un « beurk » sonore et regardai ma paume comme si elle était contaminée.

- Thomas Walter Brewer ! Est-ce que tu viens vraiment de lécher ma main avec ta langue répugnante ? M’écriai-je en m'essuyant théâtralement sur son t-shirt.

Une demi seconde plus tard, Michael se tenait à mes côtés, un bras possessif autour de ma taille.

- Pourquoi tu lèches ma compagne avec ta langue répugnante ? Gronda-t-il en me pressant contre lui.

Thomas haussa les épaules avec un air las.

- Je lui donnais juste une bonne raison de me tripoter.

J'écarquillai les yeux et cessai immédiatement de frotter ma paume à son t-shirt, préférant lui frapper l'épaule.

- Je ne te tripote pas, arrête de le chercher ! Michael, il te fait marcher, il a léché ma main parce que je l'avais posée sur sa bouche pour l’empêcher de me répondre et...

Je m'interrompis en voyant le même petit sourire moqueur fleurir sur leurs lèvres.

Bon sang ! Ces saletés de loups allaient me rendre folle.

Michael embrassa ma tempe et rit doucement à mon oreille.

- Tu es belle quand tu tombes dans le panneau.

- Espèce de... Grondai-je entre mes dents. Sache que pour toi, je suis toujours belle. Quant à toi, dis-je en me concentrant sur Thomas, tu parleras à Ethan demain, je vais m'en assurer. Et si Carson se met une fois de plus sur ton chemin, je me chargerai de lui moi-même.

Thomas m'offrit un sourire tendre. Un de ceux dont il avait l'habitude avant que sa sérénité ne lui soit enlevée. Un de ceux qu'il ne laissait presque plus jamais apparaître.

- Je compte sur toi alors.

J'acquiesçai avec conviction et Michael posa sa main sur ma nuque avec un sourire fier. J'apprenais tous les jours à être une femelle alpha. Parfois je me plantais, mais dans des moments comme ça, je me disais que j'assurais. J’espérais seulement ne pas les décevoir. Je faisais mon affaire de Carson. Après tout, j'avais sauvé la vie d'un de ses loups, il m'était redevable, et s'il ne me prenait pas au sérieux, je n’hésiterais pas à foutre le feu à ses pompes de luxe. Voilà qui devrait attirer son attention.

Je me pelotonnai contre le torse puissant de mon compagnon et me perdis en conjoncture fantasmagorique concernant un brasier, des chaussures en cuir italien et un alpha attentif lorsque je le sentis.

Le lien qui m'unissait à Michael et m'attachait ainsi à toute la meute, vibra avec urgence. Le silence s'imposa alors que nous nous observions tous, dans l'attente de ce qui avait provoqué ce sentiment d'urgence.

Michael se redressa et scruta chacun de ses loups pour essayer de comprendre ce qu'il se passait.

Marli sortit alors en trombe de la maison, le téléphone sans fils encore à la main. Son visage exprimait toute l’inquiétude qu'elle ressentait et Nathan commençait déjà à la rejoindre quand elle s'exprima devant toute la meute.

- Un Ulfark ! En ville ! Michael ! On a un Ulfark en plein milieu des humains !

Suite>>

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18 janvier 2017 3 18 /01 /janvier /2017 18:37

 

 

Le chapitre arrive juste en dessous mais je voulais vous montrer le dernier dessin en date de ma meilleure amie, cette fois elle a dessiné de gauche à droite, Jed, Marli et Riley, ainsi que leurs loups. Merci encore à toi ma Yuma adorée, je suis tellement fan de toi, et tellement fière de voir mes loups prendre vie sous ton coup de crayon.
C'est donc tout naturellement que vient le chapitre suivant du point de vue de ton Van.

 

Les Chroniques de Vanniel

 

 

Tac tac tac – Tac tac tac – Je plaquai ma main sur ma paupière. Ce n'était vraiment pas le moment. Le papillotement de ma paupière attirait toute mon attention alors que je devais me concentrer sur l'engagement. Le troisième tiers-temps allait débuter et je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à cette fichue paupière qui tressautait comme si un putain de pivert s'acharnait sur mon nerf. Comme si la blessure de mon ventre qui me tiraillait chaque fois que je bougeais n'était pas suffisante.

Un coup d’œil à Julian m'apprit qu'il se contrôlait suffisamment pour s'occuper correctement du palet dès que Graham le remettrait en jeu.

Je resserrai mes doigts sur le manche de ma crosse et sentis le bois craquer légèrement. Je devais me calmer avant de m'élancer. Si seulement j'arrivais à comprendre cette situation.

Paul Frasier se tenait face à moi, à quelques mètres à peine, une distance qu'il parcourrait en une fraction de seconde pour me bloquer, comme il l'avait fait durant toute la fin du dernier tiers-temps. Ça encore, je pouvais le comprendre mais, bordel, qu'est-ce qu'il foutait à ce moment-là. Il ne me regardait même pas. Son regard était braqué sur la glace et je n'étais pas le seul à être agité de tics nerveux. Mais chez lui, ça ressemblait presque à des convulsions. C'était quoi le problème de ce type ? Ok, j'avais dragué sa copine l'année précédente, mais bon sang, ce n'était pas la première fois que ce genre d'histoires m'arrivait et je n'étais pas du genre à refuser un duel. S'il voulait se battre, je n'allais pas lui refuser ce plaisir, mais pas sur la glace. Chacun des lycans de l'état savait que le hockey, c'était sacré. On se chamaillait, on se bousculait et parfois des accidents arrivaient, mais voilà... c'était des accidents. Si en Oregon, on avait l'un des taux les plus bas de duels inter-meutes, c'était justement parce qu'on pouvait se défouler gentiment une fois par an sur la glace.

Il y avait quelque chose de malsain chez ce mec et il me mettait mal à l'aise. Si encore je percevais un élément familier... Pour la cinquième fois en une minute je reniflai l'air. Je ne m'attardai pas sur la multitude d'odeurs différentes et pas toutes agréables dans une salle remplie de centaines de lycans. J'en cherchais une et une seule, sauf que c'était la seule qui semblait manquer. Pas une trace d’ammoniaque, aucun relent acide et piquant, rien à quoi me raccrocher pour expliquer son comportement à la limite de la déviance. Je ne dis pas que j'aurais préféré qu'il pue l'Ulfark, mais au moins j'aurais eu un début d'explication. Au lieu de ça, je regardais ce pauvre type crisper ses doigts convulsivement sur sa crosse en fixant un point par terre.

Je suivis son regard et compris soudain ce qu'il fixait. La minuscule tache rouge vif se détachait du blanc immaculé de la glace. Ce connard bloquait sur la goutte de sang que j'avais perdue quand il m'avait envoyé le palet en pleine face et ça le faisait bander. Mais qu'est-ce qu'il était ? Une foutue sangsue ?

Je relevai les yeux au même instant que lui, comme s'il avait attendu que je comprenne ce qu'il regardait. Cet enfoiré m'afficha son plus beau sourire carnassier.

Je bloquai ma mâchoire en essayant de ne pas me péter une dent. J'avais la fâcheuse tendance à serrer un peu trop fort et ces petites salopes avaient beau repousser, je ne tenais pas à me balader pendant deux jours avec un sourire bancal.

Julian s'approchait du centre de la patinoire en évitant adroitement les trous que nos coups de crosses avaient formés un peu partout sur la surface. Il fixait le palet que tenait toujours Graham, reportait son regard sur son adversaire direct puis recommençait à fixer le palet.

Il était doué pour donner le change... Ouais, quand il s'en donnait la peine. La raideur de son dos, et la direction de ses patins ne me trompait pas. À la moindre provocation de Paul, il lui sauterait à la gorge.

L'arbitre alpha dévisagea Paul, l'avertissant silencieusement de son attention. Enfin, il décompta l'engagement avec ses doigts....Trois... Deux... Un...

Le palet fila à toute vitesse vers le but adverse. Bien joué Jul !

Je partis à sa poursuite dans l'instant. J'étais sacrément rapide quand je le voulais. Je plantai la pointe de la lame de mon patin dans la surface glacée et poussai de toutes mes forces sur ma jambe droite. Je filai comme le vent.

Julian approchait du but avec une maîtrise parfaite du palet. Si j'arrivais à me placer juste assez en retrait, sur une bonne passe, je pouvais marquer.

Soudain, un troupeau d'éléphants m'arrêta net dans ma course. Mon corps entier, secoué par le blocage instantané, s'écrasa durement contre la paroi qui ceignait la patinoire, manquant me faire basculer par dessus la rambarde. Le coup d'épaule de Paul m'avait envoyé valdinguer dans les cordes et ce connard se tenait là, juste devant moi, pas plus ébranlé qu'une putain de montagne.

Rassemblant assez de calme pour repartir, je tentai une feinte sur la droite avant de partir à gauche en trombe. Mais loin de se faire avoir, le corps du lycan adverse s'adapta remarquablement bien au mien, me bloquant totalement le passage. Au delà, je vis Riley récupérer le palet et l'envoyer entre les patins de Jed. Sa crosse s’abattit une fraction de seconde trop tard et le palet lui échappa. Bordel !

Devant moi, Paul fulminait presque, il se foutait complètement de ce qui se passait dans son dos. Merde, il ne lui manquait que l'écume aux lèvres, ce mec était un taré. Un taré avec un putain de regard vide.

- Tu sais quoi, mec ? Ça me plairait bien de tailler une bavette avec toi mais j'ai pas le temps alors il va falloir me lâcher maintenant.

Je partis dans le sens opposé. Cette fois-ci je l'avais pris de court.

Quand j'étais petit, ma mère se plaignait souvent de mon entêtement. Elle se penchait alors vers moi, caressait ma joue d'un doigt et posait son front contre le mien. Alors elle me disait « Mon fils, au cours de ta vie, certains obstacles qui se dresseront devant toi seront aussi hauts que des montagnes. Si tu t'y tapes la tête jusqu'à y creuser un trou, tu louperas sans doute le sentier fleuri qui t'aurait mené de l'autre coté »

Ma mère était d'une sagesse infinie. De mon côté, je n'avais souvent suivit ses conseils, mais le peu de fois où je l'avais fait, ça m'avait sauvé la vie.

Cette fois, j'allais emprunter le sentier fleuri. Je décrivais un large arc de cercle dans la direction opposée à nos buts. C’était le chemin le plus long mais aussi celui qui avait le plus de chances de me mener à bon port.

Paul était sur mes talons, je le sentais. Mais c'était trop tard, le peu d'avance que j'avais pris me suffisait à le distancer et avec un peu de chance... Là ! c'était l'occasion que j'attendais.

Je patinai avec tout ce que j'avais. J'ignorai la douleur dans mon bas-ventre quand je contractais mes abdos, j'allais devoir la jouer fine. En face, l'un des défenseurs de Medford m'arrivait droit dessus. Derrière, Paul patinait comme un fou furieux pour me rattraper. Au lieu de freiner en arrivant à proximité du joueur face à moi, j’accélérai encore en me ramassant juste un peu sur moi-même. Le doute voila le regard de mon adversaire l'espace d'un instant en voyant que je ne ralentissais pas.

C'était maintenant ou jamais. En appui sur ma jambe droite, je me propulsais vers le haut. Ma main droite agrippa l’épaule massive du joueur adverse, trop sonné pour comprendre ce qui lui arrivait vraiment. Un instant le monde fut sens dessus dessous alors que mon salto me faisait passer l'obstacle qui me barrait la route. Mon atterrissage sur un genou manqua un peu de grâce mais ma vitesse était suffisante pour me permettre de repartir sans perdre trop de temps.

Plus jamais je ne critiquerais Lucy quand elle regarderait du patinage artistique à la TV à partir de maintenant.

Un bruit sourd juste derrière moi m'apprit que j'avais doublement réussi mon coup. Paul Frasier et l'autre joueur de Medford venaient de se rentrer dedans. C'était le genre de truc qu'on ne voyait que dans les dessins animés. Je méritais une putain de ola !

Bon OK, l’auto-congratulation allait devoir attendre. J'aurais tout le temps de m'y consacrer une fois le match terminé.

Sans perdre de temps, je rejoignis le lycan en possession du palet. Il se rapprochait dangereusement du but de Salem et Nathan s'agitait devant sa cage. Je dépassais mes coéquipiers sans trop de mal, ça avait du bon d'être le plus rapide parfois... Qu'est ce que je racontais ? C'était toujours le pied de les laisser en plan comme des cons.

Un jour, je leur expliquerai que si la plupart du temps, appartenir au clan Helsing craignait vraiment, ça apportait aussi quelques petits avantages physiques. Mais pas maintenant... Maintenant, je devais faire gagner mon équipe.

L'attaquant de Medford ralentit à une dizaine de mètres de la cage pour tirer le palet. Grossière erreur !

Sa crosse s'éleva à peine dans les airs, c'était le moment que j'attendais.

Pour un humain, je devais ressembler à une tâche un peu floue. Le lycan me vit plus nettement et pourtant il n'eut pas le temps de réagir. À un moment, le palet se trouvait entre ses patins, prêt à être propulsé par sa crosse. L'instant d'après, il filait droit devant moi en direction des buts de Medford.

L'action n'avait duré que quelques secondes et Paul essayait encore de se remettre sur ses jambes quand je passai à côté de lui. Et si un sourire suffisant s'afficha sur mes lèvres, je jure que ce n'était que pure coïncidence... Ouais.

Après ça, j'avais le champs libre. J'entendais mes coéquipiers faire barrage de leur corps autour de moi, m'ouvrant la voie la plus directe possible. Il fallait bien l'avouer, ils assuraient.

Arrivé assez près des buts, je ne fis pas l'erreur de ralentir. Avec une petite impulsion plus puissante que les précédentes, j'alignais le palet avec la trouée formée par les jambes du gardien. Je le frappais alors qu'il était encore en plein mouvement. Le petit bout de caoutchouc noir fila exactement au centre de ma cible.

Le coup de sifflet de Graham agressa mes tympans mais je m'en foutais. Salem venait de reprendre l'avantage au score.

Hourra pour moi!

Je retournai immédiatement à mon poste, les accolades de mes coéquipiers m'accompagnèrent sur le chemin. Julian m'observa de l'autre bout de la patinoire mais ne s'approcha pas.

Étrange...

Je le regardai se replacer au centre, Paul lui fit face immédiatement, attendant que Graham remette le palet en jeu. Un mouvement attira mon attention dans ma vision périphérique. Thomas, était penché sur la rambarde et me faisait signe. Il m'indiqua ses yeux, désigna Julian puis recommença.

Je reportai mon regard sur le jeune attaquant, fronçai les sourcils et compris soudain. Ce n'était pas ses yeux que Thomas désignait mais ceux de Jul.

Le palet bondit des mains de l'arbitre et atterrit juste devant la crosse de mon jeune ami... Qui ne fit pas un geste pour le réceptionner. Paul en profita pour s'en saisir. Julian écrasa le tranchant de sa crosse sur le genou de son adversaire.

Un crac sonore retentit dans le silence de la grande salle et Paul tomba lourdement sur le côté avec un grand cri. Ses mains agrippaient son genou retourné à l'exact opposé de son axe naturel. Et merde !

Graham siffla à s'en faire péter les poumons et je patinai jusqu'à Julian qui n'avait pas bougé d'un millimètre. Je l'attrapai par le bras pour le faire pivoter vers moi.

Le visage sombre sous son casque me frappa d'autant plus qu'il contrastait avec la lueur de rage dans ses yeux orange. Et re-merde !

Je soutins son regard et lui administrai une baffe sur la tête. Son casque n'allait pas le protéger avec la force que j'y mettais.

- Mais t'es complètement con ou quoi ? Putain, Julian !

Sans un mot, le jeune loup se dégagea et patina jusqu'au portique de sortie.

Graham siffla son expulsion alors qu'il atteignait déjà la porte du vestiaire. Quel bordel !

Je me retournai vers le lycan prostré au sol, son genou toujours à un angle improbable. Ses gémissements pitoyables me faisaient de la peine. C'était vraiment ce mec qui m'avait tenu tête pendant une bonne partie du match ?

Mon regard passa de la porte du vestiaire à Paul et inversement. Finalement, je tendais la main vers le lycan à terre. Un peu de fair-play ne ferait pas de mal à notre image.

- Tu veux que je demande à notre guérisseuse de...

- Va chier. Éructa-t-il en repoussant ma main d'un geste brutal.

Se rasseyant tant bien que mal sur la glace, Paul tenta de se recomposer une attitude plus digne. Rapidement, les loups de son équipe l'évacuèrent hors de la patinoire.

Je n'allais pas saluer le geste inconsidéré de Julian mais, putain, je préférais finir le match à quatre contre cinq, que continuer à me faire bloquer par cet emmerdeur.

Une nouveau joueur de Medford fit son entrée tandis qu'avec les trois autres lycans restant de mon équipe, on se plaçait au mieux pour palier l'absence du cinquième joueur expulsé.

Riley se porta volontaire pour la remise en jeu et s'en tira assez bien pour nous donner le temps de faire blocage à l'équipe adverse. À l'initiative du premier lieutenant, il avait été décidé de jouer en défense pour ne pas perdre notre avance.

Malgré ça, Nathan dut arrêter le palet deux fois et Henry faillit perdre un œil quand il se jeta dans les airs pour l’arrêter avec la tête.

Au coup de sifflet final, je ne tenais presque plus sur mes jambes. Ma blessure au ventre me lançait tellement que je m'allongeai face contrer la glace le temps de reprendre mon souffle.

Quand mes coéquipiers et quelques autres loups de la meute me remirent debout, pour fêter notre victoire, je me sentais déjà mieux même si j'avais envie de tordre quelques cous.

Salem avait gagné deux à un mais il s'en était fallu de peu.

Michael nous accueillit à la sortie de la patinoire avec un grand sourire triomphant et une tape dans le dos pour chacun de nous.

- Bien joué les gars. Nous félicita-t-il. Je suis fier de vous.

- Tu as parlé à Julian, Boss ? Demandai-je immédiatement.

Michael soupira, un peu embarrassé.

- J'ai préféré le laisser se calmer dans son coin pour l'instant.

- Parfait, je vais pouvoir lui dire ma façon de penser. Braillai-je en me dirigeant vers les vestiaires.

Lawrence apparut dans mon champs de vision en compagnie de Paul Frasier dont le genou avait retrouvé un angle normal.

- Félicitations pour votre victoire.

Sa main tendue devant lui, l'alpha était tout sourire et ne semblait pas du tout affecté par la défaite de son équipe.

Sans prendre sa main, je le remerciai d'un signe de tête et décidai de reprendre mon chemin sans tarder.

- Ce qui se passe sur la glace reste sur la glace. Lança-t-il, me stoppant net dans ma retraite.

- Je croyais que ça, c'était pour Las Vegas. Intervint Michael qui m'avait déjà rejoint.

- Bien sûr. Ce que je veux dire c'est que, ce qui s'est passé aujourd'hui pendant le match, ne doit pas ternir les bonnes relations entre nos meutes.

- Pourquoi Lawrence ? Tu as la trouille que ton connard de loup créé un incident diplomatique à cause de son comportement merdique ?

J'essayai de garder le sourire pour donner un peu de légèreté à ma question mais je ne réussis qu'à montrer les dents.

- Je te rappelle, lieutenant, que deux de mes loups ont été blessés durant le match, je serais sans doute plus à même que toi de réclamer des comptes si je le voulais.

- Mais tu ne le veux pas, n'est-ce pas ? Parce que tu sais bien que vous l'avez cherché. Dis-je en toisant Paul durement. Et mec, avise-toi encore une fois de jouer au con comme tu l'as fait et ton putain de genou retourné sera le cadet de tes soucis.

- Michael, je n'aimerais pas que ton lieutenant se retrouve dans une situation qui le dépasserait. Menaça Lawrence sans me quitter des yeux.

- La seule situation qui me dépasse c'est ton incapacité à rappeler tes loups à l'ordre. Grondai-je en le regardant droit dans les yeux.

Le grondement de Lawrence résonna dans la patinoire, faisant taire tous les lycans alentour. Son pouvoir d'alpha glissa sur moi comme de l'eau sur les plumes d'un canard. Je n'allais pas baisser les yeux.

Je savais qu'en soutenant son regard, je faisais une connerie, mais à cet instant, je me foutais bien qu'il découvre mon niveau de dominance.

L'alpha de Medford écarquilla les yeux et la main de Michael se posa sur mon épaule.

- Va, Vanniel, je me charge du reste.

Reconnaissant, je consentis à détourner les yeux pour les poser sur mon alpha.

- Merci Boss.

En rejoignant les vestiaires, j'avais pleinement conscience des risques que j'avais pris en m'exposant ainsi. Pourtant, rien que pour le regard interloqué de Lawrence et les relents de peur qui émanaient de Paul, ça en avait valu la peine.

 

La colère imprégnait l'air du vestiaire quand j'y pénétrai. Je fronçai le nez et décidai de me concentrer sur mes autres sens.

Je ne voyais pas Julian, en revanche mon ouïe me donnait une assez bonne indication de l'endroit où il se trouvait.

Évidemment, ce petit con était déjà sous la douche.

- Les autres vont nous laisser quelques minutes avant de se pointer, Julian, et tous les deux on va avoir une petite explication.

Je pris une grande inspiration et enfilai mon costume de lieutenant en m'approchant des douches. Ma carapace bien en place, je contournai le muret qui isolait les douches en me préparant à la remarque scabreuse que le jeune loup n'allait pas manquer de faire sur notre présence, seuls, dans une douche.

Ce que mes yeux me révélèrent me surprit autant que le silence qui m’accueillit.

Julian ne se lavait pas, il gardait la tête baissée sous le jet d'eau... Tout habillé.

Son équipement complet y passait, ou presque. L'eau engorgeait son maillot et le plaquait contre les protections juste en dessous.

Ses cheveux paraissaient plus foncés et beaucoup plus longs que lorsqu'ils étaient secs. Avant sa transformation, son visage était si fin que, dans la même position, on aurait pu le prendre pour une fille. Aujourd'hui, sa mâchoire carrée, si serrée que j'en avais mal pour lui, se dessinait sous ses mèches blondes qui en suivaient le contour.

Il ne me regardait pas. J'ignorai s'il m'avait entendu.

- Tu vas faire rouiller ton équipement, tu sais.

- Les protections des lycans sont renforcés avec du titane, ça ne rouille pas. Répondit-il d'une voix morne.

- Peut-être mais ça ne peut pas être bon, tu vas en fragiliser la structure.

- Le titane est l'un des métaux les plus résistants.

- Je croyais que c'était l'adamantium, le plus résistant.

Julian tourna la tête et ouvrit finalement les yeux.

- Tu sais que l'adamantium n'existe pas vraiment, n'est-ce pas ?

- Va dire ça à Wolverine, petit.

L'ombre d'un sourire se dessina sur ses lèvres pleines.

- Je me suis toujours demandé comment il faisait pour produire des globules rouges après que son squelette ait été remplacé.

Je clignai des yeux plusieurs fois, je ne voyais pas où il voulait en venir.

- Je crains que tu m'aies perdu sur ce coup là.

- C'est pas grave, c'est juste des trucs qui me passent par la tête de temps en temps.

Je décidai de m'approcher un peu plus. Une gouttelette d'eau s'écrasa sur ma joue, elle était glacée.

- Et il s'est passé quoi dans ta tête, exactement, tout à l'heure, quand tu as décidé de briser le genou de Paul ?

Julian gronda et resserra ses poings contre le mur, faisant crisser le tissu gorgé d'eau.

- C'était un connard, il ne jouait pas, il essayait juste de te casser.

- Ouais... Ben... Tu sais, il s'en prenait à moi. C'était à moi de gérer.

Les muscles de sa mâchoire se contractèrent un peu plus.

- Je pouvais pas te laisser te faire virer de l'équipe.

Un long soupir m'échappa.

- Jul... Ce n'est pas à toi de me protéger.

- Pourquoi ? Parce que je ne suis pas assez fort ? Tu me prends pour un faible, je le sais bien.

J'en restai bouche bée quelques secondes. D'où est-ce que ça sortait ?

- Arrête ! Ça ne va pas ? Qu'est-ce que tu racontes ? Je n'ai jamais pensé que tu étais faible.

- Je veux que tu reviennes sur ton serment, Van... Son murmure était si bas que je n'étais même pas sûr de l'avoir entendu. On n'avait jamais vraiment reparlé de ce serment qui impliquait qu'il était toujours sous ma protection.

- Ta transformation ne date que de quelques mois et ce ne serait pas pru...

- JE VEUX QUE TU ANNULES TON SERMENT !!! Hurla-t-il en se tournant finalement vers moi. Farkas est mort, les autres me respectent maintenant, je n'ai plus besoin de ta protection.

J'écarquillai les yeux en le maintenant à distance par les épaules.

- Julian, je ne comprends pas en quoi ce serment...

- Ça me donne l'impression d'être important. Lâcha-t-il dans un souffle. Tu ne l'as fait pour personne d'autre, j'ai demandé, je me suis renseigné. Tu sais que tu aurais du l'annuler depuis des semaines mais tu laisses traîner et tu me fais croire que je compte pour toi. Tu me donnes l'espoir d'être spécial à tes yeux.

- Je n'ai pas...

- Tu es cruel, Van. Tu ne peux pas m'obliger à accepter ta protection et refuser dans le même temps la mienne. Je grappille les miettes que tu daignes me balancer depuis des mois et je me raccroche à cette connerie de serment pour tenir. Tu es cruel et injuste.

À force de reculer pour le maintenir toujours à distance, mon dos avait fini par rencontrer le mur, j'étais coincé.

Son regard triste cherchait le mien, sa bouche s'incurvait juste un peu vers le bas et ses lèvres avaient légèrement bleui.

Ma main remonta lentement de son épaule à sa nuque et je l'attirai à moi jusqu'à ce que son front se pose contre le mien.

- Tu n'es pas faible, Julian, mais tu refuses de prendre la position qui te revient dans la meute. Expliquai-je simplement. Le jour où tu...

- Conneries... Gronda-t-il.

- Julian, arrête. Tu prends tout ça trop à la légère et si...

- Conneries ! S'écria-t-il plus fort en essayant de se dégager. Je raffermis ma prise sur sa nuque.

Il avait raison, j'aurais dû mettre un terme à ce serment depuis un moment déjà... Pourquoi ne l'avais-je pas fait ?

- Tu vas annuler le serment, Van, et tu vas l'annuler aujourd'hui même.

Merde ! Je n'avais aucune intention de l'annuler, ce petit con était sous ma protection et il allait le rester.

- Tu me donnes un ordre, Jul ? À moi ? Grondai-je en faisant appel à mon instinct dominant.

Je ressentis le moment exact où son corps perçut le danger. Chacun de ses muscles se contracta.

 

Deux phénomènes se produisirent alors simultanément. Son regard ne quitta pas le mien et ses yeux prirent une couleur orangée que je ne connaissais déjà que trop bien. Dans le même temps, j'entendis le raclement de ses griffes en train de pousser contre le mur, de chaque coté de ma tête.

Julian était un dominant, pas autant que moi évidemment, mais son loup se révoltait contre la pression que lui infligeait le mien. Si je ne faisais rien, il allait se transformer et j'allais devoir le remettre à sa place.

Une vague image de moi en train de forcer Julian à accepter mon autorité me traversa l'esprit. Ç' avait été fulgurant mais ça ne m'avait pas plu... Vraiment pas du tout.

Je plaquai ma bouche contre la sienne.

Sa réaction ne se fit pas attendre. Ses yeux s'agrandirent et s'éclaircirent jusqu'à retrouver leur teinte azur. Du coin de l’œil, je vis ses griffes se rétracter jusqu'à disparaître complètement.

Son corps était toujours aussi contracté. Encore un peu et j'allais réussir à...

Ses lèvres entrèrent en action. D'abord rigides, elles semblaient, à présent, fondre contre les miennes. Un grondement guttural s’éleva entre nous. Le problème, c'est que j'ignorais de qui il provenait.

Sa langue força son passage entre mes lèvres et ma tête cogna contre le mur derrière moi. Elle était brûlante et le contraste avec la froideur de ses lèvres m'arracha un gémissement.

Est-ce que je venais vraiment de gémir ?

Je n'étais pas prêt à ça, je voulais seulement détourner son attention...

Je voulais seulement détourner son attention, n'est-ce pas ?

Sa langue s'activait dans ma bouche et j'avais la sensation d'être l'arroseur arrosé. Je n'avais pas encore répondu à ce baiser... Pas vraiment. Mais la chaleur de sa langue, sa douceur, son exigence... Elle me réclamait une reddition totale.

La pointe de ma langue caressa la sienne et ce fut comme un signal silencieux entre nous.

Ses bras se refermèrent autour de mon cou alors que je verrouillais les miens autour de sa taille. Je sentais l'eau qui engorgeait ses vêtements s'infiltrer à travers les miens tant il pressait tout son corps contre moi.

Il frissonnait entre mes bras mais je savais que ça n'avait rien à voir avec le froid.

Ses doigts se refermèrent sur le col de mon maillot comme pour s'assurer que je n'allais aller nulle part. Sauf que je n'avais aucune envie de partir cette fois. Ses lèvres se réchauffaient contre le miennes et chaque mouvement était plus habile que le précédent. Nos langues dansaient l'une contre l'autre, nos dents s'entrechoquant parfois.

Son bassin s'inclina vers l'avant.

Manifestement, son excitation était aussi palpable que la mienne. Un long gémissement rauque lui échappa quand il s'en aperçut.

Soudain l'atmosphère changea et un raclement de gorge me ramena à la réalité.

- Quand tu m'as demandé de te laisser lui dire ta façon de penser, Van, ce n’était pas vraiment ce à quoi je m'attendais.

Les yeux écarquillés, je tournais la tête au ralenti en direction de la voix bien trop familière qui venait de parler.

Michael, Lucy et l'équipe au complet, ainsi que quelques loups de la meute venus assister au match, nous dévisageaient.

Et merde !

Suite>>

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5 mai 2016 4 05 /05 /mai /2016 14:54

- Si tu es très très gentil avec moi, je fais fondre la glace sous leurs pieds dès la reprise du match. Chuchotai-je à Michael en m'approchant dans son dos.

Mon compagnon gronda en se tournant et m'attrapa dans ses bras musclés.

- Si tu es très très gentille avec moi, je te promets de te laisser les noyer avant que je leur torde le cou.

Je ris contre son torse moulé à la perfection dans le pull en maille noir que je lui avais offert quelques semaines plus tôt.

- Alors, est-ce qu'on parle des loups de Lawrence ou de notre belle équipe de bras cassés ? Demandai-je pour m'assurer que nous étions sur la même longueur d'onde.

- Ce ne sont pas des bras cassés. Me réprimanda-t-il en m'assenant une petit fessée. Et je parlais bien de l'équipe de Medford. Ajouta-t-il, un sourire dans la voix.

- Bon, nous sommes d'accord. Mais Nathan a laissé passer un palet. On n'a pas d'avance pour la suite du match.

En réalité, je ne m'en faisais pas vraiment pour notre équipe. Je les avais vus s’entraîner et ils avaient toutes leurs chances. Mais je commençais à bien connaître Michael à présent et j'avais appris de quelle manière il fonctionnait.

- D'accord, mais tu connais l'esprit de compétition de Van, il ne va pas se laisser abattre si facilement, sans compter que Julian est bien plus coriace que je le pensais. Et puis Jed a sans doute déjà repéré leur point faible et doit être en train d'établir un plan pour l'expl... Attends une minute. S'interrompit-il.

Je souris en refusant de relever la tête vers lui. La laine toute douce de son pull réchauffait mon nez rougit par le froid.

- Toi, tu es encore en train de me manipuler pour que je me rende compte tout seul que je n'ai pas de raison de m'emporter.

- Tu me prêtes des intentions bien peu honnêtes, Michael. Et puis « manipuler » a une connotation trop péjorative. Je préfère penser que je t'amène en douceur vers une conclusion à laquelle tu te serais rangé de toute façon. Et puis, si j'essaie de te faire entendre raison directement, tu sais que tu vas te braquer et m'opposer des arguments rien que pour me contredire. Expliquai-je calmement.

- Je ne fais jamais ça ! Quand est-ce que je t'ai fait ça ? Est-ce que je le fais vraiment ?

- Tu le fais tout le temps. Déclarai-je en pointant un doigt vers lui.

- Seulement pour qu'on se dispute un peu, Amour.

- Tu te moques bien de nos disputes. L'accusai-je.

- Parfaitement incorrect ! Simplement, je vois à plus long terme que toi... Et après la dispute, il y a la réconciliation. Et tu sais comme nous sommes doués pour nous réconcilier. Gronda-t-il doucement en grignotant gentiment mon cou.

- Et après c'est moi que tu accuses de manipulation.

Mon compagnon rit en m'attirant plus étroitement contre lui.

Van patina jusqu'à nous en profitant du temps de pause entre les périodes de jeu.

- Boss ! Interpella-t-il Michael. Tu as remarqué quelque chose ? Dans le public je veux dire, pas sur ta compagne. Elle, on sait déjà qu'elle est bizarre.

Je levai mon majeur en direction du lieutenant en affichant mon plus beau sourire.

- J'ai eu Lawrence et Carson au téléphone, pour l'instant tout a l'air de bien se passer. Pas de comportement étrange en vue.

Jolie façon de rebondir quand on n'a pas patrouillé comme on aurait dû. Pensai-je.

- En même temps, tout le monde a l'air fou, je trouve.

- Tu dis ça seulement parce qu'ils m'acclament et que tu es jalouse.

- Michael, je viens de constater un comportement suspect. M'alarmai-je en regardant Van. On dirait que ton troisième lieutenant a perdu tout sens de la mesure, il tient des propos incohérents et il a des hallucinations.

- Bien joué ma petite. On verra bien ce que tu en penseras quand tu verras la foule de mes fans s’agglutiner à la sortie de la patinoire pour avoir un autographe.

- Attends, rappelle-moi une chose. M’étonnai-je. Van, c'est bien le diminutif de vanité, c'est ça ?

- Pas du tout ! C'est le diminutif de « va niq...

- Vanniel !! Gronda Michael suffisamment fort pour que des dizaines de têtes se tournent vers nous.

Le lieutenant nous offrit sa plus belle expression innocente.

- Un petit coup de main par ici ? Nous proposa Julian en s'approchant rapidement.

Le jeune lycan s'affala contre le dos de Van en ratant son freinage.

Je retins un sourire, je l'avais vu effectuer des arrêts parfaitement maîtrisés sans problème pendant le match.

- Génial ! Manquait plus que lui. Soupira Van.

Julian simula une perte d'équilibre pour s'accrocher au cou du lieutenant.

- Si tu ne sais pas tenir ta langue, je peux te l'occuper, si tu veux. Lui susurra-t-il à l'oreille.

- Arrête un peu de t'occuper de ma langue et occupe-toi plutôt de ton jeu. Gronda Van. Pour un branleur, je ne te trouve pas très doué avec le manche d'une crosse entre les mains.

- C'est parce que je manque d’entraînement ces derniers temps. Expliqua-t-il en effectuant un petit geste suggestif de la main qui ne laissait pas de doute quant au type d’entraînement qu'il aurait aimé pratiquer avec lui.

La réponse de Van s’évanouit dans le brouhaha ambiant tandis qu'ils s’éloignaient tous les deux en direction du reste de l'équipe sans même un regard pour nous.

- Tu te souviens quand Julian était timide et rougissait dès qu'on lui adressait la parole ? Je crois que son loup l'a mangé et qu'il l'a remplacé par un acteur de porno gay.

Michael éclata de rire en passant un bras autour de mes épaules.

- Le Julian que tu vois aujourd'hui est le vrai Julian. Son comportement effacé n'était que le résultat des influences extérieures qu'il a reçu tout au long de sa vie. Une fois que son loup l'a aidé à prendre confiance en lui, il a pu se révéler au grand jour.

Je fronçai les sourcils en regardant le visage de mon compagnon.

- Quel genre d'influences extérieures peut modifier à ce point la nature profonde de quelqu'un ?

- Le genre que tu n'aimerais pas. Répondit-il dans un souffle, un muscle tressautant sur sa joue.

J'avais envie d'approfondir le sujet mais déjà le match semblait être sur le point de reprendre et notre équipe se plaçait sur la glace.

Julian se tenait prêt pour la remise en jeu et fit rapidement signe de le regarder à un Van qui ne paraissait pas très satisfait de la situation.

Graham, comme lors du premier tiers-temps, engagea le jeu en relâchant le palet au milieu des crosses. Il s'envola presque lorsque mon loup le cueillit au nez et à la barbe de son adversaire direct. Son geste était fluide et précis et sa technique, bien que rudimentaire, était largement compensée par son instinct.

À présent que mon œil était habitué à la vitesse des lycans durant le match, mon cerveau s'adaptait et anticipait les mouvements, me permettant de suivre l'action en cours.

Julian se tassa sur lui même et esquiva un joueur de l'autre équipe en pivotant sur lui même. Ça, c'était un mouvement que je connaissais. Il avait imité l'un des mouvements préférés de Van. Le petit apprenait vite.

Autour de moi, l'étreinte de Michael se fit plus ferme à mesure qu'il approchait du but. Les muscles contractés, mon compagnon vivait l'action comme s'il y était. Je le sentais même basculer presque imperceptiblement d'un côté ou de l'autre, une infime seconde avant que Julian n'effectue le même mouvement. C'était assez étrange, j'avais l'impression qu'il pilotait le corps du jeune lycan. Je prenais la mesure de l'expérience de Michael sur la glace. Il avait participé à assez de matchs pour être capable d'anticiper chaque geste des joueurs alors qu'il ne jouait pas lui-même.

Je levai la tête un instant pour observer le regard concentré de mon homme. Un grondement sonore s'échappa de sa gorge. Le remplaçant du loup de Medford se dressait sur le chemin de Julian, un rictus méprisant sur le visage. Mon compagnon relâcha son étreinte pour agripper la rambarde, son regard se reporta sur Van, pourtant à l'écart de l'action, juste là en soutien. Il fronça les sourcils et laissa la marque de ses doigts dans la barre métallique.

C'est alors que je le vis.

Le joueur adverse ne fixait pas Julian qui avait pourtant le palet mais reportait toute son attention sur le lieutenant toujours en retrait.

Il abattit sa crosse sur la patinoire une fraction de seconde après le passage du palet devant lui. L'effet était étrange. Il semblait avoir essayé d'arrêter le palet, mais quelque chose clochait dans son geste.

- Van ! Cria Michael

Un morceau de glace plus gros que mon poing filait droit sur la tête du lieutenant à la vitesse d'un boulet de canon. Mon loup esquiva le projectile de justesse, une fine ligne rouge se dessina sur sa joue et une goutte de son sang perla jusqu'à sa mâchoire avant de s’écraser sur la surface immaculée de la patinoire.

Des yeux dorés se braquèrent sur la tête de l'attaquant qui semblait très satisfait de lui. Un instant plus tard, le torse de Graham heurta celui de Van dont le grondement venait de résonner dans toute la salle.

- Calme-toi loup ! Ou je te sors du jeu !

Le lieutenant reporta son regard sur l'arbitre et ses yeux redevinrent progressivement marron.

- C'est bon ! Asséna-t-il, son affirmation claquant comme un juron.

- Pourquoi Graham a-t-il donné un avertissement à Van, alors que c'est évident que l'autre a essayé de le blesser ? M'écriai-je, abasourdie.

Mon alpha fulminait littéralement. Sa mâchoire était crispée et je l'entendis presque grincer lorsqu'il desserra les dents pour me répondre.

- Du point de vue de l'arbitre, ce coup de crosse pouvait parfaitement entrer dans le cadre du jeu. Il aurait pu essayer d'arrêter le palet, le morceau de glace n'est qu'un... Malheureux accident...

La fin de la phrase avait eu du mal à sortir.

- Mais tu as vu toi aussi qu'il le regardait ! Michael, il l'a visé directement !

- Notre parole contre la leur...

J’observai tour à tour mon compagnon et son lieutenant sur la glace. Ces deux-là semblaient avoir l'une de ces conversations muettes qui ne passait que par les yeux et le langage du corps.

Finalement, le jeu reprit et Michael me signifia qu'on ne bougeait pas pour l'instant mais qu'on allait le garder à l’œil.

Ouais, le garder à l’œil semblait être une bonne idée. Ce lycan avait visiblement un problème avec Van. Durant tout le reste du tiers temps, ils ne se lâchèrent pas d'une semelle.

Les autres joueurs tentèrent vaillamment de marquer des buts mais l'inaction forcée de notre lieutenant et de son adversaire direct semblait contaminer le reste de leur équipe.

Au final, le coup de sifflet retentit sans qu'aucune meute n'ait pu ajouter de point à son score.

Michael héla alors son équipe et ils se regroupèrent tous au bord de la patinoire juste devant nous.

Je me penchai et attrapai le menton de Van pour lui faire tourner la tête. La coupure était déjà refermée, tout irait bien.

- Nathan, qu'est-ce qu'on sait sur ce loup ? S'enquit mon compagnon dès que mes préoccupations médicales furent réglées.

- Pas grand chose. Se désola notre premier lieutenant. Il s'appelle Paul Frasier, quarante quatre ans, lycan depuis douze ans. Raphaël l'a accueilli dans sa meute le temps de s'assurer de sa stabilité, il a ensuite choisi de rejoindre Medford quand il a décroché un poste d'instituteur à Jacksonville. Aucun antécédent, pas de comportement déviant notable, sa position hiérarchique est dans la moyenne.

La définition de « pas grand chose » de Nathan était à des lieues de la mienne, voilà pourquoi il était premier lieutenant.

- Attends une minute, ce mec bosse avec des enfants ? M'exclamai-je sans cacher ma surprise.

- Il est plutôt du genre patient en temps normal.

- Donc, on peut supposer que son comportement n'a rien d'habituel. En conclut Michael.

- Sauf que l'année dernière, Van et lui ont failli se battre pendant la fête donnée en l'honneur du vainqueur.

Je fis volte-face en bondissant comme une sauterelle sur un trampoline. Thomas m'adressa un regard d'excuse.

- C'est quoi cette histoire ? Je ne me suis pas battu l'année dernière. Affirma Van.

- Non mais tu as failli, comme je l'ai dit. Rappelle-toi, la rousse que tu as dragué après la finale, c'était sa copine et il n'avait pas apprécié, j'ai du vous séparer avant que ça tourne mal.

- Et merde ! J'avais complètement oublié. Grimaça le troisième lieutenant.

- Ah ouais ? Une rousse hein ? Demanda Julian d'un ton amer.

Un bel ensemble de cinq paires d'yeux levés au ciel accueillit sa remarque, le dissuadant de pousser plus loin ses investigations.

- Et donc... Il a une dent contre toi et il a attendu une année entière pour prendre sa revanche ? Demandai-je, dubitative.

- La question est : Sommes-nous prêts à prendre le risque de passer à côté d'un lycan sur le point de perdre le contrôle sur la base d'une histoire de rancœur qui remonte à l'année dernière ? Demanda Nathan.

Michael soupira et jeta un coup d’œil aux alentours.

- Je vais aller en parler avec Lawrence. Il s'agit de son loup après tout, il saura peut-être quelque chose. Pour l'instant, aucun autre alpha ne s'est alarmé et s'il n'avait pas pris l'un de mes loups pour cible je n'y aurais peut-être même pas prêté attention non plus.

Notre groupe acquiesça et commença à s'éparpiller.

- Van... L’interpella Michael. Tu es le plus à même de reconnaître les signes. Je compte sur toi pour ne pas te laisser embarquer dans son jeu et rester concentré.

- Compris Boss ! Acquiesça solennellement le lieutenant.

- Est-ce que je peux faire quelque chose ? S'enquit Thomas toujours à côté de nous.

- Où en es-tu avec Ethan Wade ? Demanda mon compagnon.

- Pour l'instant, je piétine. Carson et sa parano habituelle... Il a remarqué que j'essayais d'approcher son loup et il sent qu'il y a anguille sous roche, du coup je n'arrive pas à lui parler seul à seul.

- Carson et surtout son loup nous doivent une faveur depuis que Lucy lui a sauvé la peau. N'hésite pas à t'en servir. Rappela l'alpha. J'irai en toucher deux mots à Carson si c'est nécessaire. En attendant, j'aimerais que tu gardes un œil sur Julian jusqu'à la fin du match. Je fais confiance à Van pour garder son sang-froid mais j'ai peur que le jeune ne fasse pas preuve d'autant de retenue.

- Bien alpha. Répondit Thomas.

J'adressai un sourire rassurant à mon ami avant de m'éloigner avec Michael. Quelques mois plus tôt, un vampire que nous avions fait prisonnier avait lâché à Thomas que le meurtrier de sa compagne n'avait pas rendu son dernier souffle comme il le pensait. Depuis mon ami n'était plus lui même... Mais si je prétendais que rien n'avait changé, peut-être ne remarquerais-je pas les cernes sous les beaux yeux bleus de Thomas, ni la tristesse dans le sourire qu'il me rendit.

Ouais... Et les licornes surferaient bientôt sur un arc-en-ciel sous une pluie de pétales de roses !

- Est-ce que tu vas le réintégrer à l'équipe de hockey avant la fin du tournois ? Demandai-je à mon compagnon alors que nous nous frayions un chemin à travers la foule.

- Pour l'instant, le mieux pour lui est de se consacrer à la recherche des informations dont il a besoin.

- Tu ne crois pas que ça pourrait lui faire du bien de se concentrer sur autre chose le temps d'un match ?

Michael s'arrêta et me regarda dans les yeux.

- Si tu m'avais posé la même question il y a quatre ans, je t'aurais répondu que tu avais raison. Aujourd'hui... S'il t'arrivait quelque chose, amour, si on t'enlevait à moi, si un être, quoi qu'il soit, t'arrachait à mes bras... Il n'y aurait rien sur cette terre qui pourrait m’empêcher de retourner le monde entier pour le retrouver et le tuer. À présent que je sais ce qu'il a eu et ce qu'il a perdu, je sais que rien ne pourra le détourner de sa vengeance.

Les émeraudes de ses yeux se transformaient progressivement en saphirs tandis qu'il parlait. Mais même sans ça, j'aurais su qu'il pensait chacun des mots qu'il avait prononcés. Michael retournerait le monde entier pour moi.

Eh bien, qu'il en soit ainsi, pour cet homme, je le brûlerais jusqu'à ce qu'il n'en reste que des cendres.

 

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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 15:03

- Tu es sure que ça ne risque rien ? Se lamenta Julian en ajustant son équipement sous son maillot de hockey.

Je finissais tout juste d'inspecter, pour la troisième fois de la journée, la cicatrice de Van.

- Non c'est bon. L'assurai-je. Sa cicatrice est en train de disparaître, tout roule et je suis sure qu'il n'a déjà plus mal. N'est-ce pas Van ?

Je tapotai son bas ventre avec assurance comme on flattait le flanc d'un gentil chien. Mon ami écarta ma main prudemment d'une zone plus sensible et bien trop proche à son goût.

- Arrête de me materner, gamin, j'ai déjà remporté des duels avec des blessures pires que ça et sans l'intervention de Lucy. Je gère, t'inquiète. Gronda-t-il. Je ne vais pas laisser passer ma chance de prendre ma revanche sur l'équipe de Medford. L'année dernière, ils nous ont battus de quelques points seulement.

- Je ne te materne pas, je prends soin de la marchandise. Répondit-il en agrippant une poignée des cheveux hirsutes de Van pour l'attirer plus près de son propre visage. Si tu ne fais pas attention à toi, je vais devoir prendre des mesures pour t'enfermer pour ton propre bien... De préférence dans ma chambre... Attaché à mon lit par des menottes...

- Ce ne sont pas des menottes qui vont me retenir.

Van levait les yeux au ciel pour montrer son exaspération mais je notais, non sans une certaine satisfaction, qu'il n'avait pas repoussé Julian.

- Tant mieux, j'ai de grands projets pour nous deux, et je vais avoir besoin de tes mains pour ça.

- Pour l'instant, tout ce que ces mains vont agripper, c'est une crosse de hockey, arrête avec tes allusions salaces.

- Des allusions salaces ? Quelles allusions salaces ? S'étonna le plus jeune. C'est toi qui sautes tout de suite aux conclusions.

Julian s'écarta en prenant son air faussement outré avant de s'élancer sur la glace.

- Mais c'est une bonne chose que tu t'habitues à agripper quelque chose de long et dur. Ajouta-t-il néanmoins, juste assez fort pour que nous l'entendions tous les deux.

Van écarquilla les yeux avant de reporter son regard sur moi. J'étais prête à parier que ses mains avaient agrippé la rambarde avant de vite la relâcher comme s'il s'était brûlé. Des trucs longs et durs, on en trouve un peu partout apparemment.

- Tu vas le corriger pour t'avoir parlé de cette manière ? M'enquis-je avec un petit sourire.

- À quoi bon ? Il serait même susceptible d'y prendre du plaisir à mon avis.

Je levai les yeux au ciel. Julian bénéficiait d'un passe-droit dont il usait et abusait sans modération.

Van me sourit d'un air entendu avant de me pousser d'un petit coup d'épaule.

- Allez ma jolie, il est presque l'heure. M'avertit-il. Sors de la glace avant que l'arbitre ne te prenne pour un joueur.

Je reculai jusqu'à sortir de la patinoire.

- Fais attention, d'accord ? Je t'ai rafistolé une fois de plus mais protège quand même ton ventre.

Le lieutenant m'adressa un sourire avant de s’élancer au milieu de la patinoire. Pour ce que j'en savais, il pouvait aussi bien vouloir me dire qu'il était d'accord, comme d'aller me faire foutre...

Graham s'avança sur la glace avec le même sourire tranquille que je lui avais vu arborer la première fois que je l'avais rencontré. Sa tenue d'arbitre noire et blanche, un peu trop ajustée pour son corps musclée, ou bien peut-être était-ce fait exprès, me faisait frissonner. Je portais l'un des grands pulls de Michael, par dessus plusieurs couches de vêtements m'appartenant, et pourtant j'avais froid.

L'alpha blond braqua ses grands yeux bleus sur les membres de l'équipe de Medford et de Salem et sortit le minuscule palet noir de sa poche.

Je m'appuyai à la rambarde de la patinoire avec un petit sourire. L'ambiance électrique sur le terrain était perceptible et contagieuse. Mes loups avaient envie d'en découdre. Les patins raclaient le sol glacé et les crosses passaient fébrilement d'une main à l'autre. En cet instant, ils ressemblaient plus à des lions en cage qu'à des loups.

Van s'approcha du centre où se trouvait Graham, en même temps qu'un lycan que je ne connaissais pas, un loup de Medford.

Les deux adversaires se firent face et le silence s’abattit comme une chape de plomb sur la patinoire. Je pris une grande inspiration. Je pouvais entendre mon cœur battre dans ma poitrine tandis que, sous leur équipement, les muscles des joueurs se bandaient, et que leur regard se fixait sur un seul point: le palet.

Graham fixa les deux joueurs les plus proches de lui l'un après l'autre et engagea la partie.

Lorsque le petit rond de caoutchouc vulcanisé ricocha sur la glace, un brouhaha intense venu de chaque recoin de l'immense salle fit bourdonner mes oreilles. Les loups de toutes les meutes présents hurlèrent leurs encouragements alors que les joueurs s'élançaient sur la glace à une vitesse ahurissante.

Au début, mes yeux habitués à l'immobilité des lycans, quelques secondes plus tôt, eurent du mal à suivre l'action en cours. La silhouette des joueurs se floutaient un court instant avant de redevenir nette, et chaque fois un nouveau loup avait le palet. Je ne savais plus où donner de la tête. Salem cherchait à percer la défense de Medford impitoyablement, s’engouffrant dans chaque faille, dans chaque espace laissé libre. Mais Medford tenait bon, pire encore, ils faisaient reculer mon équipe un peu plus à chaque action.

Van, soutenu par un Julian impressionnant, livrait un véritable combat pour grappiller quelques mètres en direction de la cage adverse. Henry, l'un des dominants de la meute et troisième attaquant de Salem ne ménageait pas ses efforts pour se démarquer de son adversaire qui lui collait aux basques. Les deux défenseurs, Riley et Jed, faisaient leur possible pour empêcher les joueurs de Medford de s'approcher du palet. Les coups d'épaule se succédaient, le bruit des corps s'entrechoquant, résonnant malgré les encouragements tonitruants de la foule. Et une brèche inattendue s'ouvrit enfin dans la défense de Medford.

Mon ami et lieutenant s'y engouffra la seconde suivante, patinant comme s'il volait à la surface de la glace, chaque geste parfaitement maîtrisé tandis que le palet virevoltait d'un côté comme de l'autre.

J'empoignai plus fermement la rambarde alors que seuls quelques mètres séparaient encore Van de la cage de Medford. Il y était presque.

Le lycan se stoppa brutalement, et sa position se modifia légèrement alors qu'il s’apprêtait à envoyer le palet en direction des filets. Du coin de l’œil, j'apercevais déjà l'un des attaquants adverse foncer sur lui à grande vitesse... À trop grande vitesse... S'il ne freinait pas un peu, non seulement il allait percuter Van de toutes ses forces avant qu'il ait pu tirer, mais il risquait aussi de blesser mon loup, et lui avec.

Mais alors que je le pensais dans son angle mort, Van pivota sur lui même dans un mouvement souple, emportant le palet avec maestria, loin de la crosse de l'autre joueur. Si je ne l'avais pas vu faire, j'aurais eu du mal à croire qu'un tel mouvement pouvait être possible sur la glace.

Le joueur de Medford, surpris et déséquilibré par le manque de résistance qu'il rencontra, fila droit vers la rambarde, la tête la première. Il s'effondra dans un bruit sourd, immédiatement suivi des cris de joie de l'assistance. Van venait de marquer le premier but.

Après quelques minutes qui servirent à évacuer le joueur de Medford complètement sonné, et à faire entrer un remplaçant, le match reprit.

Galvanisé par leur but, mon équipe semblait enragée et prête à dévorer le monde.

Au delà du match, appuyé à la rambarde du coté gauche de la patinoire, je voyais mon compagnon sourire. Il était censé patrouiller dans la foule et remarquer le moindre comportement suspect, comme les autres alphas, hormis Graham bien sûr. Cela dit, je comprenais parfaitement son envie de regarder les prouesses de son équipe. Michael suivait chaque action de son regard acéré et je percevais chaque inclinaison légère de son corps, tandis qu'il vivait le match en même temps que les joueurs.

- Il n'a pas changé, on dirait.

Je sursautai en sentant le souffle chaud d'un lycan dans mon cou.

- Quoi ? Dis-je en faisant volte-face.

Raphaël me sourit avec bienveillance, les mains levées en une excuse muette.

- Michael. Je disais qu'il n'avait pas changer. La première fois que je l'ai emmené voir un match, il avait déjà ce regard concentré, comme s'il était sur la glace avec les joueurs.

- C'est toi qui l'a emmené voir son premier match ? Demandai-je, curieuse d'en apprendre plus sur le passé de mon compagnon.

Je m'étais demandée si je devais tutoyer l'alpha de Portland un peu plus tôt mais finalement , ça me semblait plutôt naturel puisque j'allais sans doute être amenée à le revoir souvent.

- Oui, c’était en 1914.. peut-être 1915.. Je ne sais plus. À cette époque, l'équipe de Portland s'appelait les Rosebuds et il y avait bien moins de joueurs. Le hockey était un sport jeune dans nos contrées.

Je souris à l'utilisation désuète du mot « contrée ».

- Il appartenait déjà à ta meute à cette époque alors ?

- Je vois qu'il ne t'a pas encore tout raconté. Dit-il en riant légèrement, ce qui le fit paraître encore plus jeune que moi. Michael a été mon premier lieutenant pendant près de soixante ans.

J'écarquillai les yeux suite à cette révélation. Qu'il ait été l'un de ses lieutenants ne m'étonnait pas vraiment, j'avais déjà cru le comprendre lors de ma première rencontre avec Raphaël. Néanmoins, je n'avais pas imaginé que ça ait pu durer si longtemps. Quelque part, Michael devait avoir eu raison. Je n'avais jamais vraiment envisagé qu'il ait passé les cents-soixante-deux ans de sa vie autrement qu'en chef de meute.

Raphaël éclata de rire devant mon expression, une main posée sur son cœur. Son T-shirt du jour arborait un magnifique « Team Jacob ». Si je n'avais pas eu aussi froid pour lui, j'aurais sans doute ri avec lui.

- Et tu l'as laissé partir comme ça ? Sans t'y opposer ?

L'alpha s'essuya rapidement les yeux avant de me sourire.

- Eh bien, c'était ça ou un duel, et tu as bien vu dans quel état il se met quand il est en colère. Il faudrait être fou pour s'y frotter.

J'aimais bien Raphaël. Ce lycan se promenait avec des T-shirts à messages, éclatait de rire pour un oui ou pour un non, se montrait affable et souriant et balançait ce genre de répliques destinées à le montrer sous un jour relativement inoffensif. Pourtant, il gérait une meute d'une soixantaine de loups, avait plus de cinq-cents ans et inspirait un respect infini à tous les dominants de ma connaissance.

- Et j'imagine que l’installation de Michael à Salem est une coïncidence ? Demandai-je avec un sourire entendu.

- Oh, tu sais, j'avais ce petit bout de territoire qui ne me servait à rien... Et puis j'aime garder un œil sur mes petits.

Le regard de Raphaël se posa alors tour à tour sur Michael, Graham, Lawrence et Carson, m'indiquant par la même occasion où chaque alpha se trouvait. Je me demandai si toutes les meutes de l'état avaient été créées indirectement par Raphaël.

- Tu es donc, en quelque sorte, le père de toutes les meutes de l'Oregon ? Demandai-je pour avoir confirmation de mon intuition.

L'alpha éclata de rire avant de secouer la tête.

- C'est une façon de voir les choses. Je préfère penser que je suis un bon maître d'apprentissage. Et puis, les cinq meutes ici présentes ne sont pas les seules à s'être établies dans l'état. Certains lycans s'organisent en petits groupes beaucoup plus restreints et vives à l'écart des humains. Ils évitent les interactions avec l'extérieur et change de territoire au gré des mouvements du gibier. Et je n'ai aucune influence sur leur implantation.

Je souris. Il venait de confirmer à mi-mot son rôle dans la création de quatre des plus importantes meutes de l'état.

Des cris d'excitation s'élevèrent autour de nous et je reportai brièvement mon regard sur la patinoire. Le nouvel arrivant de Medford venait de tirer et Nathan, le gardien de l'équipe, avait stoppé le palet à l'aide de ses genoux. Il s'en était fallu de peu.

- Je n'ai pas vu Lori. Dis-je sans quitter le jeu des yeux. Elle est restée à l’hôtel aujourd'hui ?

- Non, elle est rentrée à Portland pour un jour ou deux, elle avait des affaires à régler avec sa famille.

Son ton circonspect m'apprenait surtout qu'il avait décidé de l'éloigner de Salem le temps que le problème des Ulfarks soit réglé.

- Hm... Je vois...

La façon dont ce couple fonctionnait ne me regardait pas alors je préférai me concentrer sur le match.

L'attaquant remplaçant de Medford gagnait justement du terrain sur mon équipe et le niveau sonore de la salle augmentait au fur et à mesure qu'il avalait les mètres le séparant des cages de Salem.

Un coup d’œil sur mes joueurs me suffit pour me rendre compte qu'ils étaient en mauvaise posture.

Van venait de chuter, aidé par la crosse d'un joueur adverse. Julian et Henry se débattaient comme des beaux diables pour échapper à la vigilance du même joueur. Quant à Jed et Riley, les pauvres peinaient à s'écarter des parois de la patinoire, tandis que les défenseurs adverses semblaient prendre un malin plaisir à les renvoyer dans les cordes à grands coups d'épaule.

- Merde ! Mais à quoi sert Graham... Ils n'ont pas le palet !

L'alpha à côté de moi s'appuya à la rambarde.

- Il n'est pas là pour siffler les fautes. M'expliqua-t-il. Son rôle se borne à engager le jeu et éviter qu'il y ait des morts. Pour le reste... Eh bien... Si on devait relever les fautes dans un match avec des lycans... Le jeu serait arrêté toutes les trois secondes.

- Bon sang, c'est quand même sacrément frustrant.

Van venait de se remettre sur ses patins et fonçait à pleine vitesse sur l'attaquant de Medford.

Mais déjà celui-ci tirait avec précision entre les jambes de Nathan qui, malgré sa vitesse, n'arriva pas à stopper le palet.

Les loups de Lawrence venaient d'égaliser.

Je reportai immédiatement mon regard sur mon compagnon, toujours à gauche de la patinoire. Je pouvais le voir fulminer en silence, les mains agrippées dangereusement à la rambarde. Je m'étonnai presque de ne pas voir de la fumée sortir de ses oreilles.

Je m'excusai auprès de Raphaël et décidai de rejoindre Michael alors que le premier tiers temps s'achevait déjà.

- Lucinda... M'interpella l'alpha de Portland.

Je me tournai une dernière fois vers lui.

- Lori t'aime bien, tu sais. Elle... Eh bien, elle n'a pas beaucoup d'amies. Les louves de ma meute ne lui rendent pas toujours la vie facile à cause de son humanité. On ne peut pas vraiment dire que les lycans soient des créatures très tolérantes et a fortiori quand ce sont des femelles.

Je lui souris avec sincérité.

- J'aime bien Lori moi aussi. Ta femme est courageuse. Dis-lui de venir me voir quand elle le veut.

Et sur ce, je tournai les talons. Je venais de rendre un Alpha heureux, au tour du mien à présent.

 

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28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 21:06

Il y a quelques temps (oui je sais, ça fait déjà très longtemps que je n'ai rien posté ;( ) je vous avais posté un dessin de ma Yuma, ma merveilleuse lectrice Bêta et meilleure amie. Il s'agissait de trois de mes louloups préférés Michael, Nathan et Van bien sûr. Et je vous avais annoncés que d'autres loups allaient arriver !! Eh bien ça y est, ils sont là, c'est le grand moment !!! Encore une fois un très très grand merci à ma Yuma qui a réussi à chibi-iser mes loups à la perfection.

Voici donc, Julian, Thomas et Tad, ainsi que leurs loups bien entendu.

 

Et puis j'ai eu un très beau cadeau à noël également et je voulais vous le faire partager:

 

 

Aaaaaaah comme j'adore ce genre de cadeaux!!! J'espère qu'ils vous plairont aussi!!

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